La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2015 | FRANCE | N°13MA01984

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 05 juin 2015, 13MA01984


Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2013 au greffe de la Cour, sous le n° 13MA01984, présentée pour M. Jean-Claude Pastorelli demeurant..., par la SCP d'avocats Manuel Gros Héloïse Hicter et associés ;

M. E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande n° 1002554, a rejeté les conclusions de ses demandes n° 0900494 et n° 1003061, a supprimé certains passages de cette dernière demande en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrati

ve, a mis à sa charge le versement d'une somme de 4 000 euros à la commune de...

Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2013 au greffe de la Cour, sous le n° 13MA01984, présentée pour M. Jean-Claude Pastorelli demeurant..., par la SCP d'avocats Manuel Gros Héloïse Hicter et associés ;

M. E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande n° 1002554, a rejeté les conclusions de ses demandes n° 0900494 et n° 1003061, a supprimé certains passages de cette dernière demande en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, a mis à sa charge le versement d'une somme de 4 000 euros à la commune de Nice en application de l'article L. 761-1 du même code, et l'a condamné à une amende de 6 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 de ce code ;

2°) de condamner la commune de Nice à lui verser une somme totale de 6 671 765,04 euros en réparation de ses divers préjudices ;

3°) de mettre en outre à la charge de la commune de Nice une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en lui opposant l'autorité de la chose jugée alors que les conditions d'identité de demande et de cause n'étaient pas réunies contrairement aux principes dont s'inspire l'article 1351 du code civil ;

- sa demande n° 0900494 est fondée non seulement sur des fautes contractuelles mais sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Nice liée aux fautes commises en matière comptable et budgétaire ;

- ses demandes n° 1003061 et n° 1002554 sont fondées sur la responsabilité pour faute extracontractuelle de la commune de Nice résultant du recours délibéré à une association transparente pour permettre la disparition de celle-ci ;

- ces demandes ne peuvent être qualifiées d'abusives au sens de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sans restreindre de manière injustifiée le droit au recours juridictionnel énoncé par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, alors qu'il conteste le remboursement indu d'une somme de plusieurs millions d'euros sur son patrimoine personnel ;

- la commune de Nice a commis une faute en ne réintégrant pas l'actif du CACEL Ville de Nice dans la comptabilité communale, et en émettant de ce fait des titres de recettes à l'encontre de l'association CACEL Nice en vue du recouvrement d'une créance inexistante ;

- l'émission des titres de recettes du 22 janvier 1993 et 17 juin 1993 pour le remboursement du capital et des intérêts d'emprunts souscrits et renégociés par la commune, était dépourvue de toute base légale, la commune ne pouvant constater de ce fait aucune créance sur le CACEL dont elle était au contraire débitrice ;

- les titres de recettes en cause ont contraint l'association au placement en liquidation judiciaire, et à la résiliation sans indemnité des conventions en cours, avant d'être annulés par la délibération du 17 novembre 1995 qui a constaté le transfert de l'actif selon un bilan comptable inexact ;

- la responsabilité sans faute de la commune de Nice est par ailleurs engagée sur le fondement de l'enrichissement sans cause vis-à-vis de l'association, alors qu'elle a mis fin au contrat de manière irrégulière et reconnaît qu'elle a récupéré pour près de 210 MF d'actifs immobiliers ;

- le CACEL étant une association transparente, comme l'a démontré l'audit du cabinet Andersen réalisé en 1993, la commune de Nice ne pouvait pas, sauf à agir contre elle-même, exercer de poursuites à son encontre devant les tribunaux, et l'action en comblement de passif l'a uniquement condamnée à s'indemniser elle-même ;

- le CACEL n'avait pas d'autonomie réelle par rapport à la commune de Nice pour sa création, sa restructuration, ses missions, ses moyens, son patrimoine, la rémunération de son personnel, et les décisions financières, ainsi le développement de l'association a été financé par l'emprunt avec l'aval et la garantie financière de la commune, qui avant la mise en liquidation s'est comportée comme si les actifs de l'association lui appartenaient ;

