Vu la requête, enregistrée le 16 août 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 12MA03583, présentée pour M. B... E..., demeurant..., par Me C... ;
M. E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201384 du 13 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté en date du 7 février 2012 du préfet de l'Hérault lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) subsidiairement d'ordonner un sursis à statuer et de renvoyer devant la Cour de Justice des Communautés Européennes pour qu'il soit statué sur l'inconventionnalité des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 39 de la directive 2005/8/CE ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire d'étudier à nouveau sa demande ;
5°) de condamner l'Etat à verser soit à Me C...la somme de 1 196 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, celui-ci renonçant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'état au titre de l'aide juridictionnelle si cette dernière a été obtenue, soit au requérant la somme de 1 196 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision refusant son admission provisoire au séjour était illégale et entraînait ainsi l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ; que ce moyen est opérant, ces décisions intervenant dans le cadre d'une opération complexe ; que la décision de refus d'admission provisoire au séjour était ainsi irrégulièrement notifiée au regard des stipulations de l'article 5 de la directive 2003/9/CE et de l'article 10 A de la directive 2008/85/CE du 1er décembre 2005, n'ayant pas été faite en langue somali ; que les stipulations de l'article 13 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues du fait de son placement en procédure prioritaire ; qu'il n'y a pas eu fraude et que cette décision ne pouvait ainsi être légalement prise ; qu'il y a eu manquement à l'obligation d'information des demandeurs d'asile ; que l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers est inconventionnel car portant atteinte au droit au recours effectif tel que posé par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et de l'article 39 de la directive 2005/85 ; que cette inconventionnalité entache d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire ; qu'elle est aussi inconventionnelle au regard des stipulations de l'article 3 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ; que la décision fixant le pays de destination est également illégale ; qu'elle n'est en effet pas motivée ; qu'elle méconnait les stipulations de l'article 3 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'y a pas les conditions matérielles d'accueil permettant l'exercice d'un recours effectif ; qu'il est exposé à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 6 novembre 2012 admettant M. E...à l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le courrier du 13 janvier 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014 au greffe de la Cour, présenté par le préfet de l'Hérault qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que la notification de sa décision portant refus d'admission provisoire au séjour est régulière ; que M. E...était assisté d'un interprète en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre ; que cette décision, devenue définitive, ne peut dès lors plus être utilement contestée par le biais de l'exception ; qu'en tout état de cause l'ensemble des moyens présentés relativement à la décision de refus d'admission provisoire au séjour sont irrecevables ; qu'il ne peut affirmer que l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile est inconventionnel ; qu'ayant suffisamment motivé sa décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire, il a suffisamment motivé sa décision fixant le pays de renvoi ; que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ; qu'il ne pouvait bénéficier d'une prise en charge matérielle et financière ; que le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation quant au pays de destination doit être écarté ;
Vu l'ordonnance du magistrat rapporteur en date du 8 avril 2014 portant clôture d'instruction immédiate ;
Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 8 avril 2014, présentées pour M. E... ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :
- le rapport de M. Salvage, premier-conseiller,
- et les observations de Me D...substituant Me C...pour M.E... ;
1. Considérant que, par un arrêté en date du 7 février 2012, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M.E..., de nationalité somalienne, un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par le jugement contesté du 13 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande dirigée contre cet arrêté ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 8° de l'article L. 314-11 du même code, que l'examen d'une demande de séjour au titre de l'asile peut conduire successivement à l'intervention d'une décision du préfet sur l'admission provisoire au séjour en France pour permettre l'examen de la demande d'asile, puis d'une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, et, le cas échéant, d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), enfin, d'une décision du préfet statuant sur le séjour en France, le cas échéant à un autre titre que l'asile et éventuellement assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour qui lui a été opposé aux motifs que M. E...aurait été empêché de s'expliquer sur l'accusation de fraude, que la procédure prioritaire serait inconventionnelle au regard des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la notification de la décision a été faite dans une langue qu'il ne comprend pas, ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions par lesquelles le préfet, après la notification du rejet par l'OFPRA de la demande d'asile traitée dans le cadre de la procédure prioritaire, refuse le séjour et oblige l'étranger à quitter le territoire français ;
