La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2016 | FRANCE | N°15MA00543

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 21 avril 2016, 15MA00543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté, en date du 25 septembre 2014, par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 1400932 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 févr

ier 2015, le préfet de la Haute-Corse demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté, en date du 25 septembre 2014, par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 1400932 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2015, le préfet de la Haute-Corse demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 janvier 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que M. B... n'a pas établi devant le tribunal administratif qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2015, M. B..., représenté par Me D..., conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire que lui soit accordée une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte était incompétent ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- il établit la durée de sa résidence habituelle en France ;

- la décision porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gonneau, premier conseiller.

1. Considérant que M. B..., de nationalité algérienne, a présenté une demande de titre de séjour le 15 novembre 2012, fondée sur les stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, que le préfet de la Haute-Corse a rejetée par une décision en date du 25 septembre 2014, aux motifs que l'intéressé n'établissait pas résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans ; que le préfet de la Haute-Corse relève appel du jugement en date du 15 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;

3. Considérant que M. B... n'a produit, à l'appui de sa demande, en ce qui concerne les années 2004 à 2007, que des attestations de domiciliation administrative, quelques bulletins hospitaliers de situation, des notifications de l'admission à l'aide médicale d'Etat, ainsi qu'un document bancaire et une facture mentionnant une adresse autre que sa domiciliation administrative ; que ces documents ne sont pas de nature à établir que M. B... résidait habituellement sur le territoire au titre de cette période ;

4. Considérant que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a annulé le refus de titre de séjour en litige pour méconnaissance des dispositions du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en cause d'appel ;

5. Considérant que, par arrêté du 15 septembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs daté du 15 septembre suivant, le préfet de la Haute-Corse a délégué sa signature à M. Rampon, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment les décisions relatives aux refus de séjour, aux obligations de quitter le territoire et celles fixant le pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté ;

6. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait, adaptées à la situation du requérant, rappelées au point 1, qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B..., né le 12 décembre 1976, s'il est entré en France pour la première fois en 2001, ne peut cependant être regardé comme résidant habituellement sur le territoire français qu'à partir de l'année 2008 au plus tôt ; que l'intéressé, célibataire et sans enfant, qui ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 313-14, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou des stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien ; qu'il résulte des points 3 et 9 ci-dessus que le préfet de la Haute-Corse n'était pas tenu de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet de la Haute-Corse n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que le préfet de la Haute-Corse ne justifie pas de frais particuliers exposés dans la présente instance ; qu'il n'y a donc pas lieu, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 15 janvier 2015 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme C..., première conseillère,

M. Gonneau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2016.

''

''

''

''

3

N° 15MA00543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00543
Date de la décision : 21/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Pierre-Yves GONNEAU
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : LOMBARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-21;15ma00543 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award