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03/12/2013 | FRANCE | N°12MA04965

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2013, 12MA04965


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 décembre 2012 sous le n° 12MA04965, présentée par MeE..., pour Mme C...G..., demeurant ... ; Mme G...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004792 du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de la décision du 26 octobre 2010 du président de la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur prononçant sa révocation ;

- à ce que soit mise à la charge de la dite chambre de commerce et d'industrie la somme de 6 000 euros au

titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 décembre 2012 sous le n° 12MA04965, présentée par MeE..., pour Mme C...G..., demeurant ... ; Mme G...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004792 du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de la décision du 26 octobre 2010 du président de la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur prononçant sa révocation ;

- à ce que soit mise à la charge de la dite chambre de commerce et d'industrie la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du 26 octobre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de ladite chambre de commerce et d'industrie la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements inter consulaires, et vu ce statut modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de MmeG...,

- et les observations de MeB..., substituant MeD..., pour la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 susvisée : "La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle." ; qu'aux termes de l'article 36 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie

susvisé : "(...) Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires sont : (...) 6° la révocation." ; et qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public (...)" ; qu'il résulte des dispositions de cet article 6 quinquies, éclairées par les travaux préparatoires auxquelles elles ont donné lieu, que le législateur n'a pas entendu exclure les personnels publics des chambres de commerce et d'industrie du champ d'application desdites dispositions ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeG..., cadre titulaire de la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur, a été révoquée de ses fonctions de chargée de marketing, chef du service Parcs et Domaines du port de Cannes, par décision du président de la chambre de commerce et d'industrie en date du 26 octobre 2010 ; que cette décision est motivée par des agissements de harcèlement moral commis par l'intéressée à l'encontre de deux agents placés sous ses ordres, Mme A...et MlleF..., ainsi que d'autres agents d'une société privée chargée de l'exploitation d'un parc de stationnement, la société SAAS ; que dans le présent litige disciplinaire, il incombe à la chambre de commerce et d'industrie d'établir la matérialité des faits de harcèlement moral ainsi reprochés ; que dans cette problématique de charge de la preuve, le juge administratif peut tenir compte de toute attestation versée au dossier et soumise au contradictoire, alors même qu'elle ne répondrait pas aux exigences formelles de l'article 202 du nouveau code de procédure civile ;

Sur les comportement de Mme G...à l'égard des agents de la

société SAAS :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des feuilles d'évaluation de l'appelante et des courriels versés au dossier, que les conditions d'exploitation du parc de stationnement Pantiéro par la société SAAS ont donné lieu, en 2008 et 2009, à des difficultés sérieuses signalées par l'intéressée à sa hiérarchie, qui l'a invitée à persévérer dans ses efforts de redressement, sans pour autant chercher à faire pression sur la société SAAS pour qu'il y soit remédié structurellement ; que notamment, en 2009, ces difficultés se sont émaillées d'un certain nombre de graves irrégularités dans la comptabilité et le système de facturation du parc de stationnement, comme des bons de sortie gratuite non autorisés ou l'ouverture d'un monnayeur sans sa présence ; que c'est dans un tel contexte que Mme G...s'est livrée à une méthode de gestion particulièrement autoritaire suscitant des tensions importantes qui ont conduit certains préposés de la société SAAS à démissionner de leurs fonctions ; qu'il ressort des éléments versés au dossier, notamment d'une attestation du 16 avril 2010 émanant du chef du parking, que ce n'est toutefois qu'à compter du premier trimestre 2010 que le comportement de ce cadre stressé peut être regardé comme fautif et de nature justifier une sanction disciplinaire adaptée, sans être toutefois caractéristique d'agissements, répétés sur une période significative, de harcèlement moral ;

Sur les comportement de Mme G...à l'égard de Mme A...et de Mlle F... :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., agent consulaire travaillant directement auprès de MmeG..., s'est plainte dans deux courriels en date des 14 avril et 19 avril 2010 d'avoir subi "depuis plus de deux ans" des humiliations verbales de la part de celle-ci ; que toutefois, ses griefs exprimés initialement en des termes très généraux, et dont la chronologie ou le contexte n'ont guère été précisés dans son troisième courriel du 25 avril 2010, s'ils permettent de souligner le caractère inadapté du comportement d'un cadre stressé par ses propres conditions de travail, usant d'un langage dont la grossièreté dépasse effectivement les limites de l'acceptable, ne suffisent pas pour autant à caractériser des pratiques, répétées sur une période significative, de harcèlement moral à l'égard de MmeA... ;

5. Considérant, en second lieu, que MlleF..., placée en stage auprès de Mme G... à compter du 4 janvier 2010 seulement, s'est également plainte, dans un courriel du 22 avril 2010, de pratiques verbales humiliantes, sans que la réalité de ces humiliations ou vexations soit établie de façon suffisamment sérieuse par les autres pièces versées au dossier ; que dans son témoignage, Mlle F...a fait surtout état d'une "fessée" qu'elle aurait reçue de la part de l'appelante, "comme une enfant", dont la réalité, sur laquelle se sont longuement interrogés les membres du conseil de discipline, n'est corroborée par aucun autre témoignage que celui de MmeA..., lui-même peu circonstancié, alors que cet événement est censé s'être produit, selon cette dernière, "devant l'équipe", et selon le directeur général adjoint de la chambre de commerce et d'industrie, dans ses propos tenus devant le conseil de discipline, "devant témoins" ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision de révocation de l'intéressée, qui repose largement sur la prise en considération de la prétendue "fessée" infligée à MlleF..., ainsi que cela ressort du courrier adressé le 28 septembre 2010 par la chambre de commerce et d'industrie en réponse aux interrogations de son ministre de tutelle, est entachée d'erreur de fait, aucun harcèlement moral ne pouvant être reproché à l'intéressée ;

7. Considérant qu'il s'ensuit que Mme G...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la révocation en litige ; qu'il y a lieu par voie de conséquence pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, d'annuler cette révocation pour erreur de fait, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de l'appelante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MmeG..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la chambre de commerce et d'industrie intimée la somme que celle-ci demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie intimée la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'appelante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004792 du 25 octobre 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La décision du 26 octobre 2010 du président de la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur prononçant la révocation de Mme G...est annulée.

Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur versera à Mme G... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 12MA04965 de Mme G...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...G...et à la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte-d'Azur.

Copie en sera adressé au ministre de l'économie et des finances.

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N° 12MA049652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04965
Date de la décision : 03/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : TORDJMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-12-03;12ma04965 ?
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