Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...C..., M. F... B...et M. D...E...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler deux délibérations en date du 27 août 2013 du conseil municipal de la Haute-Beaume portant augmentation du prix du m3 d'eau et de l'abonnement annuel en 2014 et approuvant le principe du reversement des indemnités du maire et de ses adjoints à compter du 1er septembre 2013.
Par un jugement n° 1306444 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 4 août 2015, 31 octobre 2016 et 12 janvier 2017, sous le n° 15MA03266, MM. B... et autres, représentés par Me H... demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2015 ;
2°) d'annuler les délibérations en date du 27 août 2013 susvisées ;
3°) de mettre à la charge de la commune de la Haute-Beaume la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont rejeté à tort comme irrecevable leur requête en se fondant sur leur seule qualité de contribuables locaux alors qu'ils justifiaient d'un autre intérêt tiré de leur qualité d'usager de service public de l'eau potable ;
- ils avaient le droit, en leur qualité de contribuables locaux, de demander le respect du principe constitutionnel du bon usage des deniers publics et cette seule qualité suffisait à leur conférer un intérêt à agir contre les délibérations contestées qui engageaient les finances communales ;
- les premiers juges ont estimé à tort que la délibération approuvant le principe de l'allocation d'indemnités aux élus ne modifiait pas le budget communal ;
- ils ont soulevé, devant les premiers juges, des moyens de légalité interne de sorte que ceux soulevés en cause d'appel sont recevables ;
- lors de l'adoption de la délibération approuvant le versement des indemnités au maire et ses adjoints, le conseil municipal a procédé à un amalgame interdit entre section de fonctionnement et section d'investissement ;
- cette délibération devait se matérialiser par l'adoption d'un budget supplémentaire ou, à tout le moins d'une décision modificative ;
- elle a été adoptée sans qu'aucune information ne soit préalablement donnée aux élus ; - elle est fondée sur un motif erroné ;
- le prêt ne pouvait pas être affecté au règlement des indemnités des élus ;
- la délibération portant augmentation du tarif de l'eau a été adoptée sans qu'aucune information ne soit préalablement donnée aux élus ;
- elle devait se matérialiser par l'adoption d'un budget supplémentaire ou, à tout le moins d'une décision modificative ;
- son motif est en contradiction avec celui de la délibération approuvant le versement des indemnités au maire et ses adjoints ;
- l'augmentation adoptée n'est pas justifiée ;
- le montant fixe correspondant à l'abonnement annuel a été arrêté par l'assemblée délibérante sans aucune corrélation avec les charges fixes du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2015, la commune de la Haute-Beaume conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de MM. B... et autres la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants n'ont agi qu'en leur qualité de contribuables locaux ;
- ils n'établissent pas que les deux délibérations ont pour effet d'aggraver de manière effective les charges de la collectivité ;
- les élus ont été préalablement suffisamment informés ;
- les requérants n'expliquent pas en quoi les deux délibérations contestées auraient dû faire l'objet de l'adoption d'un budget supplémentaire et de ce que la motivation du versement des indemnités résulterait d'un amalgame interdit entre section de fonctionnement et section d'investissement.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que MM. B... et autres n'ont invoqué devant le tribunal administratif que des moyens tirés de l'illégalité externe de la délibération attaquée ; que s'ils soutiennent que la délibération portant augmentation du prix du m3 d'eau et de l'abonnement annuel en 2014 est entachée d'une contradiction des motifs, que l'augmentation prévue n'est pas justifiée et que le montant fixe correspondant à l'abonnement annuel a été arrêté sans aucune corrélation avec les charges fixes du service, ces prétentions fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- les observations de M. B... et de M. C..., et celles de Me A..., représentant la commune de la Haute-Baume.
Une note en délibéré présentée par Me H... a été enregistrée le 23 février 2017.
