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26/10/2017 | FRANCE | N°16MA04226

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16MA04226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 30 juin 2016 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1603165 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 n

ovembre 2016, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 30 juin 2016 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1603165 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2016, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 13 octobre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions en date du 30 juin 2016 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à verser directement à Me C...D..., laquelle s'engage par avance à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté :

- la commission du titre de séjour devait être saisie sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il établissait résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille mineure et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que celle-ci est scolarisée dans l'enseignement secondaire en France et que son entretien est assuré par ses père et mère ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- la décision de refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait opposer l'absence de visa par les services du ministre chargé de l'emploi du contrat de travail présenté ;

- son intégration en France constituait un motif exceptionnel qui justifiait son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire du 24 novembre 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Muriel Josset, présidente assesseure de la 1ère chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Alain Poujade, président de la 1ère chambre.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Silvy a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A... F..., ressortissant cap-verdien né le 16 mai 1961, relève appel du jugement du 13 octobre 2016, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;

3. Considérant que M. F... se prévaut de la durée de son séjour habituel en France depuis son entrée régulière sous couvert d'un visa Schengen " C " sur le territoire français en mars 2004 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. F... ne produit aucune preuve d'un séjour habituel sur le territoire français entre sa date d'entrée le 12 mars 2004 et le premier document probant daté du mois d'août 2008 dès lors que le document des services fiscaux relatif à l'impôt sur le revenu 2007, émis en octobre 2008, n'est pas, à lui seul, de nature à établir une présence habituelle sur le territoire au titre de l'année 2007 ; que M. F... ne justifiait pas, dès lors, d'une résidence habituelle en France de dix années à la date de la décision de refus de titre de séjour attaquée ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de consulter la commission du titre de séjour doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code précité : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; et qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code, " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que M. F... fait valoir la durée de sa présence habituelle en France, la présence sur le territoire français de son épouse et de sa fille mineure et son intégration professionnelle ; qu'il ressort toutefois de ce qui a été dit au point 4 qu'il ne peut établir qu'une durée de près de huit années de résidence habituelle à la date de la décision attaquée et qu'il était âgé de quarante-sept ans en 2008 ; qu'il ressort encore des pièces du dossier que son épouse, également de nationalité cap-verdienne, entrée régulièrement dans l'espace Schengen en 2008 pour le rejoindre, se maintient depuis en situation irrégulière sur le territoire français et que la présence en France de sa fille mineure, E..., n'est pas établie avant l'année 2014 ; qu'enfin l'intégration professionnelle alléguée de M. F... ne ressort pas des pièces du dossier dès lors qu'il se borne à produire, jusqu'en 2011, des déclarations fiscales de revenu ouvrant droit à la prime pour l'emploi, de rares remises de chèques d'origine indéterminée et, en dernier lieu, une proposition d'embauche établie le 22 janvier 2016 pour un contrat à durée déterminée dans le secteur des travaux publics ; que M. F... n'est pas fondé, par suite, à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant l'admission au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français eu égard aux buts poursuivis par ces mesures et à leurs effets ; qu'il n'est pas plus fondé, compte tenu de ce qui précède, à soutenir que ces décisions seraient entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant que M. F... fait valoir la scolarité de sa fille mineure en France, son apprentissage du français et les conséquences pour celle-ci d'un éventuel retour dans son pays d'origine ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la présence en France et la scolarité de la jeune E...ne sont pas établies avant l'année 2014, alors qu'elle était déjà âgée de treize ans, que sa scolarité dans le système scolaire français n'excédait pas trois années à la date de la décision attaquée et que rien ne s'oppose à ce que les parents, tous deux en situation irrégulière au regard de la législation relative au séjour des ressortissants étrangers en France, reconstituent leur cellule familiale au Cap-Vert, pays dont leur enfant a également la nationalité ; que le moyen tenant à la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant doit, dès lors, être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ; que ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ;

10. Considérant que M. F... se prévaut d'une promesse d'embauche en qualité de maçon établie le 22 janvier 2016 et de sa présence en France depuis plus de douze années ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 que M. F... ne justifiait que de huit années de présence habituelle à la date de la décision attaquée et que cette circonstance, combinée à la production d'une promesse d'embauche informelle pour un contrat à durée déterminée, ne révèle pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet des Alpes-Maritimes doit, par suite, être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, que, si M. F... fait valoir que le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait légalement opposer à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 313-14 la condition tenant au visa par l'autorité administrative compétente de son contrat de travail, il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet des Alpes-Maritimes n'a relevé cette circonstance qu'à l'occasion de l'examen, à titre subsidiaire, des mérites de la demande de régularisation de M. F... sur le fondement des stipulations des articles 3.2.3 et 3.2.4 de l'accord cadre franco-cap-verdien susvisé ; que le moyen tenant à une erreur de droit pour l'application des dispositions relatives à l'admission exceptionnelle au séjour doit, par suite, être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à Me C... D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, où siégeaient :

- Mme Josset, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

2

N° 16MA04226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04226
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JOSSET
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-26;16ma04226 ?
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