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30/01/2015 | FRANCE | N°13MA00292

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 30 janvier 2015, 13MA00292


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 13MA00292, présentée pour M. et Mme A...demeurant..., par MeB... ;

Les époux A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001403 du 20 novembre 2012 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré irrémédiable l'insalubrité de l'immeuble leur appartenant sis " Hameau du Clars " à Escragnolles et a prononcé son interdiction

à l'habitation et à toute utilisation ;

2°) d'annuler, par voie de conséquence...

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 13MA00292, présentée pour M. et Mme A...demeurant..., par MeB... ;

Les époux A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001403 du 20 novembre 2012 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré irrémédiable l'insalubrité de l'immeuble leur appartenant sis " Hameau du Clars " à Escragnolles et a prononcé son interdiction à l'habitation et à toute utilisation ;

2°) d'annuler, par voie de conséquence, l'arrêté susvisé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique :

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2015 :

- le rapport de M. Pecchioli, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

1. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes a, par arrêté du 2 novembre 2009, ordonné l'évacuation et le relogement des locataires de la maison appartenant à M. et Mme A... sise " Hameau du Clars " à Escragnolles, interdit l'accès au 2ème étage et prescrit des mesures conservatoires consistant dans le murage des accès et la coupure de l'électricité dans un délai de 48 heures ; que par un second arrêté du 26 janvier 2010, le préfet a déclaré irrémédiable l'insalubrité de cet immeuble et a prononcé son interdiction à l'habitation et à toute utilisation ; que les époux A...relèvent appel du jugement n° 1001403 du 20 novembre 2012 rendu par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 26 janvier 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1331-25 du code de la santé publique : " A l'intérieur d'un périmètre de sécurité qu'il définit, le préfet peut déclarer l'insalubrité des locaux et installations utilisés à des fins d'habitation, mais impropre à cet objet pour des raisons d'hygiènes, de salubrité ou de sécurité./ L'arrêté du préfet est pris après l'avis de la commission compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques à laquelle le maire ou le cas échéant le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat est invité à présenter ses observations et après délibération du conseil municipal ou le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public. Cet arrêté vaut interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les locaux et installations qu'il désigne (...) " ;

