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09/05/2017 | FRANCE | N°16MA02449

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 mai 2017, 16MA02449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) délégation de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir trois arrêtés du 24 décembre 2008 par lesquels le préfet de l'Aude a délivré à la société Parc éolien du col de Brugues, à la société Parc éolien du Mailleul de Lima et à la société Parc éolien du Viala trois permis de construire pour la réalisation de trois centrales de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Roquefort-des

-Corbières. Par un jugement n° 0902691 du 22 novembre 2012, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) délégation de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir trois arrêtés du 24 décembre 2008 par lesquels le préfet de l'Aude a délivré à la société Parc éolien du col de Brugues, à la société Parc éolien du Mailleul de Lima et à la société Parc éolien du Viala trois permis de construire pour la réalisation de trois centrales de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Roquefort-des-Corbières. Par un jugement n° 0902691 du 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces arrêtés.

Par un arrêt n° 13MA00344 du 28 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel formé par les sociétés Parc éolien du col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 novembre 2012, puis évoqué l'affaire et annulé les trois arrêtés du 24 décembre 2008.

Par décision n° 387593 du 8 juin 2016, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi formé par les trois mêmes sociétés, annulé l'arrêt du 28 novembre 2014 et renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée initialement le 21 janvier 2013 sous le n° 13MA00344 puis, après renvoi par le Conseil d'Etat, sous le n° 16MA02449, complétée par des mémoires enregistrés les 14 juin 2014, 21 juillet et 18 novembre 2016, les sociétés Parc éolien du col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala, représentées par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 novembre 2012 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude devant le tribunal administratif.

Elles soutiennent que :

- le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le mémoire de la LPO du 4 mai 2012 et sa réponse au moyen d'ordre public tiré de son absence d'intérêt à agir n'ont pas été communiqués par le tribunal ;

- la demande de l'association était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, son objet statutaire étant trop large et sans rapport direct avec les questions d'urbanisme, et son champ territorial étant trop étendu par rapport à l'impact des décisions en litige ;

- l'agrément de la LPO en application de l'article L. 142-1 du code de l'environnement demeure sans effet sur l'exigence d'adéquation de son objet avec la nature de l'acte attaqué ;

- l'étude d'impact, qui doit être proportionnée à la sensibilité du milieu et à l'incidence du projet, n'était pas insuffisante ;

- l'ensemble des zones d'inventaire et de protection est bien analysé par l'étude d'impact, qui conclut que les enjeux pour les oiseaux et les chiroptères sont assez faibles ;

- l'étude d'impact est complète sur le plan ornithologique, se fonde sur des observations adaptées des phénomènes de migration, ainsi que sur un suivi particulier des rapaces, analyse les incidences potentielles du projet et prévoit des mesures compensatoires adaptées, reprises par les prescriptions du permis de construire ;

- elle est également suffisante en ce qui concerne l'étude sur le terrain des chiroptères ;

- l'étude d'impact comprend en annexe une étude d'incidence Natura 2000, pour la zone de protection spéciale des Basses-Corbières identifiant les incidences du projet et prévoyant des mesures compensatoires ;

- les insuffisances alléguées de l'étude d'impact, n'ont en tout état de cause pas eu d'incidence sur l'information du public eu égard aux informations produites par la direction régionale de l'environnement ;

- les avis défavorables de Météo France ne suffisent pas à établir l'existence d'une violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme par le permis autorisant le parc éolien du Mailleul de Lima ;

- l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme n'est pas méconnu par les permis en litige assortis de prescriptions spéciales concernant les mesures compensatoires en faveur des chiroptères ;

- le projet se situe en limite du parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée et non au coeur de celui-ci, dans une zone identifiée par la charte du parc et par le schéma de cohérence territoriale comme propice au développement de l'éolien.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2014, complété après renvoi par un mémoire enregistré le 7 septembre 2016, l'association Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des sociétés requérantes et du préfet de l'Aude en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- elle justifie de son intérêt à agir ;

- le site d'implantation du projet, concerné par plusieurs périmètres de protection, est d'une qualité environnementale exceptionnelle notamment pour l'avifaune ;

- compte tenu de cette sensibilité du site, le contenu de l'étude d'impact est insuffisant quant à l'analyse de l'existant, aux effets cumulés des nouveaux parcs éoliens et aux mesures compensatoires ;

- l'information du public par l'avis de la direction régionale de l'environnement n'a pu pallier les carences de l'étude d'impact ;

- les permis de construire en litige méconnaissent l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- les observations de Me C... représentant les sociétés Parc éolien du col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala, et celles de Me B... représentant la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude.

