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31/10/2013 | FRANCE | N°12MA03788

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 31 octobre 2013, 12MA03788


Vu, sous le n° 12MA03788, la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 7 septembre 2012, présentée pour M.A..., demeurant..., par Me D... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004775 du 6 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Marseille à lui verser une somme de 93 900 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un refus de permis de construire confirmé sur recours gracieux ;

2°) de condamner la

commune de Marseille à lui verser la dite somme de 93 900 euros avec inté...

Vu, sous le n° 12MA03788, la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 7 septembre 2012, présentée pour M.A..., demeurant..., par Me D... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004775 du 6 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Marseille à lui verser une somme de 93 900 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un refus de permis de construire confirmé sur recours gracieux ;

2°) de condamner la commune de Marseille à lui verser la dite somme de 93 900 euros avec intérêts et capitalisation de ces intérêts, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que l'illégalité des décisions de refus de permis de construire qui lui ont été opposées les 18 juillet et 30 septembre 2008 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Marseille ;

- qu'en effet, le premier motif de refus fondé sur l'absence d'aire de livraison en violation de l'article UA3 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors que la voie desservant le projet a une largeur de 20 mètres et que des permis de construire de construire ont été délivrés à d'autres magasins, de bien plus grande taille, qui n'en étaient pas davantage dotés ;

- que ce motif est en réalité fondé sur l'avis défavorable du comité d'intérêt du quartier alors que celui-ci est émaillé d'inexactitudes ainsi que sur la crainte que l'exploitation de ce local dérive en épicerie de nuit ;

- que le second motif fondé sur l'absence de conformité de l'enseigne manque en fait, dès lors que dans son recours gracieux du 29 juillet 2008, il a modifié son projet qui a reçu l'accord favorable de l'atelier du patrimoine de la ville ;

- que c'est à tort que le tribunal a jugé que ce motif de refus n'était pas contesté et que sa demande de régularisation était sans influence sur la légalité du refus qui lui avait été opposé, dès lors que le motif fondé sur l'atteinte au bâti environnant par son enseigne est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il n'apparaît pas que le maire de Marseille aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif ;

- qu'en tout état de cause, la décision portant rejet de son recours gracieux, dont il avait invoqué l'illégalité, était nécessairement illégale, dès lors qu'il avait modifié cette enseigne ;

- que l'illégalité de ces décisions lui cause un préjudice correspondant à la perte d'exploitation engendrée par le retard pris dans l'exécution de ses travaux ;

- qu'il subi également un préjudice moral de 7 000 euros étant âgé de 73 ans et connaissant des problèmes de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 8 novembre 2012, présenté pour la commune de Marseille représentée par son maire en exercice, par Me C...qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune fait valoir :

- que c'est à bon droit que la commune a déclaré sans suite le 1er août 2007 la première demande de permis de construire de M.A..., dès lors que celle-ci n'avait pas été complétée à la date à laquelle le maire a statué ;

- que le requérant ne conteste pas le motif de refus de la décision du 25 avril 2008 fondé sur l'absence de conformité de l'opération aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées ;

- que le motif de refus des deux dernières décisions fondé sur l'absence d'aire de livraison a été opposé à bon droit, dès lors que la voie desservant le projet connaît d'importants problèmes de stationnement ;

- que la circonstance que d'autres surfaces de vente n'auraient pas davantage d'aire de livraison est sans influence sur la légalité de ce motif, dès lors que le maire a justement entendu remédier à une situation préoccupante née du fait que les permis étaient antérieurement délivrés sans s'assurer des modalités de livraison et de la gêne que cela pouvait occasionner ;

- que l'accord conclu entre le pétitionnaire et l'établissement Lavaud voisin, pour bénéficier d'un emplacement de livraison commun, n'est pas suffisant pour éviter la gêne occasionnée par les livraisons nécessaires au local en cause ;

- que contrairement à ce qui est soutenu, le projet de M. A...est situé dans l'hyper centre ville de Marseille qui est un secteur protégé ;

- que le requérant n'établit pas que son enseigne, telle que refusée par l'arrêté du 18 juillet 2008, s'insérerait dans son environnement sans y porter atteinte ;

