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18/01/2018 | FRANCE | N°16MA00186

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 18 janvier 2018, 16MA00186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...E...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2012 par lequel le maire de la commune de Solliès-Toucas a délivré à M. D... un permis de construire n° PC 83 131 12 T0063.

Par un jugement n° 1301652 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2016, M. et Mme E..., représentés par Me F..., demandent à la Cour :

1°) d'

annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...E...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2012 par lequel le maire de la commune de Solliès-Toucas a délivré à M. D... un permis de construire n° PC 83 131 12 T0063.

Par un jugement n° 1301652 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2016, M. et Mme E..., représentés par Me F..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2012 par lequel le maire de Solliès-Toucas a délivré un permis de construire à M. D... ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Solliès-Toucas et de M. et Mme D... une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la preuve de l'affichage régulier et continu de l'autorisation, qui incombe au bénéficiaire, n'est pas rapportée ;

- la demande de première instance n'était pas tardive dès lors qu'elle avait été précédée d'un recours gracieux ;

- ils disposent d'un intérêt pour agir contre cette autorisation d'urbanisme en qualité de propriétaires d'une parcelle immédiatement voisine du terrain d'assiette du projet ;

- le dossier de demande de permis de construire était entaché de nombreuses insuffisances au regard des dispositions des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- les dispositions de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue du décret n° 2014-253 du 27 février 2014, n'étaient pas applicables à une demande déposée en 2012 ;

- le bénéficiaire de l'autorisation litigieuse a nécessairement déclaré qu'il disposait d'un titre l'habilitant à implanter la construction projetée en prenant appui sur le mur mitoyen alors même qu'il ne disposait pas de l'accord des voisins concernés.

La requête a été communiquée à la commune de Solliès-Toucas et à M. et Mme D... qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gonneau, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme E....

Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée le 15 janvier 2018.

1. Considérant que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2012 par lequel le maire de la commune de Solliès-Toucas a délivré un permis de construire à M. D... pour procéder à la surélévation d'un immeuble existant, situé sur une parcelle cadastrée section D n° 162 au 2 rue des Écoles sur le territoire communal, à la création de nouvelles ouvertures ainsi qu'à la réfection de sa toiture et au ravalement de sa façade ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 " ; que, selon l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) " ; et qu'aux termes de l'article A. 424-16 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...) " ;

3. Considérant qu'en imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions ainsi rappelées ont eu pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet ; que la hauteur du bâtiment est au nombre des mentions substantielles que doit comporter cet affichage ; que l'affichage ne peut, en principe, être regardé comme complet et régulier si cette mention fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur ;

4. Considérant que M. et Mme E..., la commune de Solliès-Toucas et M. D... soutiennent que le permis de construire litigieux a fait l'objet d'un affichage régulier et continu à compter du 20 octobre 2012 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment d'un cliché photographique du support utilisé pour réaliser cet affichage que celui-ci présentait un caractère incomplet, notamment en ce qui concerne la hauteur et la surface des travaux projetés ; qu'aucune des sept attestations produites en première instance et rédigées en juillet 2013 n'est de nature à établir que l'affichage auquel a procédé le bénéficiaire du permis comportait bien les mentions substantielles requises par les dispositions précitées de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme ; qu'en l'absence de démonstration d'un affichage régulier du permis de construire, les bénéficiaires de celui-ci ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que le délai du recours contentieux expirait le 21 décembre 2012 ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-1 du même code : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un (...) permis de construire (...), le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier d'une prorogation du délai de recours contentieux, l'auteur d'un recours administratif dirigé contre une décision relative à l'occupation du sol est tenu de le notifier dans les conditions fixées par l'article R. 600-1, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait former ultérieurement ;

6. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que deux courriers de notification du recours administratif gracieux dirigé contre le permis de construire n° PC 83 131 12 T0063 ont été adressés par M. E..., par pli recommandé avec avis de réception, l'un au maire de la commune de Solliès-Toucas et l'autre à la SCI D...en date du 29 avril 2013 ainsi que cela ressort des mentions figurant sur les preuves de dépôt des courriers recommandés ; que cet envoi simultané, qui révélait la connaissance par le requérant de l'existence du permis de construire litigieux, a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ; que la requête enregistrée le 26 juin 2013 au greffe du tribunal administratif de Toulon n'était, dès lors, pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée en première instance par la commune de Solliès-Toucas et M. D... doit, par suite, être écartée ;

Sur la légalité du permis de construire délivré le 10 octobre 2012 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme : " Conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire " ; qu'aux termes de l'article R. 431-2 du même code : " Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a) Une construction à usage autre qu'agricole dont à la fois la surface de plancher et l'emprise au sol, au sens de l'article R. 420-1, de la partie de la construction constitutive de surface de plancher n'excèdent pas cent soixante-dix mètres carrés (...) Les demandeurs d'un permis de construire sont tenus de recourir à un architecte pour les projets de travaux sur construction existante conduisant soit la surface de plancher, soit l'emprise au sol de l'ensemble à dépasser l'un des plafonds fixés par le présent article. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-17 de ce code dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : / a) Les travaux de ravalement et les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant ; (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas utilement contesté que les bénéficiaires du permis de construire litigieux ont soumis un projet portant sur l'ensemble de l'immeuble devant faire notamment l'objet d'une surélévation et d'un ravalement de façade, et notamment le rez-de-chaussée exploité par une activité artisanale ; qu'il ressort également du formulaire de demande de permis de construire, complété le 8 août 2012 et reçu par la mairie de Solliès-Toucas le 29 août 2012, que les travaux projetés devaient porter de 98 à 155 m² la surface de plancher destinée à l'habitation et que les surfaces en rez-de-chaussée affectées à l'activité de boulangerie restaient inchangées pour une superficie de 107 m² ; que le projet litigieux a, dès lors, eu pour effet de porter la surface de plancher d'une construction existante à 262 m² ; que de tels travaux devaient, par suite, donner lieu à l'établissement d'un projet architectural par un architecte, par application des dispositions du a) de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme : qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que le dossier de demande de permis de construire a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme et que l'arrêté attaqué, délivré dans ces conditions, est entaché d'illégalité ;

9. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen soulevé devant le tribunal administratif de Toulon et la Cour ne paraît, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 10 octobre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Solliès-Toucas une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens ; qu'il y a également lieu de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Solliès-Toucas du 10 octobre 2012 portant permis de construire n° PC 83 131 12 T0063 est annulé.

Article 3 : M. et Mme D... verseront à M. et Mme E... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La commune de Solliès-Toucas versera à M. et Mme E... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...E..., à la commune de Solliès-Toucas et à M. et Mme A...D....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.

2

N° 16MA00186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00186
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-18;16ma00186 ?
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