Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
I° M. F... B...a demandé au président du tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés, en date du 2 octobre 2014, par lesquels le préfet de l'Hérault l'a remis aux autorités espagnoles responsables de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1404588 du 6 octobre 2014, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
II° Mme A... C...épouse B...a demandé au président du tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés, en date du 2 octobre 2014, par lesquels le préfet de l'Hérault l'a remise aux autorités espagnoles responsables de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence.
Par un jugement n° 1404589 du 6 octobre 2014, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I° Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2014 sous le n° 14MA04877, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2014 ;
2°) d'annuler les arrêtés, en date du 2 octobre 2014, par lesquels le préfet de l'Hérault l'a remis aux autorités espagnoles responsables de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me Ruffel, avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- les décisions de remise sont insuffisamment motivées en droit ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la désignation de l'Espagne comme pays responsable est entachée d'une erreur de droit ;
- les décisions méconnaissent de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
II° Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2014 sous le n° 14MA04879, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ces jugements de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2014 ;
2°) d'annuler les arrêtés, en date du 2 octobre 2014, par lesquels le préfet de l'Hérault l'a remise aux autorités espagnoles responsables de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me Ruffel, avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- les décisions de remise sont insuffisamment motivées en droit ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la désignation de l'Espagne comme pays responsable est entachée d'une erreur de droit ;
- les décisions méconnaissent de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
M. B...et Mme C...ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 3 novembre 2014.
Un courrier du 23 septembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 1er septembre 2015 qui désigne Mme Muriel Josset, présidente-assesseure de la 1ère chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Louis d'Hervé, président de la 1ère chambre.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 1er décembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gonneau, premier conseiller.
1. Considérant que M. B... et Mme C..., de nationalité ukrainienne, ont présenté une demande de titre de séjour le 24 juillet 2014 en qualité de réfugié ; que, par des décisions en date du 2 octobre 2014, le préfet de l'Hérault a décidé de remettre M. B... et Mme C... aux autorités espagnoles et de les assigner à résidence ; que M. B... et Mme C... relèvent appel des jugements en date du 6 octobre 2014 par lesquels la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés ;
2. Considérant que les requêtes précitées présentent à juger la même question et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur les décisions de remise aux autorités espagnoles :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du règlement 604/2013 susvisé : " (Délivrance de titres de séjour ou de visas) - (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même règlement qui prévoit une procédure familiale : " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou soeurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes: a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et soeurs mineurs non mariés, l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; b) à défaut, est responsable l'État membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France sous couvert d'un visa délivré par la Pologne ; qu'il était accompagné de son épouse, Mme C..., entrée en France, pour sa part, sous couvert d'un visa délivré par l'Espagne, et de leur trois enfants ; que les époux ont, chacun, présenté à la préfecture de l'Hérault une demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'en application de l'article 12 du règlement du 26 juin 2013, l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... était la Pologne, alors que l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme C... était l'Espagne ; que les dispositions précitées du a) de l'article 11 n'étaient dès lors pas applicables, la circonstance que l'un des enfants mineur des époux B...était titulaire d'un visa délivré par l'Espagne étant sans incidence, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, dès lors qu'il n'avait pas, en l'espèce, introduit une demande d'asile, et qu'il n'aurait pu, en tout état de cause, le faire, étant accompagné par un de ses parents, et que l'Espagne n'était pas, par suite, susceptible d'être responsable de l'examen de cette demande ; qu'en application du b) de l'article 11, l'Etat responsable de l'examen de la demande de M. B..., plus âgé que son épouse, à savoir la Pologne, était aussi celui responsable de l'examen de la demande de cette dernière ; que c'est par suite à tort que le premier juge a considéré que le préfet de l'Hérault n'avait pas commis d'erreur de droit en désignant l'Espagne comme pays responsable de l'examen des demandes d'asile des épouxB... ;
Sur l'assignation à résidence :
5. Considérant que les décisions par lesquelles le préfet de l'Hérault a assigné à résidence M. B... et Mme C... sont privées de base légale par l'annulation des décisions portant remise des intéressés aux autorités espagnoles ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les requérants ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Les jugements n° 1404588 et 1404589 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2014 et les arrêtés, en date du 2 octobre 2014, par lesquels le préfet de l'Hérault a remis aux autorités espagnoles M. B... et Mme C... et les a assignés à résidence sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à Me Ruffel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme A... C...épouseB..., au ministre de l'intérieur et à Me E...Ruffel.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Josset, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.
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N° 14MA04877, 14MA04879