Vu la décision n° 375121 du 21 novembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 12MA04965 rendu le 3 décembre 2013 par la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé le jugement de la requête présentée par Mme B... D...;
Vu ladite requête, enregistrée le 4 décembre 2012, présenté pour Mme B...D..., demeurant..., par Me C...;
Mme D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004792 rendu le 25 octobre 2012 par le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 octobre 2010, par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte d'Azur a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de ladite chambre de commerce et d'industrie la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'avis conforme, donc décisoire, rendu le 13 octobre 2010 par le ministre de tutelle, a été pris à l'issue d'une procédure méconnaissant les droits de la défense, le principe de l'égalité des armes protégé par l'article 6- §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui du contradictoire, dès lors qu'elle n'a pas été informée de la saisine du ministre, n'a pas été informée des pièces versées devant lui par la chambre de commerce et d'industrie, qui ont joué un rôle déterminant pour le sens de cet avis, et n'a donc pu présenter ses observations devant le ministre ; cet avis ne lui a pas été notifié, contrairement à ce qui a été prétendu devant les premiers juges ; la sanction en litige est ainsi illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'avis conforme sur le fondement duquel elle a été prononcée, à l'issue d'une procédure tenue secrète par la chambre de commerce et d'industrie ;
- en outre, même si les droits de la défense ont été respectés devant la commission administrative paritaire locale, elle n'a pas pu, non plus, prendre connaissance de l'avis formulé par ses représentants, ni être entendue par cette commission ;
- la révocation est illégale, compte tenu de ses états de service et des conditions de travail très difficiles ;
- les éléments à charge, figurant dans huit pièces, ne sont pas avérés et sont contredits par les dizaines de témoignages convergents en sens inverse ;
- la sanction est entachée de détournement de pouvoir, car la procédure est curieusement intervenue alors qu'elle venait d'être élue comme suppléante aux élections des représentants du personnel, que la plupart des pièces à charge ont été réunies au cours de sa semaine d'absence entre le 10 et le 18 avril 2010 et que l'entretien annuel d'évaluation a été modifié après clôture et après la mise en oeuvre de la procédure de révocation ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2013, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie (CCI) Nice Côte d'Azur, représentée par son président en exercice, par la SCP d'avocats Rouillot Gambini ; la CCI Nice Côte d'Azur conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- l'article 37 du statut du personnel administratif ne prévoit pas que l'agent soit entendu par la commission paritaire locale ; l'intéressée a été informée de la saisine du ministre ;
- le courrier par lequel le ministre a interrogé la chambre sur l'éventualité d'une sanction plus graduée ne lui a pas été transmis pour copie, ce qui démontre le caractère non contradictoire de la procédure d'avis de la tutelle ; aucune pièce n'était jointe à la réponse envoyée par la chambre qui s'est bornée à répondre à l'interrogation du ministre ;
- la notification de l'avis conforme à l'intéressé ne conditionne nullement la légalité de la révocation ;
- la chambre n'a pas méconnu l'article 37 bis du statut ;
- le simple fait que le ministre a rendu un avis conforme confirme la légalité de la décision prise ;
- en tout état de cause, les éléments factuels versés au dossier prouvent l'exactitude de leur appréciation par la chambre ; les éléments versés par l'appelante sont dénués de valeur probante ; ses compétences professionnelles ne sont pas niées, la sanction reposant sur ses méthodes de management constitutives de harcèlement moral, que n'étaient pas en mesure de percevoir bon nombre des personnes ayant rédigé les témoignages favorables versés au dossier par l'intéressée ;
- Mme D...ne peut sérieusement prétendre que la CCI voulait l'écarter en raison de son élection en qualité de suppléante à la commission paritaire locale ;
Vu, enregistré le 11 juillet 2013, le nouveau mémoire présenté pour MmeD..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête susvisée, par les mêmes moyens ;
Elle ajoute que si l'avis conforme peut résulter du silence du ministre, tel n'est pas le cas en l'espèce ; dès lors, il appartenait au ministre et/ou à la chambre de commerce et d'industrie de la mettre en mesure d'apporter la contradiction aux affirmations en réponse de la chambre aux interrogations du ministre, conformément aux principes généraux du droit ;
Vu, enregistré le 25 septembre 2013, le nouveau mémoire présenté pour la CCI Nice Côte d'Azur, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 5 janvier 2015, le nouveau mémoire présenté pour MmeD..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et porte à 7 000 euros la somme qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que, suite à l'annulation de sa révocation par l'arrêt rendu par la Cour le 3 décembre 2013, elle a obtenu sa réintégration au sein de la CCI, qui l'a révoquée une seconde fois après la décision du Conseil d'Etat, alors que son travail donnait toute satisfaction ;
Vu, enregistré le 17 février 2015, le nouveau mémoire présenté pour la CCI Nice Côte d'Azur, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens, et porte à 3 000 euros la somme à mettre à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la lettre du 24 février 2015 informant les parties, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle la clôture de l'instruction sera susceptible d'être prononcée et de la date prévisionnelle de l'audience ;
Vu l'avis d'audience du 26 mai 2015, valant, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-2 du code de justice administrative, clôture de l'instruction à la date de son émission ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2015 :
- le rapport de Mme Busidan, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;
- et les observations de MmeD..., ainsi que celles de Me A...pour la CCI Nice Côte d'Azur ;