1. Considérant que MM. B... et autres relèvent appel du jugement du 23 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de deux délibérations, du 27 août 2013, du conseil municipal de la Haute-Beaume approuvant le principe du reversement des indemnités du maire et de ses adjoints à compter du 1er septembre 2013 et portant augmentation du prix du m3 d'eau et de l'abonnement annuel en 2014 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 27 août 2013 approuvant le principe du reversement des indemnités du maire et de ses adjoints à compter du 1er septembre 2013 :
2. Considérant que lorsque la délibération d'un conseil municipal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, le contribuable de cette commune n'est recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir ;
3. Considérant que pour établir leur intérêt à demander, en leur qualité de contribuables locaux, l'annulation de la délibération du 27 août 2013 approuvant le principe du reversement des indemnités du maire et de ses adjoints, MM. B... et autres soutiennent que cette décision qui remet en cause le principe de non reversement adopté antérieurement a pour objet et pour effet d'aggraver de manière effective les charges de la collectivité ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération contestée fait suite à une délibération du 9 avril 2013 par laquelle le conseil municipal a décidé, au vu des difficultés financières de la commune et de l'attente d'un prêt de 15 000 euros, de ne pas verser les indemnités en litige pour la période du 1er mai 2013 au 31 décembre 2013 ; que la délibération litigieuse décide de verser à nouveau ces indemnités à compter du 1er septembre 2013 au motif que la commune a pu recouvrer une partie des dettes de l'atelier relais et qu'un prêt devrait lui être accordé fin octobre ; qu'ainsi, cette délibération crée une dépense nouvelle dont les conséquences financières directes sur le budget communal sont d'une importance suffisante au regard de son objet et de la taille de la commune qui comporte seulement dix habitants pour conférer aux requérants un intérêt à agir, alors même que cette dépense serait compensée par d'autres recettes ; qu'ainsi, MM. B... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 27 août 2013 au motif tiré de leur défaut d'intérêt à agir ;
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la délibération, du 27 août 2013, portant augmentation du prix du m3 d'eau et de l'abonnement annuel en 2014 :
4. Considérant que pour rejeter comme irrecevables les conclusions susvisées de MM. B... et autres, les premiers juges ont estimé que l'unique qualité de contribuables communaux alléguée ne saurait leur conférer un intérêt à agir contre la délibération du 27 août 2013, par laquelle le conseil municipal de la Haute-Beaume a décidé pour l'année 2014, d'augmenter le prix du m3 d'eau de 1,70 euro à 1,90 euro et l'abonnement annuel, de 82 euros à 85 euros ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 28 mai 2015 répondant à la lettre du 19 mai 2015 par laquelle les premiers juges ont relevé d'office cette irrecevabilité, MM. B... et autres se sont prévalus également de leur qualité d'usager du service public de l'eau ; que la commune ne peut utilement se prévaloir de ce que les appelants n'ont invoqué qu'un défaut d'information préalable des élus et les mauvaises conditions d'adoption du budget communal dès lors que l'intérêt à agir est apprécié au regard de l'objet de la demande et non des moyens ; qu'ainsi, les requérants justifiaient d'un intérêt pour demander l'annulation de la délibération querellée ;
5. Considérant qu'il résulte des points n° 3 et 4, que MM. B... et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par MM. B... et autres ;
Sur la légalité de la délibération du 27 août 2013 approuvant le principe du reversement des indemnités du maire et de ses adjoints à compter du 1er septembre 2013 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur à la date de la délibération contestée : " Le conseil municipal se réunit au moins une fois par trimestre. / Lors du renouvellement général des conseils municipaux, la première réunion se tient de plein droit au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche suivant le tour de scrutin à l'issue duquel le conseil a été élu au complet. (...) " ; que l'article L. 2121-13 du même code dispose que : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour de la réunion du conseil municipal était suffisamment précis quant à l'information des élus sur les points devant être débattus lors de cette séance, notamment sur celui concernant la reprise du paiement des indemnités au maire et aux adjoints ; que, par ailleurs, un débat est intervenu avant que la délibération ne soit prise ; que le compte rendu de la séance fait état d'informations sur le prêt et les loyers de l'atelier relais qui viendraient compenser cette dépense ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un élu aurait sollicité une information complémentaire concernant ce sujet ; qu'en outre, la délibération contestée a été votée à l'unanimité ; que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales relatives aux modalités de réunions des élus et étrangères au présent litige ; que dès lors, ce moyen doit être écarté ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1612-11 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve du respect des dispositions des articles L. 1612-1, L. 1612-9 et L. 1612-10, des modifications peuvent être apportées au budget par l'organe délibérant, jusqu'au terme de l'exercice auquel elles s'appliquent. / Dans le délai de vingt et un jours suivant la fin de l'exercice budgétaire, l'organe délibérant peut, en outre, apporter au budget les modifications permettant d'ajuster les crédits de la section de fonctionnement pour régler les dépenses engagées avant le 31 décembre et inscrire les crédits nécessaires à la réalisation des opérations d'ordre de chacune des deux sections du budget ou entre les deux sections. / (...) " ;
