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26/10/2017 | FRANCE | N°16MA04753

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16MA04753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B..., veuveC..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 7 mars 2016 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 1602630 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, représentée par Me E..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B..., veuveC..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 7 mars 2016 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 1602630 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 novembre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions en date du 7 mars 2016 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prises à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me D...E....

Elle soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé devait être recueilli par le préfet des Alpes-Maritimes en présence d'une situation " humanitaire exceptionnelle " au sens de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle établit un état de santé très dégradé qui lui interdit notamment de voyager ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2017, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M F...Silvy a été entendu au cours de l'audience publique

et la parole a été donnée au fils de Mme B....

1. Considérant que Mme A...B..., veuveC..., ressortissante tunisienne née le 11 mars 1953, relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 7 mars 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :/ - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé./ Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que Mme B... fait valoir que l'arrêté litigieux a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le directeur général de l'agence régionale de santé devait être saisi pour avis, conformément aux dispositions combinées du 11° de l'article L. 313-11 et du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des circonstances humanitaires exceptionnelles tenant à son état de santé ; qu'elle se borne toutefois à produire la réponse en date du 16 novembre 2015 faite par le préfet des Alpes-Maritimes à une intervention du consul général de Tunisie à Nice , sans que cette démarche qui a aboutit à une invitation du préfet à la requérante de présenter une nouvelle demande de titre de séjour ne puisse, au vu des pièces fournies, être regardée comme tendant à la saisine du directeur général de l'agence régionale de santé ; qu'en l'absence d'invocation expresse de circonstances humanitaires exceptionnelles, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de procéder à la consultation préalable du directeur de l'agence régionale de santé ; que Mme B... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet a pris la décision de refus de titre de séjour au terme d'une procédure irrégulière ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... fait valoir la gravité de son état de santé et l'absence d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier et notamment du rapport médical établi par le docteur Amsellem, médecin agréé, le 11 septembre 2015, complété postérieurement à la décision attaquée le 20 avril 2016, que les diverses pathologies dont est affectée la requérante ne pourraient pas faire l'objet d'une prise en charge appropriée en Tunisie ; que les autres documents médicaux produits, faiblement circonstanciés, ne sont pas plus de nature à remettre en cause l'appréciation du médecin de l'Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte-d'Azur s'agissant de la possibilité pour Mme B... de recevoir un traitement approprié dans son pays d'origine et de voyager sans risque à destination de la Tunisie, appréciation reprise à son compte par le préfet des Alpes-Maritimes ; que Mme B... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 en lui refusant l'admission au séjour en raison de son état de santé ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code précité : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; et qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code, " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que, si Mme B... fait valoir la présence de trois de ses enfants en France, dont certains de nationalité française, son isolement en Tunisie et la dégradation de son état de santé qui rend nécessaire une prise en charge familiale ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B..., qui n'allègue ni n'établit avoir résidé en France avant 2010, a vécu jusqu'à l'âge de 57 ans en Tunisie ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'une des filles de la requérante réside toujours dans son pays d'origine et que cette dernière ne pouvait se prévaloir que d'une durée de séjour habituel en France limitée à près de six années à la date de la décision attaquée ; que Mme B... n'est pas fondée, par suite, à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant l'admission au séjour eu égard aux buts poursuivis par cette mesure ;

8. Considérant que pour les motifs sus exposés le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à Mme B... n'est pas entaché d'illégalité ; que, par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre soulevée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., veuveC..., à Me D... E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

2

N° 16MA04753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04753
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : BOUGHANMI-PAPI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-26;16ma04753 ?
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