3. Considérant que si les époux A...soutiennent que la procédure est irrégulière dès lors que la mairie d'Escragnolles a agi sans justifier de la moindre décision du conseil municipal en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1331-25 du code de la santé publique, il ressort de l'instruction que le préfet a agi dans le cadre des dispositions différentes des articles L. 1331-26, L. 1331-26-1 et L. 1331-28 du code de la santé publique relatifs au traitement d'urgence de situations d'insalubrité présentant un danger ponctuel imminent et non pas en vertu des dispositions susmentionnées ; que le moyen invoqué est donc inopérant à l'encontre de l'arrêté contesté du 26 janvier 2010 ; que ce moyen doit donc être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à l'espèce " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, attenant ou non à la voie publique, constitue soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi par un rapport motivé du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou de son représentant, le directeur du service municipal chargé de l'hygiène de l'habitation concluant à l'insalubrité de tout ou partie de l'habitation, invite dans le mois le conseil départemental d'hygiène ou la commission des logements insalubres à Paris, à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; 2° Sur les mesures propres à y remédier. " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-26-1 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce " Lorsque le rapport prévu par l'article L. 1331-26 fait apparaître un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le préfet met en demeure le propriétaire, ou l'exploitant s'il s'agit de locaux d'hébergement, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. Si l'exécution des mesures prescrites par cette mise en demeure rend les locaux temporairement inhabitables, les dispositions des articles L. 521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation sont applicables. Le préfet procède au constat des mesures prises en exécution de la mise en demeure. Si les mesures prescrites n'ont pas été exécutées dans le délai imparti, le préfet procède à leur exécution d'office. Si le propriétaire ou l'exploitant, en sus des mesures lui ayant été prescrites pour mettre fin au danger imminent, a réalisé des travaux permettant de mettre fin à toute insalubrité, le préfet en prend acte. " qu'aux termes de l'article L. 1331-27 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce " Les propriétaires, usufruitiers, usagers et occupants sont avisés, en temps utile, à la diligence du représentant de l'Etat dans le département, de la réunion du conseil départemental d'hygiène ou de la commission compétente en tenant lieu et ils produisent leurs observations. Ils doivent, s'ils en font la demande, être entendus par le conseil départemental d'hygiène ou la commission en tenant lieu, en personne ou par mandataire, et ils sont appelés aux visites et constatations des lieux. En cas d'avis contraire aux conclusions du rapport du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou de son représentant, cet avis est transmis au ministre chargé de la santé, qui saisit le Conseil supérieur d'hygiène publique de France. " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 1331-28 du même code dans sa rédaction en vigueur : " Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble (...) " ; que le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, que les dispositions de l'article L. 1331-27 précité du code de la santé publique garantissent l'information du propriétaire quant à la poursuite de la procédure relative à la déclaration d'insalubrité de l'immeuble et lui offrent la faculté d'être entendu à l'occasion des différentes étapes de celle-ci ; qu'il s'ensuit que si les intéressés ne doivent pas être nécessairement convoqués pour la visite des lieux, une procédure contradictoire doit, en revanche, être mise en place dans le cadre de la procédure d'urgence de l'article L. 1331-26-1 du même code à la suite de la mise en demeure ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors d'une visite effectuée le 10 septembre 2009 l'agent du service santé-environnement de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) a constaté que le logement situé Hameau de Clans quartier du Clars à Escragnolles était affecté de divers désordres présentant un danger imminent pour la sécurité de ses occupants ; qu'à la suite du dépôt du rapport établi après cette visite, le préfet des Alpes-Maritimes a, en application des dispositions de l'article L. 1331-26-1 précité du code de la santé publique, pris différentes mesures dont l'évacuation et le relogement des occupants de manière à faire cesser le danger ; que M. et Mme A...soutiennent, sans être contestés, qu'ils n'ont jamais été convoqués à la visite des lieux, ayant même été expressément exclus de toute participation à la visite, en violation des dispositions de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique, qui posent selon eux le principe d'une visite contradictoire ;