- lui-même n'agissait au sein du CACEL qu'en tant que représentant de la commune, et ne pouvait donc être condamné personnellement à supporter une partie du comblement du passif, contrairement à la présentation fallacieuse effectuée par la commune devant le juge judiciaire ;

- la commune de Nice n'a jamais réglé les 80% du prétendu passif mis à sa charge par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dès lors qu'il ne pouvait être versé qu'à elle-même ;

- la commune détenait à la fois le passif et l'actif de l'association transparente, et aurait dû réintégrer ce dernier, mais a fait au contraire le choix de demander le remboursement d'un prétendu passif à l'association dans le seul but de permettre la condamnation personnelle de son dirigeant au moyen d'un détournement de procédure ;

- le préjudice subi consiste en l'indemnisation indue qu'il doit supporter dans le cadre de la liquidation pour une somme de 4 577 028,53 euros, intérêts inclus selon le montant déterminé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 2 juillet 2009 ;

- son préjudice moral résultant de la mise en cause de son honorabilité et de la présentation fallacieuse de sa responsabilité dans la situation de l'association CACEL doit être réparé à hauteur de 100 000 euros ;

- sa condamnation a mis en doute ses qualités de gestionnaire et sa moralité, l'empêchant de poursuivre toute activité professionnelle dans le sud-est, d'où un préjudice commercial et financier estimé, sur la base de ses revenus de 1993, à une somme de 1 275 000 euros jusqu'en 2010, à laquelle s'ajoutent 471 737,04 euros d'intérêts moratoires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le courrier du 13 janvier 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2015, présenté par Me A...pour la commune de Nice représentée par son maire en exercice, qui conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête de M. E...et à la mise à la charge de ce dernier d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges ont à bon droit opposé l'autorité relative de la chose jugée aux demandes de M. E...reposant sur les mêmes éléments que ceux qui ont fait l'objet de la précédente instance close par la décision du Conseil d'Etat du 10 décembre 2010 ;

- les conditions posées par l'article 1351 du code civil sont remplies en l'espèce ;

- la chose demandée est identique, les préjudices invoqués étant les mêmes que ceux dont il a demandé réparation s'agissant du comblement du passif de l'association CACEL Nice et de ses préjudices financier, professionnel et moral ;

- la demande est fondée sur les mêmes causes juridiques que celles exposées dans la précédente instance devant le juge administratif, à savoir les fautes commises par la commune de Nice et son enrichissement sans cause ;

- l'argumentation du requérant relative à la nature d'association transparente du CACEL et aux fautes qui en découlent ne constitue pas une nouvelle cause juridique ;

- subsidiairement, elle n'a commis aucune faute budgétaire ou comptable, alors que l'association CACEL Nice était devenue sa cocontractante à la suite de la fusion des différentes associations, et qu'elle a pu légalement émettre des titres de recettes constatant sa créance incontestable compte-tenu de l'impossibilité d'intégrer l'actif constatée le 22 janvier 1993 en l'absence de résiliation des contrats ;

- M. E...ne peut utilement invoquer la théorie de l'enrichissement sans cause, à défaut de contrats entachés de nullité en l'espèce, et ne démontre en tout état de cause ni que la commune se serait enrichie en reprenant l'actif et le passif de l'association CACEL, ni qu'un éventuel enrichissement serait en lien avec les préjudices qu'il invoque ;

- la théorie de la transparence n'entraîne ni la fusion de la personne morale transparente avec la collectivité publique qui la contrôle, ni la confusion de leur patrimoine, et la commune de Nice a ainsi été elle-même condamnée à combler une partie du passif de l'association ;

- les affirmations du requérant relatives aux manoeuvres dolosives de la commune sont dépourvues de tout fondement ;