1. Considérant que, par arrêtés du 24 décembre 2008, le préfet de l'Aude a délivré trois permis de construire respectivement à la société Parc éolien du col de Brugues, à la société Parc éolien du Mailleul de Lima et à la société Parc éolien du Viala pour la création par chacune d'entre elles d'un parc de cinq éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Roquefort-des-Corbières ; que, par un jugement du 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces permis de construire à la demande de l'association Ligue de protection des oiseaux, délégation de l'Aude (LPO Aude) ; que par un arrêt du 3 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par les trois sociétés bénéficiaires, a annulé ce jugement puis, évoquant l'affaire, a annulé les permis de construire en litige ; que, sur pourvoi en cassation de ces mêmes sociétés, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 3 novembre 2014 par une décision n° 387593 du 8 juin 2016, en relevant qu'en se fondant exclusivement sur la méconnaissance des protocoles d'observation de l'avifaune recommandés par le " guide sur l'étude d'impact des parcs éoliens " du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et dépourvus de toute portée normative, pour caractériser une insuffisance de l'étude d'impact, la Cour avait commis une erreur de droit, et a renvoyé l'affaire à la Cour pour qu'il y soit statué ;

Sur la régularité du jugement contesté du 22 novembre 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire.(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 611-7 de ce code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. " ;

3. Considérant que, s'il appartient au juge administratif dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure de prendre toutes mesures propres à lui procurer par les voies de droit les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige, et s'il lui appartient également, le cas échéant, d'informer les parties qu'il est susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office en suscitant leurs éventuelles observations sur ce point, le principe du caractère contradictoire de la procédure fait obstacle, en toute hypothèse, à ce qu'il statue en se fondant sur des pièces du dossier qui n'ont pas été communiquées à toutes les parties ; que, dès lors, dans le cas où des éléments nouveaux, produits par une partie à l'instance en réponse à l'information communiquée par le président de la formation de jugement sur un moyen relevé d'office, sont susceptibles d'exercer une influence sur la décision du tribunal, il revient à celui-ci de communiquer ces éléments aux autres parties afin de les soumettre à un débat contradictoire ;

4. Considérant que par une lettre du 31 octobre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a indiqué aux parties à l'instance, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'il était susceptible de relever d'office le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la Ligue de protection des oiseaux, délégation de l'Aude ; qu'en réponse à cette lettre, l'association a produit des observations le 5 novembre 2012, auxquelles elle joignait notamment l'agrément préfectoral du 15 mai 1996 dont elle bénéficiait en application des dispositions désormais codifiées aux articles L. 141-1 et L. 142-1 du code de l'environnement en vue d'engager des instances devant les juridictions administratives pour tout litige en lien avec son objet de protection de la nature sur tout ou partie du territoire du département de l'Aude ; qu'alors même que le jugement contesté ne s'est pas prononcé expressément sur l'intérêt pour agir de la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude, en l'absence de fin de non-recevoir soulevée ou reprise par les parties sur ce point, le mémoire et les pièces produites le 5 novembre 2012 par l'association ont été susceptibles d'exercer une influence sur l'appréciation par le tribunal de l'intérêt pour agir de cette dernière ; qu'en s'abstenant de communiquer aux autres parties ce mémoire, le tribunal administratif de Montpellier a préjudicié aux droits des autres parties à l'instance et a méconnu le caractère contradictoire de la procédure en violation de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; qu'il a ainsi entaché son jugement d'irrégularité ; que les sociétés requérantes sont dès lors fondées, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité qu'elles invoquent, à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude, devant le tribunal administratif de Montpellier ainsi que sur les moyens de défense invoqués tant en première instance qu'en appel ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément. " ;

