Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1201533 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société civile immobilière (SCI) " Centre commercial le Grand M " tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2011 par lequel le maire de Montpellier a délivré un permis de construire n° PC 3417211V0092 à la SARL Hérault diffusion.
Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 mai 2015, produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la SCI " Centre Commercial le Grand M " (D...), représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier et le permis de construire n° PC 3417211V0092 du 3 août 2011 ;
2°) de mettre à la charge de l'intimée le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet ne respecte pas les exigences de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, le pétitionnaire ayant présenté une justification frauduleuse de son habilitation à effectuer les travaux pour lesquels l'autorisation était demandée, alors qu'il n'avait pas la maîtrise foncière du terrain d'assiette ;
- l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme est contraire à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au droit de propriété garanti par l'article 544 du code civil ;
- l'absence d'autorisation préalable ou une autorisation ou la nature du projet portée à la connaissance du bailleur sont le préalable nécessaire à l'accord donné ou à un silence pouvant être constitutif d'un accord notamment pour l'autorité chargée d'étudier le dossier du pétitionnaire. Ces points n'ont pas été relevés par le premier juge. La décision sera infirmée.
Des pièces complémentaires, enregistrées le 7 février 2014, ont été présentées pour la SCI CCGM.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2014, un mémoire complémentaire, enregistré le 3 avril 2015, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 15 avril 2015, présenté en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative pour la société Hérault diffusion, représentée par son représentant légal en exercice, lui-même représenté par la SCP d'avocats DCK, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante du versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, la commune de Montpellier, représentée par son maire en exercice, représenté lui-même par la SCP d'avocats Vinsonneau-Palliès-Noy-Gauer et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante du versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme est inopérant ;
- les autres moyens de la requête sont infondés.
Par un courrier du 23 février 2015 adressé en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Une ordonnance du 12 août 2015 a fixé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Un nouveau mémoire a été présenté pour la SCI CCGM, le 6 novembre 2015, après la clôture de l'instruction et avant la tenue de l'audience, et n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Argoud,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la commune de Montpellier et celles de Me A... pour la société Hérault Diffusion.
1. Considérant que, par un arrêté du 3 août 2011, le maire de Montpellier a délivré à la SARL Hérault diffusion, qui exploite un local commercial appartenant à la SCI CCGM, un permis de construire n° PC 3417211V0092 pour la réalisation de travaux de réaménagement intérieur, la création d'un sas d'entrée et d'une réserve d'une surface de plancher de 20 mètres carrés et le changement du bardage extérieur et de l'enseigne en façade ; que la SCI CCGM relève appel du jugement du 5 décembre 2013 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (...) par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : / a) L'identité du ou des demandeurs (...) / La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus ; que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur ; qu'ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande ;
4. Considérant, toutefois, que lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif ; qu'il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par la société pétitionnaire comportait l'attestation de cette dernière selon laquelle elle remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer sa demande ; que ladite société a, en outre, joint à sa demande une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier du 27 janvier 2011 l'autorisant à effectuer les travaux de mise en conformité des locaux préconisés par le bureau Veritas ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Montpellier ne disposait pas d'éléments de nature à établir que la demande de permis de construire présentait un caractère frauduleux ou que la société pétitionnaire n'aurait disposé d'aucun droit à déposer sa demande ; qu'il devait donc regarder cette dernière, sur le fondement de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, comme ayant qualité pour déposer sa demande ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il ne peut être reproché à la pétitionnaire l'intention de dissimuler à l'autorité administrative que les travaux faisant l'objet du permis en litige excédaient ceux sur lesquels portent l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier du 27 janvier 2011 produite à l'appui de sa demande, dès lors que la simple lecture du dossier de demande permettait aux services instructeurs de le constater ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette décision du juge judiciaire ne portait pas sur la contestation du principe de la réalisation des travaux par la société Hérault diffusion mais avait trait à leur prise en charge financière par la SCI CCGM, laquelle soutenait devant le juge judiciaire que les travaux envisagés relevaient de la compétence du locataire et ne pouvaient être mis à sa charge ; que, dans ces conditions, les termes de cette ordonnance ne permettaient pas de présumer une quelconque opposition de la part de la société requérante à la réalisation de tous travaux par son locataire ; qu'ainsi, en l'absence d'éléments de nature à établir, à la date de la demande, l'existence d'une opposition de la SCI CCGM à la réalisation de tous travaux sur l'immeuble dont elle est propriétaire, il n'est pas démontré que la société Hérault Diffusion, en attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme et en produisant à l'appui de sa demande l'ordonnance du juge de référés du 27 janvier 2011, se serait livrée à une manoeuvre de nature à induire en erreur l'autorité administrative et qu'ainsi le permis de construire aurait été obtenu par fraude ;
8. Considérant que la SCI Centre Commercial le Grand M n'est donc pas fondée à soutenir que le permis de construire en litige méconnaîtrait l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ou serait entaché de fraude ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 544 du code civil : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. " qu'aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. " ;
10. Considérant que le permis de construire a pour seul objet de contrôler la légalité d'un projet de construction au regard des règles d'urbanisme et qu'il est délivré sous réserve du droit des tiers ; que ces derniers peuvent, dans l'éventualité où leur droit de propriété sur l'immeuble faisant l'objet d'une autorisation d'urbanisme, serait méconnu, saisir les juges de l'ordre judiciaire afin d'assurer le respect de ce droit ; que le permis de construire n'a donc ni pour objet ni pour effet de priver de son bien le propriétaire de l'immeuble faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme ; qu'il en résulte que le caractère purement déclaratif de la qualité du pétitionnaire à déposer une demande de permis de construire, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, n'est pas susceptible d'entraîner une atteinte au droit de propriété ; que la société requérante n'est donc pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que les prescriptions précitées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, relatives aux conditions de dépôt d'une demande de permis de construire, méconnaîtraient les dispositions de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou celles du code civil garantissant le droit de propriété ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI CCGM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge des intimées, qui n'ont ni la qualité de partie perdante ni celle de partie tenue aux dépens à la présente instance, au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre, sur le fondement des mêmes dispositions, à la charge de la société requérante une somme au titre des frais exposés chacune par la société pétitionnaire et par la commune de Montpellier et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI " Centre commercial le Grand M " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Hérault diffusion et par la commune de Montpellier sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI " Centre Commercial le Grand M ", à la société Hérault diffusion et à la commune de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 novembre 2015.
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N° 14MA00463