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21/04/2015 | FRANCE | N°13MA00456

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 21 avril 2015, 13MA00456


Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 13MA00456, présentée pour M. et Mme C...B...demeurant ... par MeE...,;

Ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003941 du 3 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles la commune de Salon-de-Provence et l'Etat ont rejeté leur demandes d'indemnisation et d'autre part, à la condamnation en conséquence de la commune de Salon

-de-Provence et de l'Etat à leur verser la somme de 29 430,52 euros au tit...

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 13MA00456, présentée pour M. et Mme C...B...demeurant ... par MeE...,;

Ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003941 du 3 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles la commune de Salon-de-Provence et l'Etat ont rejeté leur demandes d'indemnisation et d'autre part, à la condamnation en conséquence de la commune de Salon-de-Provence et de l'Etat à leur verser la somme de 29 430,52 euros au titre de la perte de la valeur vénale, celle de 38 535,78 euros au titre de la perte de loyers, celle de 3 686,24 euros au titre des frais exposés, celle de 10 000 euros au titre du préjudice moral, soit la somme totale de 81 652,54 euros, sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Salon-de-Provence de réaliser les travaux de sécurisation de la voie communale dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) statuant de nouveau, d'annuler les décisions contestées et de condamner la commune de Salon-de-Provence et l'Etat à leur verser la somme de 60 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de leur bien, de 55 950 euros au titre des pertes de loyer, de 7 379 euros au titre des divers frais exposés, et de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral, soit une somme totale de 133 329 euros sauf à parfaire, et de prononcer les injonctions précitées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Salon-de-Provence conjointement une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens de l'instance ;

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2015 :

- le rapport de Mme Gougot, première conseillère ;

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour M. et Mme B...et de Me D...pour la commune de Salon-de-Provence ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 23 mars 2015, présentée pour les épouxB..., par Me E...;

1. Considérant que M. et Mme B...sont propriétaires d'une parcelle de terrain cadastrée section AR n° 14 supportant une maison individuelle, sise lieu-dit " Les Magatis ", sur le territoire de la commune de Salon-de-Provence ; que, par un arrêté en date du 12 février 2007, le maire de cette commune a délivré un permis de construire aux épouxF..., pour la construction d'une maison avec garage sur la parcelle cadastrée section AR n° 15 située au voisinage immédiat de leur propriété ; qu'en son article 9, ce permis prescrit la réalisation à la charge des pétitionnaires d'un mur de soutènement sur l'ensemble des terres et ouvrages de la limite Est de la parcelle ; que les époux B...font valoir que les travaux ainsi prescrits n'ont pas été réalisés par les épouxF..., qui ont en outre procédé au décaissement des terres du talus surplombant leur propriété et supportant la voie du chemin de la tour de Nesle, rendant ainsi l'accès à la parcelle dont ils sont eux-mêmes propriétaire particulièrement dangereux ; que, le 22 mai 2008, les requérants ont conclu avec la société civile de construction vente (SCCV) " Provence constructions " un compromis de vente de leur propriété, avec une condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire pour de la réalisation d'un immeuble de quatre logements après démolition de la construction existante ; que, toutefois, ce permis a été refusé par arrêté du maire de la commune de Salon-de-Provence en date du 21 juillet 2008 au motif de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ; que, par un courrier en date du 10 mars 2010, les époux B...ont alors adressé à la commune de Salon-de-Provence et au préfet des Bouches-du-Rhône une demande préalable pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices résultant selon eux de la dangerosité de l'accès à leur parcelle qu'ils présentent comme la conséquence de la délivrance du permis de construire du 12 février 2007 aux époux F...;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4 , du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. " ; qu'il ne ressort des pièces du dossier que les époux B...aient été convoqués à l'audience du 8 novembre 2012 dans les conditions prévues par les dispositions sus-rappelées du code de justice administrative, ni qu'ils ont été présents ou représentés à l'audience ; qu'ils sont, par suite, fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation en tant qu'il a rejeté leurs conclusions ; qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et se prononcer sur les demandes indemnitaires présentées par les requérants ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Salon-de-Provence ;

3. Considérant que les époux B...demandent sur le fondement de la responsabilité sans faute pour dommage permanent de travaux publics la condamnation de la commune de Salon-de-Provence à réparer le dommage anormal que leur causerait selon eux l'état du chemin de la tour de Nesle, voie communale permettant d'accéder à leur propriété, à raison de sa dangerosité ; qu'ils soutiennent également, d'une part, que la responsabilité pour faute de la commune est susceptible d'être engagée en raison de la carence fautive du maire de Salon-de-Provence, qui n'a pris aucune mesure pour sécuriser l'accès à leur propriété, dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative générale et, d'autre part, que la responsabilité pour faute de l'Etat est également engagée en raison, en premier lieu, de la carence du maire à dresser un procès-verbal d'infraction en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme pour constater que les époux F...n'ont pas réalisé le mur de soutènement prescrit par le permis de construire qui leur a été délivré en 2007, et, en deuxième lieu, de la carence du maire à dresser un procès-verbal d'infraction en application de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière pour constater l'atteinte portée à la conservation du domaine public routier ;