7. Considérant que la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts, " la protection des oiseaux et des écosystèmes dont ils dépendent, et pour cela elle travaille(...) à obtenir une stricte application des lois et règlements qui protègent les oiseaux et les écosystèmes dont ils dépendent ", objet se rattachant à la protection de la nature et de l'environnement ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, elle bénéficiait lors de l'introduction de son recours contentieux d'un agrément préfectoral délivré en application des dispositions précitées pour le territoire du département de l'Aude ; que les permis de construire délivrés par le préfet de l'Aude le 24 décembre 2008 présentent un rapport suffisamment direct avec l'objet statutaire de l'association dès lors qu'ils autorisent l'implantation de trois ensembles d'éoliennes d'une hauteur de 93 mètres dans l'enceinte d'un parc naturel régional, d'une zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique et d'une zone importante pour la conservation des oiseaux, et à proximité immédiate d'une zone de protection spéciale édictée pour la protection de l'avifaune en application de la directive " Oiseaux ", au sein du territoire au titre duquel elle a reçu son agrément ; que la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude justifie, par suite, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir en l'espèce ; que la fin de non-recevoir opposée sur ce point par les sociétés bénéficiaires des permis en litige à la demande de première instance doit donc être écartée ;

8. Considérant, en second lieu, que la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude a justifié avoir régulièrement accompli les formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme tant en ce qui concerne son recours administratif auprès du préfet de l'Aude que son recours contentieux ; que la fin de non-recevoir opposée devant le tribunal administratif par les sociétés Parc éolien du col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala et tirée de la méconnaissance de ces dispositions doit, dès lors, être également écartée ;

Sur la légalité des permis de construire délivrés par le préfet de l'Aude le 24 décembre 2008 :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 553-2 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable lors du dépôt des demandes de permis de construire en litige : " I. L'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la hauteur du mât dépasse 50 mètres est subordonnée à la réalisation préalable : a) De l'étude d'impact définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du présent code " ; qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; (...) " ;

10. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

11. Considérant que les trois projets de parcs éoliens autorisés prévoient chacun l'implantation d'un alignement de cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 93 mètres en bout de pale le long des crêtes des collines des Pincardelles à l'ouest du territoire de la commune de Roquefort-des-Corbières à une altitude comprise entre 180 et 250 mètres, dans un secteur géographique du piémont des Basses-Corbières encadré par des plateaux déjà équipés en éoliennes ou en cours d'équipement, dont le parc éolien de Villesèque à une distance de 2,5 kilomètres ; que le site retenu, inclus dans le parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, dans la zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique de type II " massif des Corbières orientales ", et dans la zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO) des Basses-Corbières, se caractérise par une sensibilité environnementale importante en particulier du point de vue de l'avifaune et des chiroptères, et se trouve voisin d'une zone de protection spéciale pour la conservation de l'aigle de Bonelli espèce protégée menacée dont un seul couple niche encore dans le département à 5 kilomètres du lieu d'implantation du projet ;

