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26/04/2013 | FRANCE | N°10MA00299

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 26 avril 2013, 10MA00299


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, présentée pour la SAS SEXMOOR, dont le siège se situe à Saint Rémy de Provence (13210), par la SEL JY Guillosson et associés ;

La SAS SEXMOOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803005 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et en 2003 ainsi que des pénalit

s correspondantes et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui fournir la ...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, présentée pour la SAS SEXMOOR, dont le siège se situe à Saint Rémy de Provence (13210), par la SEL JY Guillosson et associés ;

La SAS SEXMOOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803005 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et en 2003 ainsi que des pénalités correspondantes et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui fournir la copie du dossier de demande d'assistance auprès des autorités néerlandaises ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2013 :

- le rapport de M. Lemaitre, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

1. Considérant que la Société d'exploitation de molécules originales, dénommée SAS SEXMOOR, qui a pour activité la recherche et le développement en sciences physiques et naturelles portant sur la fabrication de molécules destinées à commercialiser des médicaments pour animaux, relève appel du jugement du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et en 2003 ainsi que des pénalités correspondantes, à raison de redevances regardées comme non déductibles de ses résultats imposables ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, dans ce dernier cas, la demande du contribuable peut porter sur tout document utilisé par l'administration pour établir les impositions et notamment sur ceux dont elle s'est prévalue au cours de la procédure de rectification, y compris dans la réponse aux observations du contribuable ;

3. Considérant que pour contester la régularité de la procédure d'imposition, la SAS SEXMOOR fait valoir que l'administration a omis de lui communiquer, avant la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, bien qu'elle en ait formulé la demande, les informations qu'elle avait recueillies auprès des autorités néerlandaises le 3 février 2006 ; qu'elle estime que la commission n'a pas été mise en mesure d'examiner les informations ainsi recueillies qui constituent des renseignements dont l'administration s'est prévalue au cours de la procédure d'imposition ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour opposer à la société requérante le fait que la société de droit néerlandais BEPRO BV n'est pas réellement titulaire du brevet pour l'utilisation duquel la société requérante a payé et déduit des charges de ses résultats imposables, l'administration déclare, dans la proposition de rectification du 22 juillet 2005, se référer notamment aux " renseignements fournis par les autorités hollandaises " selon lesquels l'actif de la société BEPRO BV est composé essentiellement de créances, et accessoirement de trésorerie, et constater que la valeur patrimoniale du brevet fait défaut alors qu'elle aurait dû y être comptabilisée au prix de revient ; que l'administration verse aux débats un bulletin de recoupement émanant de la direction nationale d'enquêtes fiscales daté du 23 mars 2005, produisant la copie d'un résumé du bilan de la société BEPRO BV tiré par ce service d'une interrogation du serveur télématique EURODUN le 22 mars 2005, faisant ressortir l'absence d'inscription de tout actif immobilisé au bilan de la société de droit néerlandais ; que l'absence d'inscription d'actif ressort ainsi de l'exploitation interne d'informations de source néerlandaise, dont l'administration disposait par consultation de ce serveur télématique sans avoir à formuler préalablement de demande d'assistance administrative auprès des autorités néerlandaises ; que cette même information ressort également d'une lettre du 3 février 2006 de ces dernières autorités, reçue le 8 février 2006 en réponse à une demande d'assistance administrative du 22 juin 2005, faisant état de l'absence de valeur d'acquisition portée au bilan de la société BEPRO BV, dont la société requérante a eu communication par lettre du 16 février 2006 ; que même si l'administration n'a pas expressément indiqué à la société requérante, dans la proposition de rectification datée du 22 juillet 2005 et dans la réponse qu'elle a faite le 23 novembre 2005 à ses observations, que l'information alors détenue était celle transmise par la direction nationale des enquêtes fiscales tirée du serveur télématique EURODUN, l'administration a mentionné la teneur et l'origine des informations qui fondent la rectification ; que contrairement à ce qu'ont énoncé les premiers juges, les pièces s'y rapportant ont été communiquées par lettres des 16 février et 20 juin 2006, que la société requérante verse elle-même aux débats, avant la mise en recouvrement qui est intervenue le 7 février 2007 ; qu'ainsi la copie de la consultation du serveur télématique EURODUN a été transmise à la société requérante le 16 février 2006 ; que celle-ci, qui la produit à nouveau en annexe de ses dernières écritures, en pièce 3, précise au surplus qu'elle a été annexée au rapport de l'administration devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que de même, les pièces se rapportant à l'autre motif de rectification tiré des informations recueillies auprès de l'institut national de la propriété industrielle, INPI, selon lesquelles aucun brevet n'est inscrit au nom de la société BEPRO BV, ont donné lieu à une communication également par courrier du 16 février 2006 ; qu'enfin la société requérante verse aux débats l'intégralité du rapport soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires assorti de nombreuses pièces se rapportant aux éléments pris en compte par l'administration, et ne saurait par ailleurs soutenir que cette commission n'aurait pas été mise en mesure, lors de sa séance du 5 octobre 2006, d'examiner les informations recueillies par l'administration ; qu'il résulte de l'ensemble des circonstances de fait exposées ci-dessus que la société requérante n'a été privée d'aucune garantie de procédure en ce qui concerne l'origine et la teneur des informations fondant les rectifications litigieuses ;

