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15/02/2018 | FRANCE | N°16MA00590

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 15 février 2018, 16MA00590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Cap Camarat a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2013 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle, agissant au nom de l'Etat, l'a mise en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris sur la parcelle cadastrée section AK n° 282 située quartier " Bonne Terrasse ", sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1301788 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2016, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Cap Camarat a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2013 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle, agissant au nom de l'Etat, l'a mise en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris sur la parcelle cadastrée section AK n° 282 située quartier " Bonne Terrasse ", sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1301788 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2016, la SCI du Cap Camarat, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté se fonde sur un procès-verbal d'infraction du 5 juin 2013 qui ne lui a pas été communiqué ;

- la procédure est également irrégulière au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 114 du code de procédure pénale ;

- il est entaché d'erreurs de fait.

- les travaux étaient terminés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gougot,

- et les conclusions de M. Gonneau.

1. Considérant que le maire de Ramatuelle a délivré à la SCI du Cap Camarat un permis de construire le 6 novembre 2007, prorogé par arrêté du 2 août 2010, en vue de l'extension d'une villa existante située quartier Bonne Terrasse, ainsi qu'un permis de construire modificatif le 10 mai 2012 ; qu'agissant en qualité d'agent de l'Etat, le maire a, sur le fondement d'un procès-verbal d'infraction dressé le 18 avril 2013, édicté à l'encontre de la SCI du Cap Camarat un arrêté interruptif de travaux le 23 avril 2013, qu'il a retiré le 7 mai 2013 afin de régulariser la procédure contradictoire ; que, par arrêté du 22 juin 2013, le maire a de nouveau édicté un arrêt interruptif de travaux à l'encontre de la SCI du Cap Camarat, sur le fondement d'un nouveau procès-verbal d'infraction dressé le 18 juin 2013 ; que celle-ci interjette appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 22 juin 2013 ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. Les modalités d'application du présent article sont fixées en tant que de besoin par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SCI du Cap Camarat a été rendue destinataire du projet de procès-verbal d'infraction qui était joint au courrier de l'autorité administrative du 7 mai 2013 l'invitant à formuler ses observations ; qu'il est constant que le procès-verbal d'infraction du 18 avril 2013 rédigé en termes quasiment identiques lui a également été adressé; que, par suite, et alors même qu'elle n'avait pas été destinataire du procès-verbal d'infraction du 5 juin 2013, la société requérante doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été mise à même de présenter ses observations, ce qu'elle a au demeurant fait par écrit le 10 mai 2013 et oralement le 21 juin 2013 ; que, par suite, le moyen selon lequel la procédure contradictoire énoncée par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précité a été méconnue doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives au droit de l'accusé en matière pénale, du principe constitutionnel des droits de la défense régissant la matière répressive et des dispositions de l'article 114 du code de procédure pénale relatives aux interrogatoires et confrontations devant le juge d'instruction sont inopérants à l'encontre d'un arrêté interruptif de travaux qui constitue une mesure de police administrative et non une sanction ayant le caractère d'une punition ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision contestée : " Les démolitions de constructions existantes doivent être précédées de la délivrance d'un permis de démolir lorsque la construction relève d'une protection particulière définie par décret en Conseil d'Etat ou est située dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instaurer le permis de démolir. " ; que l'article L. 451-1 du même code précisait alors que : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire [...] peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition. " ; que selon l'article R. 425-18 alors applicable : " Lorsque le projet porte sur la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France. " ; que les faits constatés par le juge pénal s'imposent à l'administration ;

5. Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le projet étant situé dans un site inscrit sur la liste des sites et des monuments naturels classés au titre des articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement, en application des dispositions précitées des articles L. 421-3 et R. 425-18 du code de l'urbanisme, les travaux ayant pour objet de démolir l'aile Ouest de la villa en cause devaient être précédés d'un permis de démolir ; que la SCI du Cap Camarat ne démontre pas avoir obtenu un tel permis à la date de la décision contestée ; qu'elle n'est à cet égard pas fondée à soutenir que le permis de construire modificatif qui lui a été accordé le 10 mai 2012 impliquait nécessairement les démolitions réalisées alors que ni le formulaire Cerfa ni la notice de cette demande d'autorisation ne font état d'une telle démolition ; que, par un jugement du 22 septembre 2015, le tribunal correctionnel de Draguignan a d'ailleurs déclaré la SCI du Cap Camarat et son gérant coupables d'infractions d'urbanisme, parmi lesquelles celle d'avoir courant 2012 à courant 2013, en tous cas le 13 novembre 2012, et les 18 avril 2013 et 5 juin 2013 entrepris la réalisation de travaux en non-conformité avec des permis de construire, en l'espèce une démolition partielle, représentant une surface de 736,83 m² constatée le 13 novembre 2012, et la construction d'une nouvelle aile à la villa existante en sous-sol et rez-de-chaussée après démolition de l'existant, constatée le 5 juin 2013 ; que, par suite, pour ordonner l'interruption des travaux en cours, le maire de Ramatuelle a pu, sans erreurs de fait, se fonder sur l'absence de permis de démolir et la réalisation d'un sous-sol et d'un rez-de-chaussée en méconnaissance des autorisations délivrées le 6 novembre 2007 et le 10 mai 2012 ;

6. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ressort tant du procès-verbal d'infraction du 18 juin 2013 que du procès-verbal d'huissier établi à la demande de la SCI du Cap Camarat le 19 juin 2013 que les travaux de construction n'étaient pas achevés à la date de l'arrêté contesté ; qu'à supposer même que les travaux de démolition aient été terminés, cette circonstance n'est pas suffisante dès lors que l'achèvement des travaux doit s'apprécier au regard de l'ensemble du projet de construction et non par tranches ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Cap Camarat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI du Cap Camarat dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI du Cap Camarat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Cap Camarat et au ministre de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Gougot, première conseillère,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2018.

2

N° 16MA00590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00590
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : SCP AUGEREAU - CHIZAT - MONTMINY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-15;16ma00590 ?
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