- le préjudice réclamé du fait de la condamnation de M. E...prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'est pas certain, ne constitue pas un préjudice réparable, et est en tout état de cause sans lien avec de prétendues fautes de la commune ;

- le préjudice moral et les préjudices commercial et financier ne sont pas établis ;

- l'amende pour recours abusif était justifiée compte-tenu de la succession des recours engagés par M.E... ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2015, présenté par Me B...pour M.E..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens, et porte sa demande de réparation à une somme totale de 6 733 785,19 euros ;

Il fait valoir en outre que :

- la commune de Nice, qui avait centralisé son contrôle en décidant le regroupement des associations au sein du CACEL Nice dépendant entièrement de ses financements, a elle-même provoqué la situation de liquidation de l'association en cessant ses concours et dénonçant ses engagements en 1992, puis en émettant des titres de recettes qu'elle a ensuite annulés après résiliation des contrats en cours ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en opposant l'autorité relative de la chose jugée dès lors que la reconnaissance du caractère transparent de l'association et ses conséquences constitue une demande d'objet distinct, et qui ne repose pas sur une cause juridique déjà invoquée ;

- le jugement du tribunal administratif ne répond pas explicitement à son office en évacuant le caractère transparent de l'association CACEL sans l'analyser ;

- le jugement contesté méconnaît la limitation de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, et est entaché de contradiction entre ses motifs et l'article 6 de son dispositif en indiquant une condamnation à 6 000 euros d'amende ;

- son recours exposant une cause juridique nouvelle et autonome ne présentait pas de caractère abusif ;

- les modalités, entachées de fautes, de récupération unilatérale des actifs du CACEL par la commune de Nice confirment la transparence de l'association, alors notamment que la commune s'est affranchie du respect des stipulations des conventions passées avec l'association prévoyant une indemnisation en cas de résiliation, pour définir elle-même des conditions de reprise ;

- en conséquence, seule la commune, qui a enrichi son patrimoine de la totalité de l'actif, devait assumer le passif de l'association, sans qu'il puisse être recouru aux concepts du droit privé de la faillite à l'égard de M.E..., dirigeant bénévole ;

- la commune a en outre racheté ses propres dettes inscrites au passif pour une valeur réelle inférieure à celle de leur inscription ;

- le CACEL n'aurait pas dû légalement faire l'objet dans ces conditions d'une procédure collective de liquidation judiciaire à laquelle une collectivité publique ne peut être attraite ;

- son préjudice résultant de sa condamnation par la cour d'appel d'Aix, dont il a déjà acquitté 3 500 000 euros, est directement issu de la faute de la commune de Nice qui lui réclame le remboursement de 20% de son propre passif ;

- il fournit un chiffrage détaillé de son préjudice professionnel et financier ;

- les divers frais d'avocats et d'experts qu'il a dû exposer depuis 1993 doivent être indemnisés à hauteur d'une somme forfaitaire de 250 000 euros ;

Vu les avis d'audience adressés le 30 mars et le 1er avril 2015 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2015 après la clôture de l'instruction, présenté par Me C...pour la commune de Nice et non communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2015 :

- le rapport de Mme Hameline, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- les observations de Me D...substituant MeB..., pour M. E...et celles de Me A...pour la commune de Nice ;