3. Considérant que, si l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise le préfet à prendre une mesure d'éloignement à l'égard de l'étranger dont l'admission provisoire au séjour a été refusée sur le fondement du 2° ou du 4° de l'article L. 741-4 de ce code aussitôt que la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, d'une part, l'intéressé peut contester devant le tribunal administratif les motifs de sa non-admission au séjour et demander, notamment, le sursis à exécution de cette décision, d' autre part, les articles L. 512-1 et suivants du même code permettent à l'étranger de former un recours en annulation devant le tribunal contre la mesure d'éloignement ; qu'en vertu de l'article L. 513-1, celle-ci ne peut être mise à exécution tant que le délai de recours n'a pas expiré ; qu'en outre, l'exercice d'un tel recours a lui-même pour effet de suspendre l'exécution de la mesure jusqu'à la décision du tribunal ; qu'à l'occasion de sa demande d'annulation, l'étranger peut faire valoir les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que la mesure d'éloignement ne peut être exécutée sans que l'étranger n'ait été mis à même de soumettre à un juge impartial et indépendant l'appréciation de son droit à se maintenir en France compte tenu des dangers qu'il encourrait s'il devait être renvoyé dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 39 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 doit être écarté ;
4. Considérant qu'en l'espèce, l'arrêté contesté n'a ainsi pas eu pour effet d'empêcher M. E... de saisir la cour nationale du droit d'asile d'un recours contre la décision de l'OFPRA du 16 décembre 2011 ; que, de même, l'intéressé aurait pu contester devant les juridictions administratives, y compris par la voie d'une demande de sursis à exécution, la décision du 2 septembre 2011 ayant refusé son admission provisoire au séjour et impliquant l'examen de sa demande d'asile selon la procédure dite prioritaire ; que, s'il s'en est abstenu, il a formé en revanche une demande d'annulation du refus de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination prises à son encontre devant le tribunal administratif de Montpellier, par un recours ayant eu pour effet de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement le concernant ; que l'intéressé a donc bénéficié d'un temps suffisant pour présenter utilement sa défense ; que, devant le tribunal, il a fait valoir les risques de traitements inhumains et dégradants auxquels l'exposerait son renvoi dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, il n'apparait pas que M. E...ait été privé de son droit à un recours effectif en violation des articles 3, 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, dès lors que les dispositions de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ont été transposées en droit français par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et le décret n° 2008-702 du 15 juillet 2008 relatif au droit d'asile, M. E... n'est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions de l'article 39 de cette directive à l'encontre de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;
5. Considérant que dès lors qu'il avait refusé l'admission provisoire au séjour de M. E... en vertu du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault pouvait légalement, sur le fondement de l'article L. 742-6 du même code, refuser de délivrer à ce dernier un titre de séjour et l'obliger à quitter le territoire français sans attendre l'expiration du délai de recours devant la cour nationale du droit d'asile, ni, le cas échéant, que celle-ci ait statué, sans pour autant méconnaitre le droit d'asile ; que, pour le même motif, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle du seul fait qu'elle est intervenue avant la décision de la cour nationale du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. Considérant que l'arrêté du 7 février 2012 vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 511-1 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il mentionne que M.A..., se disant Abdiraman Khaliid se déclare de nationalité somalienne et qu'il ne démontre pas son impossibilité de regagner son pays d'origine ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est dès lors suffisamment motivée ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger, faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
8. Considérant que M. E...n'établit pas être exposé personnellement à des risques pour sa vie ou sa liberté en cas de retour en Somalie en se bornant à produire des documents sur la situation générale régnant dans ce pays ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait dès lors être accueilli, pas plus que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation quant au pays de destination ;
9. Considérant que, pour les mêmes motifs que précédemment développés l'appelant n'est pas fondé à soutenir que son droit à un recours effectif tel que posé par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu ;
10. Considérant de même que l'exception d'illégalité de la décision portant refus d'autorisation provisoire au séjour, au motif qu'il n'a pas pu bénéficier des conditions matérielles d'accueil prévues pour les demandeurs d'asile est inopérant ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 6 janvier 2012 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent jugement n'implique aucune mesure d'exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E...ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans cette instance verse quelque somme que ce soit à M. E...ou à son conseil au titre des frais d'instance ; que par suite les conclusions présentées à ce titre pour l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
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