1. Considérant que MmeD..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte d'Azur, affectée effectivement à compter du 1er juillet 2007 au poste de chef de service "Parcs et Domanial", rattaché en 2008 à l'emploi-type de manager portuaire, a été élue en mars 2010 représentante suppléante du personnel à la commission paritaire locale de la chambre de commerce et d'industrie ; qu'après qu'elle eut été suspendue de ses fonctions par courrier daté du 27 avril 2010, le président de la chambre de commerce et d'industrie a prononcé à son encontre, par décision du 26 octobre 2010, la sanction disciplinaire de la révocation, après avis conforme du ministre de tutelle daté du 13 octobre 2010 rendu nécessaire par le mandat de l'intéressée à la commission paritaire ; qu'elle relève appel du jugement rendu le 25 octobre 2012 par le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté sa demande d'annulation de cette révocation ;
2. Considérant que la sanction en litige fait grief à la requérante d'avoir eu un comportement anormal d'une part, vis-à-vis d'une entreprise sous-traitante, d'autre part vis-à-vis de sa collaboratrice directe et d'une stagiaire ;
3. Considérant, d'une part, que deux courriels, datés du 16 avril 2010 et transmis à la chambre de commerce et d'industrie par des responsables de l'entreprise sous-traitante, font état de conditions de travail tendues depuis la mi-décembre 2009 avec MmeD..., de problèmes liés à la démission du chef de parc adjoint, d'une demande de retrait du site présentée par un autre agent et de la circonstance que les agents se sentiraient dévalorisés par des critiques répétées ;
4. Considérant, d'autre part, que, sollicitée de préciser la dégradation des conditions de travail qu'elle aurait subie depuis deux ans auprès de Mme D...et qu'elle avait évoquée par courriel du 19 avril 2010, la collaboratrice directe de l'intéressée a indiqué, par courriel daté du 25 avril 2010, que sa supérieure critiquait systématiquement ses actions de manière négative, employait un langage grossier, choquant dans un contexte professionnel, rabâchait les consignes sans même vérifier si elles étaient appliquées, et surtout avait eu un comportement humiliant envers une stagiaire de vingt-trois ans ; que, par courriel daté du 22 avril 2010, cette stagiaire fait effectivement état d'insultes, propos grossiers et vexations à son égard, qui l'ont conduite à abréger la durée de son stage ;
5. Considérant qu'alors même que ces agissements, à l'évidence fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire, ont été qualifiés d'actes constitutifs de harcèlement moral par le Conseil d'Etat dans sa décision susvisée du 21 novembre 2014, il y a lieu pour la Cour d'apprécier le caractère proportionné de la sanction au regard des fautes reprochées, eu égard à leur gravité, appréciée en tenant compte du contexte professionnel dans lequel elles ont été commises et du comportement général de l'agent ;
6. Considérant à cet égard, que les faits de harcèlement moral reprochés se sont déroulés, comme il vient d'être rappelé, sur une période à peine supérieure à un trimestre ; qu'il ressort du compte rendu de la commission paritaire locale ayant examiné la mesure envisagée à l'encontre de Mme D...que l'administration de la chambre de commerce et d'industrie a voulu principalement réagir à une "fessée" qui aurait été administrée à la stagiaire ; que cependant, la réalité de ce geste, qualifié de "farfelu" par l'appelante, repose sur les seuls déclarations de la stagiaire et de la collaboratrice directe de MmeD..., alors que cette collaboratrice indique qu'elle aurait été infligée "devant l'équipe" ; qu'il ressort des entretiens annuels d'évaluation de l'intéressée versés au dossier, des lettres accompagnant le versement de primes de résultats, dont l'une, datée du 11 juin 2009, reconnaît "la difficulté à maintenir le niveau de qualité exigé dans un contexte pressurisant", et même des courriels précités de sa collaboratrice directe, dans lesquels celle-ci rappelle les "grandes qualités professionnelles" de MmeD..., que l'intéressée fournissait, jusqu'à la période en litige, un travail apprécié par son employeur ; qu'enfin, de très nombreuses attestations versées au dossier, émanant de personnes ayant travaillé avec MmeD..., qu'il s'agisse d'employés permanents ou de stagiaires au sein des services de la chambre ou qu'il s'agisse de partenaires extérieurs de cet organisme, font état des relations normales, voire cordiales, entretenues par Mme D...avant la mi-décembre 2009 ; que, dans ces conditions, et alors d'ailleurs que la commission paritaire locale s'est partagée à raison de cinq voix pour et cinq voix contre la sanction proposée, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de natures et de portées différentes, a, en faisant le choix de la plus lourde, celle de la révocation, qui met définitivement fin au lien entre l'agent et la chambre de commerce et d'industrie, prononcé à l'encontre de Mme D...une sanction disproportionnée au regard de la gravité des fautes reprochées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 octobre 2010, par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et cette sanction ;
Sur les conclusions concernant la charge des dépens :
8. Considérant que la présente instance ne comporte pas de dépens ; que, par suite, les conclusions de Mme D...tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie Nice Côte d'Azur, ne peuvent être accueillies ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Nice-Côte d'Azur une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que la chambre de commerce et d'industrie de Nice-Côte d'Azur demande au même titre soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 octobre 2012 et la décision du 26 octobre 2010 du président de la chambre de commerce et d'industrie Nice Côte d'Azur prononçant la révocation de MmeD..., sont annulés.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie Nice Côte d'Azur versera à Mme D...la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et à la chambre de commerce et d'industrie Nice Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Portail, président-assesseur ;
Mme Busidan, premier conseiller ;
Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.
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N° 14MA04704