1. Considérant que plusieurs associations régies par la loi du 1er juillet 1901 dénommées " centres associatifs de culture et de loisirs " (CACEL) ont été créées à partir de 1974 afin de gérer des activités de sport et de loisirs au profit des habitants de la commune de Nice ; que ces différentes associations ont été regroupées le 1er septembre 1991 en une même association " CACEL Nice " qui en a repris les actifs et leur a succédé en tant que cocontractante de la commune de Nice pour l'occupation et la gestion de divers équipements sportifs et culturels ; que le conseil municipal de Nice a décidé en octobre 1991 puis le 26 juin 1992 d'intégrer dans le patrimoine communal les équipements de l'association " CACEL Nice ", réalisés sur des terrains de la commune ; qu'à la suite d'un désaccord entre celle-ci et M. Jean-Claude Pastorelli, président de l'association, sur la valeur des actifs à reprendre, la commune de Nice qui s'était substituée au CACEL dans le remboursement des emprunts souscrits par l'association, a émis les 22 janvier 1993 et 17 juin 1993 des titres de recettes afin d'avoir remboursement de ce passif ; que, l'association CACEL Nice ainsi que la SCI " développement des loisirs " liée à cette dernière dont M. E...était le gérant salarié ont été placées en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 29 mars 1995, confirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 29 février 1996 ; que, sur action introduite par le mandataire liquidateur, le tribunal de grande instance de Nice a condamné solidairement la commune de Nice et M. E... à raison de leurs fautes de gestion respectives, à supporter l'insuffisance d'actif de l'association CACEL Nice par jugement du 6 août 1997 ; qu'à la suite d'une transaction entre la commune et le mandataire liquidateur de l'association homologuée par le tribunal de grande instance de Nice le 13 février 2001, à laquelle M. E...n'était pas partie, cette insuffisance d'actif a été établie à la somme de 16 769 391,90 euros ; que la commune de Nice a ultérieurement assigné M. E... devant le tribunal de grande instance de Nice en application de l'article 1214 du code civil afin d'avoir paiement de la part de ce dernier dans l'insuffisance d'actif, laquelle a été évaluée par le tribunal à une proportion d'un tiers du total, ramenée à un cinquième par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans un arrêt du 2 juillet 2009, soit une somme de 3 353 878,38 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 1998 ; que M. E... a saisi le tribunal administratif de Nice en 2003 de demandes tendant à l'annulation de décisions du maire de Nice ainsi qu'à la condamnation de la commune à réparer divers préjudices qu'il estimait avoir subis en relation avec les faits susmentionnés ; que, par un arrêt n° 07MA03593 du 8 février 2010 devenu définitif, la Cour de céans a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juillet 2007 qui rejetait l'ensemble de ces demandes ; que l'intéressé a entretemps formé trois nouvelles demandes indemnitaires devant le tribunal administratif de Nice, tendant respectivement, pour celle introduite le 9 février 2009 sous le n° 0900494 à la condamnation de la commune de Nice à lui verser une somme de 30 000 000 d'euros, et pour celles introduites le 3 juillet 2010 sous le n° 1002544 après décision implicite de rejet puis le 29 juillet 2010 sous le n° 1003061 après intervention d'une décision expresse, à la condamnation de la commune de Nice à lui verser une somme totale de 6 671 765,04 euros ; que, par un même jugement du 19 avril 2013, le tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande n° 1002544, a rejeté le surplus des demandes de M. E...ainsi que les conclusions reconventionnelles de la commune de Nice aux fins de dommages-intérêts, a supprimé certains passages des écritures du demandeur en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, et a condamné celui-ci à une amende pour recours abusif d'un montant de 6 000 euros ; que M. E...interjette appel de ce jugement ; que, dans la mesure où sa requête d'appel ne présente aucune critique du non-lieu à statuer prononcé par le tribunal administratif dans l'instance n° 1002554, ni de la suppression de certains passages des écritures, celle-ci doit être regardée comme dirigée uniquement contre les dispositifs de rejet et de condamnation du jugement du 19 avril 2013 ;

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Considérant que M. E...n'a soulevé aucun moyen contestant la régularité du jugement du tribunal administratif de Nice du 19 avril 2013 dans sa requête enregistrée le 23 mai 2013 au greffe de la Cour ; que, dès lors, les moyens tirés d'irrégularités du jugement qu'il invoque pour la première fois dans un mémoire complémentaire enregistré le 19 mars 2015 sont fondés sur une cause juridique distincte de ceux invoqués dans sa requête et constituent une demande nouvelle qui, présentée après l'expiration du délai d'appel et ne présentant pas un caractère d'ordre public, est irrecevable ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient insuffisamment répondu à l'argumentation de M. E... relative aux conséquences de la transparence de l'association CACEL ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