- que la circonstance qu'il existerait des enseignes similaires dans le quartier n'est pas de nature à révéler une telle insertion ;

- que le tribunal a jugé à bon droit que s'il n'avait retenu que ce seul motif, le maire aurait pris la même décision ;

- que même si la Cour reconnaissait illégal le refus de permis de construire du 18 juillet 2008, cette illégalité ne serait pas de nature à caractériser une faute de la commune, eu égard à la brièveté du délai de 8 mois séparant la date de la demande de permis de construire de celle de son octroi ;

- que le préjudice invoqué est, au demeurant, sans lien avec l'illégalité de cette décision, notamment quant aux frais relatifs au prêt que l'intéressé a souscrit avant même l'obtention d'un permis de construire ;

- que le préjudice matériel allégué n'est pas établi, dès lors que les factures produites sont au nom d'une société qui n'est pas partie à l'instance ni bénéficiaire du permis de construire, qu'il n'est pas démontré que les entreprises qui ont émis ces factures aient bien réalisé des travaux et qu'ils ont bien été réglés ;

- que le préjudice lié à la perte d'exploitation n'est pas davantage établi, dès lors que seule la société exploitante peut justifier d'une perte d'exploitation, que la période d'indemnisation de 10 mois est manifestement excessive et que les pertes de loyers et charges ne sont pas démontrées, alors au surplus que le bail commercial fait apparaître une personnes tierce qui n'a pas demandé d'indemnisation ;

- que le préjudice moral n'est pas justifié ;

- que les troubles allégués dans l'existence du requérant sont sans lien avec la faute commise, dès lors que le refus de permis de construire est sans rapport avec son état de santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Antolini, premier-conseiller,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B...substituant la Selarl Abeille pour la commune de Marseille ;

1. Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A...tendant à la condamnation de la commune de Marseille à lui verser une somme de 93 900 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un refus de permis de construire ; que M. A...relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que M. A...a sollicité le 21 mai 2007 un permis de construire tendant à la transformation d'un local à usage d'habitation de 67 m², en surface commerciale pour y établir une épicerie ; que cette demande a été rejetée par le maire de Marseille le 1er août 2007 au motif que le dossier était demeuré incomplet malgré une demande de pièces complémentaires ; que la deuxième demande de permis de construire déposée le 5 novembre 2007 pour le même projet a été rejetée le 25 avril 2008 par cette même autorité aux motifs que le projet n'était pas conforme à la réglementation sur l'accessibilité aux personnes handicapées et qu'il n'était pas équipé d'un emplacement de stationnement pour les livraisons, en méconnaissance de l'article UA 3 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) ; que, suite au rejet du recours gracieux qu'il a formé contre cette décision de refus, M. A...a présenté une nouvelle demande le 2 juin 2008 pour se conformer aux motifs de refus qui lui ont été opposés ; que cette nouvelle demande lui a encore été refusée par arrêté du 18 juillet 2008 sur le même motif fondé sur l'absence d'emplacement de livraison et sur un nouveau motif fondé sur l'atteinte portée au lieux avoisinants par l'enseigne de l'épicerie ; qu'après avoir modifié la forme de son enseigne, M. A... a formé le 30 juillet 2008 un recours gracieux contre ce dernier refus qui a été implicitement rejeté le 30 septembre suivant par le maire de Marseille ; qu'en exécution de l'ordonnance du 19 décembre 2008 par laquelle le tribunal administratif de Marseille a suspendu le refus de permis de construire en date du 30 juillet 2008 et le rejet du recours gracieux du 30 septembre 2008, le maire a délivré le permis de construire sollicité par M.A... par un arrêté du 18 février 2009 ;

