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06/07/2017 | FRANCE | N°15MA03157

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 06 juillet 2017, 15MA03157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Bournissac a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 23 octobre 2013 par lequel le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1303580 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015, la SCEA Bournissac, représentée par Me A..., demande à la

Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2015 ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Bournissac a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 23 octobre 2013 par lequel le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1303580 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015, la SCEA Bournissac, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 23 octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'il procède au retrait du permis de construire accordé tacitement suite à l'injonction juridictionnelle faite au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

- les constructions projetées sont nécessaires au fonctionnement de l'exploitation agricole envisagée ;

- les travaux ne portent pas sur la création d'un établissement recevant du public ;

- l'arrêté contesté n'expose pas en quoi la construction méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- dans l'hypothèse d'une exposition à un risque incendie, il convenait d'assortir l'autorisation d'urbanisme de prescriptions spéciales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2015, la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia,

- les conclusions de Mme Giocanti,

- les observations de Me C... substituant MeA..., représentant la SCEA Bournissac, et de Me B..., représentant la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue.

Une note en délibéré présentée par la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue a été enregistrée le 23 juin 2017.

1. Considérant que la SCEA Bournissac relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 23 octobre 2013 par lequel le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-112 du 9 février 1994 : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol (...) a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation (...) confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'intervention de la décision annulée, sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; que lorsqu'une juridiction, à la suite de l'annulation d'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol, fait droit à des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer cette demande, ces conclusions aux fins d'injonction doivent être regardées comme confirmant la demande initiale ; que, par suite, la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande ou la déclaration soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la demande ; que, dans un tel cas, l'autorité administrative compétente doit, sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que le pétitionnaire ne dépose pas une demande d'autorisation portant sur un nouveau projet, réexaminer la demande initiale sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ;

3. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que la SCEA Bournissac, exploitant agricole d'herbes aromatiques, a déposé à la mairie d'Entraigues-sur-la-Sorgue une demande de permis en vue de la construction d'un bâtiment à usage agricole ainsi que d'une maison individuelle pour le logement du chef d'exploitation, d'une surface hors oeuvre nette (SHON) de 111 m², sur des parcelles cadastrées section AY n° 1, BC n° 181, 197 et 198, d'une superficie totale de 93 953 m², situées chemin de Causseran, au lieu-dit le Petit Causseran, classées en zone naturelle N par le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune révisé le 13 décembre 2007 ; que, par un arrêté en date du 20 mars 2009, le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité ; que par un arrêt n° 11MA00389 du 6 juin 2013, la Cour de céans a, d'une part, annulé le jugement du 13 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté la demande présentée par la société Bournissac tendant à l'annulation dudit arrêté ensemble cet arrêté, et, d'autre part, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, a enjoint au maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue de procéder à une nouvelle instruction de la demande déposée par la société Bournissac dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ; qu'il n'est pas contesté que cet arrêt a été notifié le 18 juin 2013 à la commune ; qu'en l'absence d'une décision de prorogation du délai d'instruction de la demande d'autorisation, le silence gardé par l'autorité administrative a fait naître, à l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer, et en application des dispositions de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, une décision implicite d'acceptation ; que dès lors la société Bournissac est devenue titulaire d'un permis de construire tacite le 18 octobre 2013 ;

4. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. (...) " ; que la décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; qu'elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire ; que le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer ; que la décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que suite à la mise en demeure adressée par la société Bournissac à la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue le 27 août 2013, le maire a, par arrêté du 23 octobre 2013, à nouveau refusé de délivrer le permis de construire sollicité ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision contestée du 23 octobre 2013, intervenue postérieurement à la naissance du permis tacite a nécessairement eu pour effet de procéder au retrait de ce permis ; que le maire ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour procéder à ce retrait alors même que l'avis de la sous-commission départementale d'accessibilité émis le 3 octobre 2013 était défavorable au projet et que l'édification d'une maison d'habitation sans lien de nécessité avec le fonctionnement de l'exploitation agricole méconnaissait les dispositions de l'article NC 1 du plan d'occupation des sols de la commune ; que par suite, la société Bournissac peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de l'arrêté du 23 octobre 2013 ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune procédure contradictoire n'a été mise en oeuvre par le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue avant de prononcer le retrait en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Bournissac aurait pu faire parvenir ses observations au maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue avant l'intervention de sa décision ; que ce vice de procédure a effectivement privé la société d'une garantie ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté du 23 octobre 2013, intervenu au terme d'une procédure irrégulière, doit être annulé ;

6. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire à l'annulation de l'arrêté du maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société Bournissac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " En cas de permis tacite (...) ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit (...) " ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la requérante était titulaire d'un permis de construire tacite né le 18 octobre 2013 que le présent arrêt de la Cour a pour effet de faire revivre ; qu'il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, d'enjoindre au maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue de délivrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à la société Bournissac le certificat de permis de construire tacite prévu par les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à la mise à la charge de la société Bournissac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, d'une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue la somme que demande la société Bournissac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2015 et l'arrêté du 23 octobre 2013 du maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue de délivrer à la SCEA Bournissac, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le certificat de permis de construire tacite prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme né le 18 octobre 2013.

Article 3 : Les conclusions de la SCEA Bournissac et de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Bournissac et à la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue.

Copie en sera transmise pour information au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2017.

2

N° 15MA03157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03157
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Procédure d'attribution. Demande de permis.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-06;15ma03157 ?
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