En ce qui concerne l'exception d'autorité de la chose jugée opposée aux conclusions de M. E...dans les instances n° 0900494 et n° 1003061 :

3. Considérant que M. E...a introduit le 25 juillet 2003 devant le tribunal administratif de Nice un recours contentieux tendant notamment à l'engagement de la responsabilité de la commune de Nice, sur le fondement de différentes fautes quasi-délictuelles commises selon lui par cette dernière ainsi que sur l'enrichissement sans cause, en vue du versement, d'une part, d'une indemnité de 26 784 315,39 euros destinée à compenser la somme qui lui était réclamée par la commune devant la juridiction judiciaire à raison de sa propre part dans le comblement de passif de l'association CACEL Nice, et, d'autre part, d'une somme de 2 286 735,26 euros en réparation des préjudices financier, matériel, professionnel et moral qu'il estimait imputable aux agissements fautifs de la commune à son égard ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, ces demandes ont été rejetées par le tribunal administratif de Nice le 12 juillet 2007, puis, sur appel de M.E..., par un arrêt de la Cour de céans du 8 février 2010 qui est devenu définitif, le Conseil d'Etat ayant refusé d'admettre le pourvoi en cassation formé par l'intéressé par décision du 10 décembre 2010 ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que la nouvelle demande formée par M. E... le 9 février 2009 devant le tribunal administratif de Nice sous le n° 0900494, à la suite d'une réclamation préalable du 2 décembre 2008, tendait à la réparation de préjudices liés aux sommes susceptibles d'être mises à sa charge par la cour d'appel d'Aix-en-Provence en comblement partiel du passif de l'association CACEL Nice, pour un montant à parfaire de 30 millions d'euros, sur le fondement de différentes fautes commises par la commune dans la reprise juridique, budgétaire et comptable des actifs et du passif de l'association et notamment de la résiliation sans indemnité de contrats en cours et l'émission de titres de recettes les 22 janvier et 17 juin 1993 ; que, d'autre part, la demande formée le 29 juillet 2010 par l'intéressé devant le tribunal administratif de Nice sous le n° 1003061, à la suite d'une nouvelle réclamation préalable adressée à la commune le 5 mai 2010, visait à l'indemnisation de ses divers préjudices pour un montant total à parfaire de 6 671 765,04 euros se répartissant en 4 577 028,53 euros au titre de la somme mise à sa charge par le juge judiciaire dans le cadre de la procédure de comblement du passif de l'association CACEL Nice, 100 000 euros au titre du préjudice moral subi, 1 746 737,04 euros au titre des pertes de revenus professionnels assorties des intérêts moratoires, et 250 000 euros au titre des divers frais engagés dans les procédures judiciaires ; que cette dernière action était fondée sur la responsabilité pour faute de la commune de Nice résultant notamment de l'aggravation délibérée de la situation financière de l'association CACEL Nice, du caractère transparent de celle-ci, de l'émission infondée de titres de recettes, et de l'utilisation constitutive d'une manoeuvre de la procédure de comblement de passif à l'encontre du président de l'association ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus que les deux nouvelles demandes d'indemnisation formées par M. E...devant le tribunal administratif en 2009 et 2010 avaient le même objet que les précédentes demandes déjà présentées par ce dernier contre la commune de Nice et sur lesquelles la Cour de céans a statué par un arrêt devenu définitif du 8 février 2010 ; que le fait qu'il ait lié le contentieux en provoquant de nouvelles décisions de la commune rejetant ses réclamations préalables demeure à cet égard sans influence ; qu'en effet, d'une part, ses nouvelles demandes tendaient à la réparation de chefs de préjudices identiques consistant en premier lieu en la compensation des sommes mises à la charge de l'intéressé par le juge judiciaire à la suite de la liquidation de l'association CACEL Nice, et en second lieu à la réparation de préjudices personnels liés à l'impossibilité d'exercer localement une activité professionnelle, au préjudice moral et aux conséquences sur sa vie familiale, et aux divers frais engagés dans des procédures contentieuses, et, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu par le requérant que de nouvelles circonstances auraient fait évoluer l'un ou l'autre des préjudices invoqués dans sa nature ou dans son ampleur depuis sa précédente action indemnitaire ;