6. Considérant toutefois que ni cette disposition, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni même aucun principe ne fait obligation à l'administration de procéder à une visite ou à une constatation des lieux au contradictoire du propriétaire préalablement à la rédaction du rapport sur lequel le préfet s'est appuyé pour prendre une mesure fondée sur l'existence d'un danger imminent en application des dispositions de l'article L. 1331-26-1 précité, le principe de la contradiction posé par l'article L. 1331-27 du code de la santé publique faisant seulement obligation d'informer et d'entendre, le cas échéant, les propriétaires intéressés consécutivement à la décision de mise en demeure ; qu'en l'espèce, il est constant, d'une part, que M. et Mme A...ont été informés au cours de la visite de l'administration que la procédure prévue aux articles L. 1331-26 et suivants du code de la santé publique avait été déclenchée ; qu'ils ont également été informés que le rapport présenté au conseil départemental compétent en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques était tenu à leur disposition et qu'ils pouvaient demander à être entendus personnellement ou se faire représenter devant cet organisme ; que par ailleurs il résulte de la lecture du compte-rendu de la réunion de ce conseil du 11 décembre 2009 que M. A...a été effectivement entendu à sa demande ; qu'enfin il n'est pas établi par les époux A...qu'une autre visite ait eu lieu postérieurement à celle du 10 septembre 2009 ; que par suite, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris après une procédure irrégulière n'est pas fondé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que les époux A...persistent à faire valoir que l'ensemble de la procédure concerne une parcelle erronée, l'arrêté litigieux localisant à tort l'immeuble concerné sur une parcelle cadastrée A 56 alors que le logement en litige est construit sur les parcelles cadastrées A 52, A 53 et A 54 ; que toutefois M. et Mme A...ne contestent pas utilement l'erreur de plume relevée, au demeurant à juste titre, par le Tribunal ; que d'ailleurs il ressort clairement des pièces du dossier que la référence erronée au numéro de parcelle section A 56, provenant d'une erreur contenue dans le rapport rédigé par l'agent de la DDASS, aux lieu et place des parcelles A 52, A 53 et A54 sur lesquelles sont implantées le logement en cause résulte d'une simple erreur matérielle, aisément rectifiable ; qu'en effet, l'arrêté litigieux porte également la mention précise des propriétaires, de l'adresse " les occupants du logement sis Hameau de Clans quartier du Clars à Escragnolles " alors même que la parcelle A56 mentionnée à tort ne supporte, comme le souligne d'ailleurs les épouxA..., qu'un bassin, et vise le rapport de l'agent de la DDASS lequel comporte des photographies de l'immeuble ; qu'ainsi, en l'espèce, la portée et le contenu de l'arrêté sont dépourvus de toute ambiguïté en dépit de cette erreur matérielle qui demeure dès lors sans incidence sur la légalité de l'arrêté en date du 9 novembre 2009 ; que ce moyen doit être également écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que pour écarter le moyen tiré d'erreurs de fait, dès lors que l'état du logement ne justifierait pas, selon les épouxA..., l'adoption d'une mesure aussi radicale, le Tribunal après avoir relevé à la suite du rapport consécutif à la visite des lieux du 10 septembre 2009, l'insuffisance des fondations et des murs porteurs de l'immeuble, la possibilité de la chute d'un ouvrage, une isolation et un système de chauffage inadaptés aux conditions hivernales de la région, l'existence d'un risque d'intoxication au monoxyde de carbone, de brûlure et d'incendie résultant du mode d'évacuation des produits de combustion du dispositif de chauffage, la dangerosité de l'alimentation électrique proche d'infiltrations d'eau, l'absence de rambarde sur l'escalier menant au premier étage et une alimentation en eau non potable, a pu considéré à juste titre que l'ensemble des désordres relevés caractérisait l'insalubrité de la maison en cause ainsi que le danger imminent pour la santé et la sécurité de ses occupants ; que les éléments apportés en cause d'appel par les époux A...au soutien de leur moyen, de nouveau exposé, tiré de ce que des erreurs de fait entachent l'arrêté litigieux, ne contredisent pas utilement l'appréciation portée par les premiers juges qu'il convient de retenir par adoption des motifs ; que si les époux A...font également valoir en cause d'appel qu'il existe une confusion entre un affaissement des murs avec un soulèvement localisé du sol lié à l'utilisation de granulés en liège pour parfaire l'isolation en raison de l'absence de réalisation de sondage ils ne l'établissent pas ; que par suite ce moyen doit être écarté ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté préfectoral contesté du 2 novembre 2009 précité révèle, par le choix même de s'être placé dans le cadre de la procédure d'urgence de l'article 1331-26-1 du code de la santé publique, un caractère partisan dans la procédure retenue ; que, par suite, le moyen tiré d'un détournement de procédure entachant la légalité dudit arrêté doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant, d'une part, que les termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés dans l'instance par les requérants et non compris dans les dépens ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ces dispositions qu'une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre de frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance ; qu'en l'espèce le préfet des Alpes-Maritimes a sollicité le versement d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sans faire valoir la moindre exposition de quelconques frais spécifiques ; que, par suite, les conclusions de l'administration tendant à ce qu'il soit mis à la charge des époux A...une somme de 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des époux A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet des Alpes-Maritimes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes.

Copie en sera également transmise au préfet des Alpes-Maritimes.

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N° 13MA00292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00292
Date de la décision : 30/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale - Salubrité publique.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : PARRAVICINI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-01-30;13ma00292 ?
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