9. Considérant que les moyens tirés de la confusion interdite entre les sections de fonctionnement et d'investissement et de l'absence de vote d'une décision budgétaire modificative, ainsi que d'un budget supplémentaire sont inopérants à l'égard de la délibération contestée qui ne décide pas de l'inscription de la dépense correspondante dans une section donnée et ne sont opposables qu'à l'égard des actes budgétaires eux-mêmes ;
10. Considérant qu'il ressort de la délibération du 27 août 2013 que le reversement des indemnités au maire et ses adjoints a été décidé aux motifs que la commune a pu recouvrer une partie des dettes de l'atelier relais et de l'obtention d'un prêt courant octobre ; que MM. B... et autres n'établissent pas que ces motifs seraient erronés en se prévalant du moyen inopérant tiré de la confusion interdite entre les sections de fonctionnement et d'investissement, ainsi qu'il a été dit au point n° 9 ;
11. Considérant qu'aucune disposition du code général des collectivités territoriales interdit aux collectivités de financer la dépense en litige au moyen d'un emprunt ;
Sur la légalité de la délibération du 27 août 2013 portant augmentation du prix du m3 et de l'abonnement annuel en 2014 :
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont été informés, par la convocation, de l'ordre du jour de la séance du 27 août 2013 qui mentionnait la délibération relative à l'abonnement de l'eau et à la consommation annuelle ; que le compte rendu de cette séance précise que pour l'année 2014, l'abonnement passera à 85 euros et la consommation à 1,90 euro le m3 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un conseiller municipal se serait plaint d'une insuffisance d'information alors au surplus que la délibération en litige a été adoptée à l'unanimité ; que pour le même motif indiqué au point n° 7 les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'article L. 2121-7 précité du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
13. Considérant que le moyen tiré de l'absence de vote d'une décision budgétaire modificative, ainsi que d'un budget supplémentaire depuis avril 2013 sont inopérants à l'égard de la délibération contestée dès lors qu'il n'est opposable qu'à l'égard des actes budgétaires eux-mêmes ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ;
14. Considérant qu'il ressort de la délibération contestée que l'augmentation du prix de l'eau n'a pas été décidée en raison de l'état des finances communales mais au regard du coût onéreux des analyses d'eau ; que la délibération décidant le versement des indemnités du maire et ses adjoints a été prise aux motifs que la commune de la Haute-Baume a pu recouvrer une partie des dettes de l'atelier relais et de ce qu'un prêt devait lui être accordé courant octobre ; qu'ainsi, les motifs de la délibération en litige ne sont pas en contradiction avec ceux de la délibération relative aux indemnités ; qu'il s'en suit que MM. B... et autres ne sont pas fondés à soutenir que cette augmentation ne serait pas justifiée ;
15. Considérant que le motif de la délibération litigieuse tenant au coût onéreux des analyses de l'eau n'est pas sérieusement contesté par la simple affirmation de MM. B... et autres selon laquelle ce coût n'a connu aucun surenchérissement par rapport aux années précédentes ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales : " I.-Toute facture d'eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis. (...) " ;
17. Considérant que les requérants se bornent à soutenir sans l'établir que le montant de l'abonnement annuel aurait été arrêté sans corrélation avec les charges fixes ; que, par suite ce moyen ne saurait être accueilli ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. B... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des délibérations du 27 août 2013 du conseil municipal de la Haute-Baume ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
20. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de la Haute-Beaume, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. B..., à M. E... et à M. C... quelque somme que ce soit au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de la Haute-Baume présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2015 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par MM. B... et autres tendant à l'annulation des deux délibérations du 27 août 2013 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de la Haute-Beaume et de M. B..., de M. E... et de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à M. D... E...et à M. G... C...et à la commune de la Haute-Beaume.
Délibéré après l'audience du 13 février 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2017.
3
N° 15MA03266