6. Considérant, par ailleurs, que les nouvelles demandes n° 0900494 et n° 1003061 présentées par M. E...devant le tribunal administratif de Nice, fondées ainsi qu'il a été dit ci-dessus sur la responsabilité pour faute de la commune de Nice et sur " l'enrichissement sans cause " de cette dernière, relevaient des mêmes causes juridiques que celles dont ce tribunal avait déjà été saisi et sur lesquelles la Cour de céans a statué par arrêt devenu définitif du 8 février 2010 ; que si le requérant relève à cet égard que sa demande n° 1003061 soulevait pour la première fois le caractère transparent de l'association CACEL Nice et ses conséquences tant sur la validité de la procédure collective conduite à l'égard de l'association que sur l'impossibilité pour la commune de réclamer la contribution de tiers au passif de cette dernière, il ne peut être regardé de ce fait comme invoquant un nouveau fondement de responsabilité de la commune de Nice ; qu'il ne saurait au surplus, et en toute hypothèse, remettre valablement en cause devant le juge administratif le bien-fondé des décisions du juge judiciaire passées en force de chose jugée qui ont successivement déclaré la liquidation judiciaire de l'association CACEL Nice, homologué la transaction intervenue entre la commune de Nice et le mandataire liquidateur et procédé à la répartition de la contribution au comblement du passif de l'association entre la commune de Nice et M. E...à raison des fautes de gestion respectives imputées à l'une et à l'autre ;

7. Considérant, par suite, que c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de fait que les premiers juges ont accueilli l'exception d'autorité de la chose jugée invoquée en défense devant eux, et opposé l'autorité relative de la chose jugée résultant de l'arrêt définitif de la Cour de céans en date du 8 février 2010 aux demandes indemnitaires formées par M. E... contre la commune de Nice ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur le caractère réparable et la réalité des préjudices invoqués, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes n° 0900494 et n° 1003061;

En ce qui concerne l'application par le tribunal administratif des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que la possibilité d'infliger à l'auteur d'une requête une amende pour recours abusif constitue un pouvoir propre du juge ;

10. Considérant que les premiers juges ont prononcé par l'article 6 du jugement contesté une amende totale de 6 000 euros à l'encontre de M.E... en application des dispositions précitées, correspondant au versement respectif d'une somme de 3 000 euros pour chacune des instances n° 0900494 et n° 1003061, n'excédant donc pas le plafond fixé par l'article R. 741-12, ainsi qu'il résulte des motifs du jugement qui ne sont entachés d'aucune contradiction sur ce point ; qu'au cas d'espèce, les nouvelles demandes introduites auprès du tribunal administratif de Nice par M. E...présentaient effectivement un caractère abusif au sens des dispositions précitées ; que le tribunal administratif a, enfin, pu décider de prononcer une telle amende, dans les conditions prévues par le code de justice administrative, sans méconnaître le droit au recours juridictionnel reconnu par les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le requérant n'est pas non plus fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice l'a condamné à payer une amende totale de 6 000 euros à raison des instances n° 0900494 et n° 1003061 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nice qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que demande M. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions susmentionnées, de mettre à la charge de M. E...une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Nice et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : M. E...versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la commune de Nice en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Nice est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude Pastorelli et à la commune de Nice.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juin 2015.

''

''

''

''

10

N° 13MA01984


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award