Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision, en date du 7 avril 2015, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé son admission sur le territoire français et a prescrit son réacheminement vers la Turquie, ou tout pays où il serait légalement admissible.
Par un jugement n° 1502683 du 10 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2015, le ministre de l'intérieur, représenté par la société d'avocats " Saidji et Moreau ", demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 10 avril 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A....
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'incompétence, dès lors que le magistrat désigné a statué sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pas celles de l'article L. 213-9 du même code ;
- le magistrat désigné ne pouvait se fonder sur sa propre appréciation du niveau de compréhension du français par l'intéressé, dès lors que l'entretien avec l'officier de l'office français de protection des réfugiés et apatrides s'est déroulé régulièrement et sans difficultés déclarées en ce qui concerne l'intéressé ;
- les déclarations de l'intéressé étaient sommaires et confuses et son récit incohérent ;
- le magistrat délégué ne pouvait se fonder sur un récit écrit postérieurement à l'entretien et à la décision ;
- M. A... a été destinataire de l'information relative à ses droits ;
- la procédure ne méconnaît pas les dispositions de la directive du 1er décembre 2005 ;
- la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2015, M. A..., représenté par Me D... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés ;
- la notion de demande manifestement infondée n'est pas définie par la législation nationale, en méconnaissance des objectifs de la directive 2005/85/CE ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, de l'article 3 de la convention du 10 décembre 1984, et de la convention de Genève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 9 février 2016.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gonneau, premier conseiller.
1. Considérant que M. A..., de nationalité ivoirienne, a fait l'objet d'un refus d'admission sur le territoire français en date du 7 avril 2015, au motif que la demande d'asile présentée par l'intéressé était manifestement infondée ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement en date du 10 avril 2015, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision à la demande de M. A... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France (...) et qui (...) demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire (...) à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
4. Considérant que le rapport d'audition de M. A..., établi par l'officier de protection de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, rapporte des propos très sommaires et succincts, non circonstanciés et très peu vraisemblables, notamment en ce qui concerne les circonstances de son emprisonnement et de sa fuite du " camp commando " d'Abobo ; que le récit écrit, établi par M. A... dans le cadre de son recours contentieux, est plus circonstancié, mais reste succinct et est incohérent avec ses premières déclarations en ce qui concerne la date de son arrestation et son parcours migratoire entre le Mali, la Thaïlande et la Suisse, et n'est pas plus vraisemblable en ce qui concerne les circonstances de sa fuite du " camp commando " d'Abobo ; que l'ensemble du récit fait par M. A..., qui ne s'appuie sur aucune pièce, n'est pas de nature à établir la réalité, l'intensité et le caractère personnel des persécutions dont il allègue avoir été la victime dans son pays d'origine, ni à justifier des risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans ce pays ;
5. Considérant, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation qu'il aurait commise pour annuler la décision en litige ;
6. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Sur le refus d'entrée en France au titre de l'asile :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. (...) " ;
8. Considérant que M. A... a reçu l'information conforme aux dispositions précitées par un procès-verbal du 5 avril 2012 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque ainsi en fait ;
9. Considérant que la confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes sollicitant l'asile en France constitue tant une garantie essentielle du droit constitutionnel d'asile qu'une exigence découlant de la convention de Genève relative au statut des réfugiés ; que si M. A... fait valoir que la confidentialité des éléments confiés à l'officier de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le cadre de l'audition prévue par l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas été respectée, dès lors que ces éléments ont été portés à la connaissance des services du ministre de l'intérieur et que le rapport d'audition lui aurait été transmis grâce à un télécopieur accessible à l'ensemble des agents de la police aux frontières, ces circonstances ne révèlent toutefois pas, par elles-mêmes, une atteinte à la confidentialité, dès lors que les services précités et les agents de la police aux frontières, d'une part, participent réglementairement à la procédure d'examen de la demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile et, d'autre part, sont astreints, dans ce cadre, au secret professionnel ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la directive 2005/85/CE alors applicable, relatif aux demandes infondées : " (...) 2. Dans les cas mentionnés à l'article 23, paragraphe 4, point b), ainsi que dans les cas de demande d'asile infondée correspondant à l'une des situations, quelle qu'elle soit, énumérées à l'article 23, paragraphe 4, point a) et points c) à o), les États membres peuvent également considérer une demande comme manifestement infondée, si elle est définie comme telle dans la législation nationale. " ; qu'aux termes de l'article 35 de la même directive, relatif aux procédures à la frontière : " 1. Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur une demande d'asile déposée en un tel lieu. 2. Toutefois, lorsque les procédures prévues au paragraphe 1 n'existent pas, les États membres peuvent, sous réserve des dispositions du présent article et conformément aux lois et règlements en vigueur au 1er décembre 2005, maintenir des procédures dérogeant aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à la frontière ou dans les zones de transit, sur l'octroi d'une autorisation d'entrée sur le territoire aux demandeurs d'asile qui sont arrivés et ont introduit une demande d'asile en un tel lieu. " ;
11. Considérant que les dispositions de l'article 28 de la directive 2005/85/CE précitées sont applicables à l'examen des demandes d'asile ; que ces dispositions ne sont pas applicables à la procédure d'admission sur le territoire définie par l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle est une procédure à la frontière visée par le paragraphe 2 de l'article 35 de cette directive ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la législation nationale n'aurait pas défini, en application de l'article 28 précité, la notion de demande manifestement infondée utilisée par l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est inopérant ;
Sur la décision fixant le pays de réacheminement :
12. Considérant que M. A... se borne à alléguer qu'il encourrait des risques de traitements inhumains ou dégradant en cas de retour en Turquie, sans toutefois l'établir ; que, par suite, le ministre de l'intérieur, en prenant la décision attaquée n'a méconnu ni les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève, ni celles de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ni enfin celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que, c'est à tort, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en litige ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1502683 du 10 avril 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à MeD....
Copie en sera adressé au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Josset, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme B..., première conseillère,
M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mars 2016.
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N° 15MA01714