12. Considérant que l'association requérante fait valoir que l'étude d'impact présente des lacunes notamment en ce qui concerne les chiroptères, l'avifaune nicheuse et l'avifaune migratrice susceptibles de subir un impact direct du fait de l'implantation et du fonctionnement des aérogénérateurs ; que la direction régionale de l'environnement (DIREN), consultée sur les trois projets en litige, a émis un avis défavorable le 15 juin 2007 en relevant de manière précise que les observations sur l'avifaune étaient largement insuffisantes, à défaut notamment de prospection pour la migration de printemps, que l'étude d'impact ne comportait pas les résultats des prospections sur les espèces contactées et sur le nombre d'écoutes réalisées, qu'il existait en réalité un risque non négligeable de collision avec les éoliennes et d'abandon de leur gîte pour les minioptères et les petits murins habitant à proximité du site et que l'étude ne comportait pas suffisamment d'informations sur l'impact des projets sur une autre espèce de chauve-souris, la pipistrelle de Nathusisus, fortement présente dans ce couloir de migration alors que les trois parcs éoliens autorisés sont situés à quelques centaines de mètres du site du Barrenc de Saint-Clemént qui abrite une des colonies de chauves-souris protégées les plus importantes du Languedoc-Roussillon ; que les pièces du dossier ne permettent pas de contredire utilement les critiques faites quant à l'insuffisante observation et recension des espèces de chiroptères qui fréquentent le secteur, eu égard à l'importance particulière de celui-ci ; que, par ailleurs, il est constant que le nombre de jours d'étude a été limité à deux journées de prospection pour l'avifaune nicheuse et quatre journées pour l'avifaune migratrice, l'étude sur le terrain n'ayant en outre que très peu concerné la période optimale d'observation du cycle biologique des espèces se déroulant au printemps ; que l'absence d'observation de l'avifaune migratrice en période de passage migratoire pré-nuptial, et l'absence d'explication circonstanciée des flux de migration indiqués par deux cartes en page 59 et 60 de l'étude comme contournant le site du projet à l'est et à l'ouest, sauf " passage occasionnel " alors que la zone constitue globalement un couloir majeur de migration des rapaces depuis et vers l'Espagne, ne permettent pas de regarder l'étude d'impact comme suffisamment en relation avec l'importance des incidences prévisibles du projet sur ce point ; qu'enfin, si l'étude d'impact mentionne l'existence d'autres parcs éoliens récemment réalisés ou en cours d'aménagement à proximité du site retenu et étudie l'impact global sur les paysages du projet s'ajoutant aux précédents dans un même secteur géographique, en revanche la prise en compte des incidences cumulées pour la faune protégée du nouvel ensemble prévu de 15 éoliennes dans un environnement déjà modifié de manière conséquente par les parcs éoliens de Sigean/Port La Nouvelle et de Fitou et par le nouvel ensemble de 24 éoliennes sur le plateau de Villesèque immédiatement à l'ouest du projet, ne ressort pas du contenu de l'étude en litige, alors notamment que les mesures de compensation préconisées par celle-ci pour pallier la réduction du territoire de chasse de l'aigle de Bonelli, qui ne font l'objet d'aucune localisation précise, s'ajoutent à celles identiques déjà prévues par de précédents projets sans appréciation de leur pertinence d'ensemble ; que, par suite, l'association demanderesse est fondée à soutenir que le contenu de l'étude d'impact n'était pas suffisant eu égard à l'importance des travaux projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement en l'espèce ;

13. Considérant que si, du fait de la teneur de l'avis de la direction régionale de l'environnement versé au dossier d'enquête publique, le public a pu être informé lors de l'enquête des insuffisances relevées dans l'étude d'impact, cet avis se borne à relever certaines carences constatées sans pour autant fournir lui-même d'éléments sur les incidences prévisibles du projet notamment sur les chiroptères et l'avifaune, ne palliant pas de ce fait l'insuffisance de l'information relevée ; que le public, alors même que l'avis a été joint au dossier d'enquête publique, n'a donc pas été en mesure d'apprécier l'impact réel des projets autorisés sur les espèces en cause, ce qui a nuit à son information complète et n'a pas également permis à l'autorité préfectorale de prendre en toute connaissance de cause les décisions en litige ; que, dès lors l'insuffisance de l'étude d'impact a eu pour effet, en l'espèce, de vicier la procédure suivie préalablement à la délivrance des permis de construire en litige, et d'entacher ceux-ci d'illégalité ;

14. Considérant que pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par la Ligue de protection des oiseaux, délégation de l'Aude n'est susceptible de fonder l'annulation des décisions contestées du préfet de l'Aude ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les trois permis de construire délivrés le 24 décembre 2008 par le préfet de l'Aude aux sociétés Parc éolien du col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala doivent être annulés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros et à la charge des trois sociétés requérantes une autre somme de 1 000 euros à verser à la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 novembre 2012 et les permis de construire n° 1132207L0006, n° 1132207L0007 et n° 1132207L0008 délivrés le 24 décembre 2008 par le préfet de l'Aude aux sociétés Parc éolien du col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à la Ligue de protection des oiseaux délégation de l'Aude en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Parc éolien du col de Brugues, la société Parc éolien du Mailleul de Lima et la société Parc éolien du Viala verseront une somme globale de 1 000 euros à la Ligue de protection des oiseaux, délégation de l'Aude en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien du col de Brugues, à la société Parc éolien du Mailleul de Lima, à la société Parc éolien du Viala, à l'association Ligue de protection des oiseaux, délégation de l'Aude et au ministre du logement et de l'habitat durable.

Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2017 où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2017.

8

N° 16MA02449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02449
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Procédure - Instruction - Caractère contradictoire de la procédure.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-05-09;16ma02449 ?
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