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

6. Considérant qu'en vertu de ces principes, et comme l'ont rappelé les premiers juges, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

7. Considérant que la société requérante a comptabilisé des charges d'un montant de 238 176 euros et de 290 228 euros, au titre respectivement des exercices clos en 2002 et 2003, à raison de redevances qu'elle a versées à la société de droit néerlandais BEPRO BV en rémunération d'un contrat de licence exclusive concernant l'utilisation d'un savoir-faire de fabrication ; que ce savoir-faire, qui consiste à assembler entre elles des molécules de manière originale et selon un processus particulier entrant dans la composition de substances médicamenteuses, après avoir été mis à la disposition de la SAS SEXMOOR depuis le 1er juin 1973, a fait l'objet de deux brevets d'application qui ont été déposés à l'INPI le 23 juillet 1993 par M. Doutreleau ; que par une lettre du 1er avril 2000, ce dernier a informé la société requérante de son intention de céder ce savoir-faire à une société, dont il n'a toutefois pas précisé le nom dans ce courrier ; que pour justifier des paiements qu'elle a effectués, la société requérante se prévaut du contrat sous seing privé qu'elle a signé le 5 avril 2001 avec la société BEPRO BV, et prenant effet au 1er janvier 2001, rédigé en langue anglaise, qu'elle verse aux débats d'ailleurs sans traduction ; que l'article 7 a de ce contrat prévoit le versement d'une redevance représentant 22 % du chiffre d'affaires lorsque ce dernier n'excède pas 1 524 500 euros ; que toutefois, l'administration fiscale lui a opposé le fait que la société BEPRO BV n'était pas propriétaire du savoir-faire litigieux dès lors que, selon l'INPI, aucun brevet n'était inscrit à son nom ; que pour la première fois, en appel, la société requérante soutient que la société BEPRO BV ne serait pas la propriétaire du savoir-faire litigieux qui appartiendrait à la société Tacoma, laquelle ferait gérer son droit par la société BEPRO BV, et fait valoir qu'il ne peut lui être reproché d'avoir contracté avec cette société " qui s'est présentée à la suite de la lettre de M. Doutreleau comme ayant tous les pouvoirs à cet effet " ; qu'il ne ressort toutefois pas du contrat du 5 avril 2001 que la société BEPRO BV, qui se présente dans ce contrat comme le " licensor " ou concédant, agisse au nom et pour le compte de la société Tacoma, pas plus que le savoir-faire ainsi concédé n'est identifié par une référence à un brevet ou un quelconque document en établissant l'existence ; que si la société requérante soutient que ses règlements sont reversés à la société Tacoma, le journal des écritures portant sur le compte 57 " caisse " de la société BEPRO BV qui est versé aux débats, ne permet pas d'établir l'objet du paiement de la SAS SEXMOOR à la société BEPRO BV, pas plus que celui de cette dernière société à la société Tacoma ; que par suite, la production de ces comptes ne démontre pas que ces paiements auraient pour objet le règlement, par la SAS SEXMOOR, d'un droit d'utilisation du savoir-faire litigieux à la société Tacoma ; que la société requérante n'établit l'existence d'aucun lien contractuel entre la société Tacoma et la société BEPRO BV pour la gestion et l'exploitation du savoir-faire litigieux ; qu'au demeurant, l'administration produit, en sens contraire, une " note de débit " du 30 juillet 2002 du cabinet Lavoix qui a payé, à hauteur de 242, 64 euros pour le compte de M. Doutreleau, qui réside aux Pays-Bas, l'annuité requise pour la protection du brevet qu'il a déposé le 23 juillet 1993, assortie de la copie du chèque de l'intéressé ; que ce fait confirme que ce dernier demeurait le propriétaire du droit intellectuel s'attachant au savoir-faire litigieux, pour lequel l'INPI a par ailleurs précisé qu'il n'avait fait l'objet d'aucune inscription de transfert technique international ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS SEXMOOR n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la correction de l'inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, des charges se rapportant à la rémunération d'un savoir-faire qu'elle a versée en 2002 et en 2003 à la société BEPRO BV et dont elle serait redevable envers la société Tacoma, en application de la législation protégeant la propriété intellectuelle ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre l'administration de lui fournir la copie du dossier de demande d'assistance auprès des autorités néerlandaises, que la société requérante a d'ailleurs elle-même produit devant la Cour, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SAS SEXMOOR et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SEXMOOR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SEXMOOR et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

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N°10MA00299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00299
Date de la décision : 26/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. LEMAITRE
Rapporteur ?: M. Dominique LEMAITRE
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SEL JY GUILLOSSON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-04-26;10ma00299 ?
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