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02/04/2015 | FRANCE | N°14MA03647

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 02 avril 2015, 14MA03647


Vu la décision n° 369687 du 30 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société par actions simplifiée dénommée société d'exploitation de molécules originales (Sexmoor), a annulé l'arrêt n° 10MA00299 du 26 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé l'affaire pour statuer sur la requête de l'intéressée tendant à l'annulation du jugement n° 0803005 en date du 19 novembre 2009 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplé

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Vu la décision n° 369687 du 30 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société par actions simplifiée dénommée société d'exploitation de molécules originales (Sexmoor), a annulé l'arrêt n° 10MA00299 du 26 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé l'affaire pour statuer sur la requête de l'intéressée tendant à l'annulation du jugement n° 0803005 en date du 19 novembre 2009 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ;

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, présentée pour la SAS Sexmoor, dont le siège social est à Saint-Rémy de Provence (13210), par la SEL J.Y. Guillosson et associés ;

La SAS Sexmoor demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803005 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et en 2003, ainsi que des pénalités correspondantes, et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui fournir la copie du dossier de demande d'assistance auprès des autorités néerlandaises ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :

- le rapport de Mme Markarian, premier conseiller,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de Me A...de la société d'avocats ALTIJ pour la SAS Sexmoor ;

1. Considérant que la société par actions simplifiée dénommée société d'exploitation de molécules originales (Sexmoor), qui exerce en France une activité de recherche et de développement en sciences physiques et naturelles en vue de fabriquer des molécules destinées à la commercialisation de médicaments vétérinaires, a fait l'objet, du 17 janvier 2005 au 4 juillet 2005, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification en date du 22 juillet 2005, remis en cause la déduction dans les charges de l'entreprise des redevances versées à la société néerlandaise Bepro BV, estimant que les sommes ainsi versées l'avaient été sans contrepartie ; que le service a, en conséquence, réintégré ces sommes dans les résultats des exercices 2002 et 2003 de la société Sexmoor ; que la société Sexmoor demande à la Cour d'annuler le jugement du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

3. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

4. Considérant que la société Sexmoor a versé à la société néerlandaise Bepro BV, au titre des années en cause, des redevances à hauteur de 22 % de son chiffre d'affaires en rémunération d'un contrat de savoir-faire pour la production du produit ARA conformément à des factures régulières ; que toutefois l'administration, qui ne remet pas en cause la régularité des factures ni leur paiement effectif par la requérante, soutient que ces charges ainsi facturées ne correspondent à aucune contrepartie effective pour cette société, dans la mesure où la société Bepro BV n'était propriétaire d'aucun brevet ou procédé de fabrication susceptible d'être exploité ou utilisé par la société Sexmoor ; que si ce savoir-faire a été mis à la disposition de la société Sexmoor dès 1973 par M.B..., son inventeur, lequel a déposé ses brevets à l'INPI le 23 juillet 1993, ce dernier a, par lettre du 1er janvier 2000, informé la société Sexmoor qu'il cédait l'exploitation de son brevet ; que M. B...n'était plus à compter de l'année 2000 titulaire du savoir faire qui avait été transféré à la société portoricaine Corporacion Tacoma, qui a concédé une licence d'exploitation à la société néerlandaise Bepro BV, qui a elle-même sous-concédé une licence à la société Sexmoor ; que par le contrat de licence conclu le 5 avril 2001, prenant effet au 1er janvier 2001, la société Bepro BV, qui est une entreprise en gestion de licences pour des tiers, a ainsi attribué une licence de savoir-faire technique habilitant la société Sexmoor à produire le produit ARA ; qu'ainsi, et alors même que M. B...est resté titulaire de ses brevets et continue à s'acquitter des droits auprès de l'INPI, la société Sexmoor est quant à elle concessionnaire du droit exclusif d'exploiter ce brevet en mettant au point une spécialité qu'elle commercialise et avec laquelle elle soutient réaliser plus de 95 % de son chiffre d'affaires ; que pour démontrer l'existence de contrepartie au versement des redevances en cause, la société Sexmoor fait également état, en appel, du jugement du 10 septembre 2014 du tribunal de La Haye, devant lequel la société Bepro BV a assigné la société Sexmoor en paiement des redevances en cause ; que ce jugement, au demeurant définitif selon la société requérante, et qui produit ses effets en France indépendamment de toute procédure d'exequatur, condamne précisément la société Sexmoor au versement des sommes en cause en exécution du contrat la liant à la société Bepro BV ; qu'en outre, et si l'administration faisait valoir devant les premiers juges que la société Bepro BV ne saurait être regardée comme propriétaire de ce savoir faire justifiant le versement des redevances en cause dès lors que ce savoir faire n'a fait l'objet d'aucune inscription à l'actif de son bilan, les redevances versées pour la concession d'une licence d'exploitation d'un brevet ou d'une formule sont toutefois admises en déduction du bénéfice imposable sauf si elles représentent le prix d'acquisition d'un élément d'actif ; que seuls les droits qui constituent une source régulière de profit, sont dotés d'une pérennité suffisante et sont susceptibles de faire l'objet d'une cession doivent suivre le régime des éléments incorporels de l'actif immobilisé ; qu'en l'espèce, la société Sexmoor soutient, sans être contredite, que ce droit d'exploitation ne constitue pas une source régulière de profit dotée d'une pérennité suffisante et n'avait pas à figurer à l'actif du bilan de la société Bepro BV ; qu'ainsi, au vu des documents produits à l'instance, notamment les contrats de licence du 1er juin 1973, du 15 janvier 1995 et du 2 janvier 2000, le courrier de M. B...du 1er décembre 2000 informant la société requérante du transfert du droit d'exploitation, le jugement du tribunal de La Haye du 10 septembre 2014 et les éléments produits dans le cadre des demandes d'assistance administrative mutuelle internationale, la société Sexmoor justifie de la contrepartie des redevances versées à la société Bepro BV qu'elle a déduites de ses charges au titre des exercices 2002 et 2003 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est dès lors à tort que le montant des redevances versées en 2002 et 2003 par la société Sexmoor à la société Bepro BV a été rapporté aux résultats imposables des exercices correspondants ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que la société Sexmoor est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

7. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titres des frais exposés par la société Sexmoor et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0803005 du 19 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : La société Sexmoor est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la société Sexmoor au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sexmoor et au ministre des finances et des comptes publics.

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