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29/05/2015 | FRANCE | N°12MA04949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 29 mai 2015, 12MA04949


Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2012 sur télécopie confirmée le 4 janvier 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202177 rendu le 13 juillet 2012 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2012, par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné l'Algérie comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de lui délivrer une autorisat

ion provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de huit jours à compter de l'arrê...

Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2012 sur télécopie confirmée le 4 janvier 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202177 rendu le 13 juillet 2012 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2012, par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné l'Algérie comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 204,84 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas motivé en droit le jugement qui a rejeté sa demande pour irrecevabilité ; il ne s'est pas prononcé sur l'inopposabilité des délais pour manquement aux règles de procédure fixées par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en outre, la demande était recevable au regard des règles gouvernant l'aide juridictionnelle, notamment l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 ;

- il n'a pas été mis en mesure d'avertir un conseil ou son consulat comme l'exige l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ouvre des droits différents de ceux prévus au paragraphe 3 de l'article 13 de la directive du 16 décembre 2008 ; les conditions lui permettant d'avoir accès à un recours effectif n'étant pas remplies, le délai de recours n'a pas couru ;

- la préfecture a cherché à le priver de l'accès au juge ; il aurait dû être placé en rétention ou assigné à résidence ; en tout état de cause, l'absence de mise en oeuvre des garanties procédurales méconnaît les articles 13 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée en ce qui concerne le risque de fuite et l'absence de recours à l'astreinte prévue à l'article 7-3 de la directive précitée ;

- le préfet s'est estimé lié par le prétendu risque de fuite pour ne pas accorder de délai de départ volontaire ;

- l'attitude de l'administration qui, d'une part, refuse d'accorder un délai de départ volontaire et d'autre part, le remet en liberté sans aucun contrôle, prouve l'absence de risque de fuite ; le préfet a commis une erreur d'appréciation sur ce risque de fuite, d'autant plus caractérisée qu'en raison de la brièveté du délai imparti pour former un recours, les droits de la défense sont inutilement restreints ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du 27 novembre 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille, admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 19 janvier 2015 fixant la clôture de l'instruction au 4 février 2015 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 février 2015 à 10 heures 36, présenté par le préfet de l'Hérault, qui conclut au non-lieu à statuer ;

Il fait valoir que :

- la présente cour a annulé, par arrêt n° 11MA00183 du 25 mars 2013, un précédent arrêté du 12 mars 2010 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence dans le délai d'un mois ;

- il a par suite convoqué le requérant afin que celui-ci retire le récépissé qui lui a été délivré valable du 27 mai 2013 au 26 septembre 2013, dans l'attente de la délivrance du certificat de résidence ; qu'après trois convocations infructueuses, une quatrième lui a été envoyée au cabinet de son conseil ;

- en tout état de cause, le récépissé du 27 mai 2013 a nécessairement abrogé l'obligation de quitter le territoire objet de la présente instance ;

Vu l'ordonnance du 6 février 2015 reportant la clôture de l'instruction au 27 février 2015 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2015, présenté pour M.A..., qui conclut au mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Il ajoute que :

- il ne peut y avoir non-lieu à statuer dès lors que l'obligation de quitter le territoire a été exécutée ;

- l'arrêt rendu le 25 mars 2013 par la Cour, qui n'a fait l'objet d'aucun pourvoi, est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; cet arrêt a annulé les décisions contestées au motif qu'elles méconnaissaient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le même motif entraînera l'annulation des décisions en litige dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dans sa rédaction issue du troisième avenant signé le 11 juillet 2001 et publié par le décret nº 2002-1500 du 20 décembre 2002 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 10 avril 2015, le rapport de Mme Busidan ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement rendu le 13 juillet 2012 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté comme tardive sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2012 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le préfet de l'Hérault :

2. Considérant qu'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif ; que si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être contesté dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi ; qu'il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution ; que, dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a délivré à M.A..., postérieurement à l'introduction de sa requête, un récépissé de demande de titre de séjour, valable du 27 mai 2013 au 26 septembre 2013, dans l'attente de la délivrance du certificat de résidence que la présente Cour lui a enjoint de délivrer à l'intéressé par l'arrêt rendu le 25 mars 2013 dans l'instance n° 11MA00183 ; que si, en délivrant à M. A...un tel récépissé, le préfet a implicitement mais nécessairement abrogé l'arrêté en litige du 5 janvier 2012 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et si cette abrogation est devenue définitive, il ressort également des pièces du dossier qu'en exécution de l'arrêté en litige, M. A...a été reconduit en Algérie le 8 octobre 2012 ; que, par suite, conformément aux principes rappelés ci-dessus, les conclusions du préfet de l'Hérault tendant à ce qu'un non-lieu à statuer soit prononcé dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la régularité du jugement :

4. Considérant qu'en réponse au moyen relevé d'office tiré de la tardiveté de la demande de M.A..., ce dernier a fait valoir, par mémoire enregistré le 3 juillet 2012 au greffe du tribunal, que le préfet n'avait pas respecté les garanties procédurales prévues par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel dispose que : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. " ; que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs à la régularité du jugement, celui-ci doit être annulé comme rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier par M. A...;

Sur la recevabilité de la demande :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I. / Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. (...) " ;

7. Considérant que, pour soutenir que sa demande n'était pas tardive, M. A...fait valoir, ainsi qu'il vient d'être dit, que le préfet n'avait pas respecté les garanties procédurales prévues par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, cependant, la garantie prévue par ces dispositions n'a vocation à s'appliquer que si l'étranger auquel est notifiée une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, est également mis en rétention, dès lors qu'en dépit de la brièveté du délai laissé à l'étranger faisant l'objet d'une telle obligation pour la contester, la circonstance qu'il n'est pas placé en rétention le met en mesure d'avertir rapidement un conseil, son consulat ou une personne de son choix ; que le choix par l'administration d'une telle procédure ne constitue pas un détournement de procédure caractérisant une volonté de l'administration de priver le requérant de son accès au juge et ne méconnaît pas les articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent respectivement le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à un recours effectif ;

8. Considérant qu'il est constant que M. A...n'a fait l'objet d'aucune mesure de placement en rétention ; que l'arrêté du préfet de l'Hérault faisant obligation à M. A...de quitter sans délai le territoire français, lui a été notifié le 5 janvier 2012 à 15 heures 45, et mentionne les voies et délais de recours pour contester cette décision, ainsi que la possibilité de demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de la requête en annulation et précise que l'intéressé a procédé par lui-même à la lecture de l'arrêté qui lui était ainsi notifié ; que, dans ces conditions, alors que la demande d'aide juridictionnelle a été déposée le 13 janvier 2012, postérieurement au délai de recours contentieux contre l'obligation de quitter le territoire en litige et qu'elle n'a ainsi pu le proroger, la demande d'annulation de l'arrêté en litige était tardive lors de son enregistrement, le 11 mai 2012, au greffe du tribunal administratif de Montpellier ; que, par suite, la demande de M. A...ne peut qu'être rejetée ; que, par voie de conséquence, les conclusions accessoires de M. A...tendant à l'application, au bénéfice de son conseil, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, et celles tendant à ce qu'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler lui soit délivrée, doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

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N° 12MA04949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04949
Date de la décision : 29/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-05-29;12ma04949 ?
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