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04/04/2018 | FRANCE | N°16MA00549

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 04 avril 2018, 16MA00549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame I...A..., néeG..., M. K... E...et M. F... H...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le permis de construire délivré à M. J... C...par un arrêté du 28 novembre 2013 relatif à la construction d'un immeuble collectif d'habitation comportant sept logements et la décision expresse de rejet de leur recours gracieux par le maire de Briançon du 21 février 2014.

Par un jugement n° 1402920 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur deman

de.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame I...A..., néeG..., M. K... E...et M. F... H...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le permis de construire délivré à M. J... C...par un arrêté du 28 novembre 2013 relatif à la construction d'un immeuble collectif d'habitation comportant sept logements et la décision expresse de rejet de leur recours gracieux par le maire de Briançon du 21 février 2014.

Par un jugement n° 1402920 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2016 et le 19 décembre 2016, la commune de Briançon, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2015 ;

2°) d'adjoindre un motif tiré des modalités de réalisation des places de stationnement imposées par le projet pour justifier l'adaptation mineure dérogeant aux prescriptions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Briançon ;

3°) de condamner Mme A..., M. E... et M. H... à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir des demandeurs au regard des prescriptions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- l'adaptation mineure admise au regard des dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme ne porte que sur la partie Nord-Ouest de la limite de parcelle et est nécessaire ;

- il peut être proposé une substitution de motifs pour compléter la motivation de l'adaptation mineure dérogeant aux prescriptions de l'article UA 7 ;

- les autres moyens soulevés en première instance devront être rejetés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, Mme I...A..., M. K... E...et M. F... H..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Briançon ;

2°) de condamner la commune de Briançon à leur verser ensemble la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a prononcé à bon droit l'annulation du permis en construire en litige dès lors que l'adaptation accordée aux prescriptions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas mineure ;

- les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'alimentation en eau potable ont été méconnues ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Briançon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gonneau, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêté du 28 novembre 2013, le maire de la commune de Briançon a accordé un permis de construire à M. C... autorisant l'édification d'un immeuble à usage d'habitation d'une surface de plancher de 566 m², sur des terrains situés au sein du hameau de Fontchristianne, correspondant aux parcelles cadastrées section C n° 1417 et 1731, en zone UA du plan local d'urbanisme ; que la commune de Briançon relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la requête de Mme A... et de MM. E... et H...en annulant cet arrêté et la décision du 21 février 2014 du maire de la commune de Briançon portant rejet de leur recours gracieux ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Briançon :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, applicable au contentieux relatif au permis en litige : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir doit apprécier la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; que le voisin immédiat, eu égard à sa situation particulière, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a retenu le juge de première instance par une exacte application des dispositions précitées, que les trois demandeurs de première instance sont propriétaires d'immeubles à usage d'habitation situés à proximité immédiate du projet en litige, dans un hameau caractérisé par des constructions d'hauteur et d'emprise au sol limitées ; que les documents cartographiques et photographiques fournis par les demandeurs établissent, en raison de l'élévation et de l'importance du projet de M. C..., que celui-ci va nécessairement affecter les conditions de jouissance de leurs biens et notamment les vues dégagées dont ils bénéficiaient ; que les productions du défendeur de première instance n'ont pas été de nature à remettre en cause cette démonstration ; que la circonstance que certains des moyens soulevés à l'appui de la requête de première instance sont sans lien direct avec le préjudice d'agrément qui justifie l'intérêt pour agir des intimés est sans incidence sur la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Briançon doit, par suite, être écartée ;

Sur le bien fondé du jugement de première instance :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. " ; qu'aux termes de l'article UA 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Briançon : " Implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : (...) / Les constructions doivent être implantées à l'alignement de la voie de desserte (...) " ; qu'aux termes de l'article UA 7 de ce même règlement : " Implantations des constructions par rapport aux limites séparatives / (...) Constructions principales / Par rapport aux limites latérales et dans une bande de 15 mètres de profondeur, mesurée à partir de l'alignement futur ou actuels des voies, les constructions doivent être implantées d'une limite latérale à l'autre. / Dans le cas d'ouvertures latérales sur les constructions limitrophes (...), la distance comptée horizontalement de tout point du bâtiment et la limite séparative doit être au moins égale à la moitié de la hauteur de la construction mesurée à l'égout du toit (H/2) sans pouvoir être inférieure à 3,00 mètres. (...) " ; qu'il résulte du glossaire du plan local d'urbanisme que les limites séparatives latérales sont " les limites de parcelles qui aboutissent aux voies " ;

6. Considérant qu'il est constant que le projet présenté par le pétitionnaire est implanté à l'alignement du chemin de Font Christianne, situé en limite Est du terrain d'assiette du projet et que l'accès des véhicules automobiles à la construction projetée s'opère par le côté Sud du terrain ; que l'immeuble projeté devait, par suite, dans une bande de quinze mètres de profondeur à partir de la limite Est du terrain, s'étendre de la limite latérale Nord à la limite latérale Sud du terrain pour respecter les prévisions des dispositions précitées de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Briançon ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet présenté par le pétitionnaire a fait l'objet au cours de l'instruction de la demande de permis de construire d'une demande d'adaptation mineure aux prévisions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Briançon ; que le permis de construire a été délivré au bénéfice d'une adaptation mineure motivée à cette règle d'urbanisme en raison du caractère arrondi et exiguë de la limite Sud du terrain d'assiette et à la nécessité, outre d'assurer une vue plus dégagée aux bâtis environnants, de permettre la création de l'accès en pointe Sud dudit terrain ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du plan de masse joint à la demande de permis de construire, que cette adaptation porte sur un retrait de plus de neuf mètres à compter de l'extrémité Sud du terrain, et qu'elle ne présente pas, dès lors, un caractère mineur au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme ; qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que la distance d'implantation du bâtiment par rapport à la limite séparative Nord est de 3,75 mètres en son point le plus proche de cette limite et de plus de 6,54 mètres en son point le plus éloigné et ce à l'intérieur de la bande de 15 mètres mesurée à compter de l'alignement de la voie ; que cette méconnaissance des dispositions de l'article UA 7 n'a pas fait l'objet d'une demande d'adaptation mineure au cours de l'instruction du permis de construire et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les ouvertures de la construction projetée situées sur sa façade Nord donneraient sur des bâtiments limitrophes ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le maire de la commune de Briançon ne pouvait pas légalement délivrer le permis de construire en litige ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par la commune pour la méconnaissance de la règle fixée à l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme relative à l'extension, à la partie Nord-Ouest du terrain, de l'adaptation mineure initialement consentie dès lors, notamment, que le caractère nécessaire de celle-ci n'est pas établi au regard de la nature du sol, de la configuration des parcelles ou du caractère des constructions avoisinantes ;

8. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun autre moyen n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation des décisions attaquées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Briançon n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 28 novembre 2013 par lequel le maire de la commune de Briançon a accordé le permis de construire en litige à M. C..., ainsi que la décision du 21 février 2014 portant rejet du recours gracieux des intimés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge des demandeurs de première instance, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Briançon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Briançon une somme globale de 2 000 euros à verser à Mme A..., à M. E... et à M. H... sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Briançon est rejetée.

Article 2 : La commune de Briançon versera à Mme A..., M. E... et M. H... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Briançon, à Mme I...A..., néeG..., à M. K... E...à M. F... H...et à M. J... C....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Gap.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- M Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2018.

2

N° 16MA00549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00549
Date de la décision : 04/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : SELARL ASEA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-04;16ma00549 ?
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