3. Considérant que pour demander réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ne pas avoir obtenu son permis de construire, M. A...a invoqué devant le tribunal la seule illégalité fautive de la décision de refus de permis de construire en date du 18 juillet et de celle du 30 septembre 2008 portant rejet du recours gracieux qu'il avait formé contre cet arrêté ; que pour contester le rejet de sa demande indemnitaire par le tribunal, M. A...soutient en appel que c'est à tort que les premiers juges ont estimé fondé le motif de refus tiré de l'atteinte aux lieux avoisinants dès lors que ce motif est entaché d'une erreur d'appréciation, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que s'il n'avait retenu que ce seul motif le maire aurait pris la même décision et qu'en tout état de cause le recours gracieux qu'il a formé le 30 juillet 2008 aurait purgé ce vice ; qu'en soulevant exclusivement l'illégalité fautive des décisions des 18 juillet et 30 septembre 2008, M.A..., qui n'a pas invoqué la responsabilité de la commune sur le fondement des décisions de refus qui lui ont été opposées antérieurement à l'arrêté du 18 juillet 2008, ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité des décisions antérieures à cette date, qu'il affirme pourtant au travers de ses écritures ;

Sur la responsabilité de la commune de Marseille en raison de l'illégalité fautive des décisions de refus des 18 juillet et 30 septembre 2008 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement de la zone UA du plan d'occupation des sols de Marseille : " 1. Les constructions sont desservies par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques, telles qu'elles se présentent au moment de l'exécution du projet, devront correspondre à leur destination. / (...) " ; que compte tenu de la largeur du boulevard Baille desservant le projet de M. A...et de la faible importance de ce dernier qui nécessite seulement l'arrêt limité d'un petit véhicule de livraison, pouvant d'ailleurs être assuré au droit d'un établissement voisin, la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le projet de M. A...était conforme aux dispositions sus rappelées et qu'il a neutralisé ce motif ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Marseille : " 1. Dispositions générales : Les constructions à édifier s'inscrivent en harmonie avec les composantes, bâties ou non, du site environnant ou dans la perspective de sa valorisation. (...) " ; que M.A..., soutient en appel que ce motif de refus est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que l'enseigne de son projet ne saurait porter atteinte aux lieux avoisinants compte tenu de la nature de ces constructions et des enseignes disparates qu'elles comportent ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des diverses photos produites faisant apparaître les enseignes des commerces environnants que ni l'enseigne telle que prévue par le projet refusé par l'arrêté du 18 juillet 2008, ni celle modifiée par le recours gracieux du 30 septembre 2008 ne sont de nature, eu égard à leurs caractéristiques et à leur impact négligeable, à porter atteinte aux lieux avoisinants qui ne présentent pas de caractéristiques nécessitant une protection particulière, notamment au niveau des enseignes existantes des magasins qui ne présentent aucune unicité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé que le maire de Marseille avait pu légalement rejeter sa demande en raison de l'atteinte portée par son enseigne aux lieux avoisinants et que la responsabilité de la commune n'était pas engagée ;

Sur le préjudice de M.A... :

7. Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 423-28 du code de l'urbanisme, le délai d'instruction de la demande de permis de construire présentée par M. A...était de 6 mois, compte tenu de ce que son projet portait sur un établissement commercial recevant du public ; qu'il s'ensuit que le maire avait jusqu'au 2 décembre 2008 pour se prononcer sur la demande de M. A...enregistrée en mairie le 2 juin 2008 ; que dès lors que le maire a finalement délivré le 18 février 2009 le permis sollicité par M.A..., soit deux mois et demi seulement après le délai légal d'instruction, l'illégalité des décisions de refus qui lui ont été opposées les 18 juillet et 30 septembre 2008 dans le délai d'instruction n'est pas de nature à faire naître un quelconque préjudice pour M. A...et lui ouvrir droit à réparation ; que ce dernier n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions de M. A...dirigées contre la commune de Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M.A..., à verser à la commune de Marseille une quelconque somme en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M.A..., est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013, où siégeaient :

- M. Benoit, président de chambre,

- Mme Buccafurri, présidente-assesseure,

- M. Antolini, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 31 octobre 2013.

Le rapporteur,

J. ANTOLINILe président,

L. BENOIT

La greffière,

S. EYCHENNE

La République mande et ordonne au préfet de Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 12MA03788

CB


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA03788
Date de la décision : 31/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Jean ANTOLINI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT - SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-10-31;12ma03788 ?
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