4. Considérant toutefois que les époux B...ne démontrent pas la réalité de la perte de valeur vénale de leur propriété qu'ils estiment à la somme de 60 000 euros, correspondant au différentiel entre le prix de vente de leur bien figurant au compromis de vente signé avec la SCCV " Provence constructions " le 22 mai 2008, non finalisé à la suite du refus de permis de construire opposé par le maire le 21 juillet 2008, ainsi qu'il a été dit au point 1, et l'estimation de la valeur de leur propriété réalisée par une seule agence immobilière, le 16 juin 2012 ; qu'en tout état de cause, à supposer même la réalité d'un tel préjudice établie, les époux B...ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre un tel préjudice et le fondement de responsabilité sans faute invoqués ainsi que les fautes qu'ils imputent au maire, alors que d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la voie d'accès à leur propriété ait été réduite ou son usage rendu plus difficile du fait des conditions de la mise en oeuvre par les époux F...du permis de construire précité de 2007, et que d'autre part, le refus de permis de construire opposé le 21 juillet 2008 à la SCCV est fondé notamment sur les caractéristiques inadaptées d'ensemble de la voie d'accès, compte tenu tant de son étroitesse que de sa déclivité, mais aussi de l'importance dans ces conditions du projet qui portait sur la réalisation de quatre constructions, et non sur la seule dimension de la voie d'accès mesurée au droit de la parcelle de M. F...; qu'en outre, si les époux B...soutiennent rencontrer des difficultés pour vendre leur bien, ils ne le démontrent pas en se bornant à se prévaloir de cinq mandats de vente accordés à des agences immobilières pour un montant de 320 000 euros, nettement supérieur à celui figurant dans le compromis de vente précité ;

5. Considérant par ailleurs que les époux B...ne démontrent pas avoir sérieusement entrepris de démarches afin de louer leur bien ; qu'ils n'établissent pas s'être trouvés dans l'impossibilité de louer leur maison d'habitation du seul fait de la dangerosité alléguée de l'accès à leur parcelle résultant des travaux réalisés par les époux F...; qu'ils ne sont par suite pas fondés à demander réparation d'un préjudice correspondant à une perte de loyers ;

6. Considérant que les époux B...ne sont pas davantage fondés à demander réparation des préjudices tirés des frais annexes qu'ils ont supportés en vain, tels que le coût des abonnements pour la desserte en eau et électricité, le paiement d'impôts fonciers et de taxes d'enlèvement des ordures ménagères ainsi que les frais d'assurance, qui ne sont pas en lien direct avec les fautes ou fondements de responsabilité invoqués, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, ils n'établissent pas s'être trouvés dans l'impossibilité de louer ou de vendre leur bien en raison de la prétendue dangerosité de l'accès à leur propriété résultant des travaux réalisés par les épouxF..., dangerosité à laquelle le maire n'aurait pas à tort remédié ;

7. Considérant enfin que compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 6, il n'est pas établi que le préjudice moral dont se prévalent les époux B...et qu'ils imputent aux démarches qu'ils ont dû multiplier pour la vente et la location de leur bien, soit en lien direct et certain avec l'état, qualifié de dangereux, de l'accès à leur parcelle et qui résulterait de la délivrance aux époux F...d'un permis de construire en date du 12 février 2007 et de la carence du maire à y remédier dans l'exercice, tant de son pouvoir de police administrative générale, que dans l'exercice de son pouvoir de police spéciale de l'urbanisme et de son pouvoir de police de la conservation du domaine public routier ;

8. Considérant qu'il résulte ce qui précède que les époux B...ne démontrent pas l'existence de préjudices en lien avec les fautes dont il se prévalent ; qu'ils ne démontrent pas davantage l'existence d'un préjudice anormal susceptible d'être indemnisé dans le cadre de la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de la commune de Salon-de-Provence du fait d'un dommage permanent lié à l'état d'un ouvrage public ;

9. Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin d'organiser un transport sur les lieux comme ils le demandent, les conclusions indemnitaires des époux B...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions en injonction :

10. Considérant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge administratif d'ordonner à titre principal des injonctions aux autorités administratives en dehors des hypothèses prévues par la loi, notamment les articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; qu'à cet égard, le juge administratif, s'il peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision administrative ou à la condamnation du maître de l'ouvrage à réparer les dommages résultant en particulier du fonctionnement ou du défaut de conception de ce dernier, n'a pas le pouvoir d'enjoindre à une collectivité publique de réaliser des travaux ;

11. Considérant que M. et Mme B...demandent à la Cour d'enjoindre à la commune de Salon-de-Provence de réaliser les travaux de sécurisation de la voie communale dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; qu'ils ne sont pas fondés à soutenir qu'une telle injonction entre dans les prévisions des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle serait comme ils le soutiennent la conséquence nécessaire de l'annulation de la décision de rejet de leur demande préalable en date du 10 mars 2010 adressée à la commune de Salon-de-Provence, alors qu'il résulte des termes mêmes de cette dernière qu'elle ne portait que sur l'indemnisation de leurs préjudices et non sur une demande explicite tendant à la réalisation de tels travaux de sécurisation ; que, dès lors, les conclusions susvisées, qui ont été présentées à titre principal, sont irrecevables et ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions des époux B...dirigées contre l'Etat et la commune de Salon-de-Provence qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de parties perdantes ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux B...la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Salon-de-Provence en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1003941 du 3 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif et le surplus des conclusions de la requête des époux B...sont rejetés.

Article 3 : Les époux B...verseront à la commune de Salon-de-Provence la somme de 2 000 (deux mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B..., à la commune de Salon-de-Provence et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00456
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68 Urbanisme et aménagement du territoire.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP BAUDUCCO - PULVIRENTI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-21;13ma00456 ?
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