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11/02/2013 | FRANCE | N°10MA02883

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 11 février 2013, 10MA02883


Vu l'arrêt en date du 7 mai 2012 par lequel la Cour de céans, sur demande présentée le 22 décembre 2010 par Mme D...C..., a sursis à statuer sur sa requête enregistrée le 23 juillet 2010, aux fins d'examen par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en vue d'un règlement amiable, de sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle allègue avoir subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2012, par lequel l'Office national d'i

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Vu l'arrêt en date du 7 mai 2012 par lequel la Cour de céans, sur demande présentée le 22 décembre 2010 par Mme D...C..., a sursis à statuer sur sa requête enregistrée le 23 juillet 2010, aux fins d'examen par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en vue d'un règlement amiable, de sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle allègue avoir subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2012, par lequel l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) transmet à la Cour la décision de son directeur en date du 25 septembre 2012 relative à la demande d'indemnisation amiable formée par Mme C...;

Vu le mémoire et la pièce, enregistrés les 23 novembre et 11 décembre 2012, présentés pour Mme D...C...qui demande à la Cour de nommer un expert en vue de déterminer son entier préjudice et de condamner l'ONIAM à lui verser une allocation provisionnelle de 15 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;

.........................

Vu le mémoire enregistré le 18 janvier 2013, présenté pour l'ONIAM non communiqué car transmis au greffe de la Cour le 18 janvier 2013 soit postérieurement à la date de la clôture de l'instruction ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 27 septembre 2010, admettant Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me E... pour MmeC..., de Me A...pour l'Etablissement français du sang, de Me B...substituant la SCP Daumas-Wilson pour la société Axa et de Me A...substituant Me de la Grange pour l'ONIAM ;

1. Considérant qu'en vertu des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, il est loisible à la personne engagée dans une action en justice tendant à l'indemnisation du préjudice résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins à la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique de solliciter un sursis à statuer de la juridiction aux fins d'examen de sa demande par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) avant de poursuivre, le cas échéant, l'instance engagée en vue d'obtenir la condamnation de l'ONIAM, substitué à l'Etablissement français du sang ; qu'en application de ces dispositions, la Cour de céans, par l'arrêt susvisé en date du 7 mai 2012, a sursis à statuer sur la requête de Mme C...enregistrée le 23 juillet 2010 aux fins d'examen par l'ONIAM, en vue d'un règlement amiable, de sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C qu'elle impute à une transfusion de produits sanguins administrée en 1975 ; que, par décision en date du 25 septembre 2012, transmise à la Cour le 27 septembre suivant, l'ONIAM a rejeté la demande indemnitaire que Mme C... lui avait adressée dans le cadre d'un règlement amiable du litige ; que l'échec de la procédure de règlement amiable, qui, en vertu du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, ne peut donner lieu à une action en justice distincte de celle initialement engagée devant la juridiction compétente, permet à la Cour de statuer sur la requête de Mme C... qui, par un mémoire de reprise d'instance d'appel enregistré le 26 novembre 2012, demande à la Cour, d'une part, la nomination d'un expert en vue de déterminer son entier préjudice et, d'autre part, la condamnation de l'ONIAM à lui verser une allocation provisionnelle de 15 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;

Sur la personne débitrice des indemnités :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est chargé " de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14 issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que la responsabilité de l'ONIAM est engagée dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du IV du même article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le contentieux qui opposait à la date du 1er juin 2010, Mme C...et l'Établissement français du sang, l'ONIAM, qui a produit postérieurement à cette date un mémoire par lequel il faisait d'ailleurs état de cette substitution, est désormais substitué tant à l'égard de Mme C...qu'à celui des tiers payeurs intervenant dans le cadre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur l'origine de la contamination :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

5. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces médicales versées aux débats, que Mme C...a été transfusée à l'hôpital Nord de Marseille le 17 et le 18 mai 1975 en raison d'un choc hémorragique consécutif à un hématome rétro-placentaire alors qu'elle venait de subir une césarienne à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C qui n'avait pas encore été identifié ; que l'enquête transfusionnelle n'a pu aboutir du fait notamment de l'ancienneté des faits ; qu'ainsi, l'innocuité des produits qui lui ont été administrés n'a pu être démontrée ; qu'il résulte du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Marseille que la transmission sanguine et la toxicomanie sont les modes les plus fréquents de transmission du virus de l'hépatite C et que le génotype de type 1b, tel que celui que présente MmeC..., se retrouve classiquement dans le cadre d'une contamination par voie transfusionnelle ; que si l'expert, spécialisé en hépato-gastro-entérologie, a relevé que l'interruption volontaire de grossesse subie en 1981, les soins dentaires réalisés en 1987 et, dans une moindre mesure, la cholécystectomie pratiquée en 1983 constituaient potentiellement d'autres modes de contamination chez MmeC..., il n'a toutefois pas été en mesure, au vu de l'évolution de l'état de santé de cette dernière de 1975, date de la transfusion litigieuse, à 1998, date de la découverte de la virémie, de faire prévaloir l'une des hypothèses ; qu'enfin, l'expert médical, a, en outre, précisé, d'une part, que le profil de " fibroseur " lent de Mme C...s'explique aisément par le jeune âge auquel elle a été contaminé, 24 ans, son sexe, féminin, ainsi que par son absence d'alcoolisme, de diabète, d'obésité et de comorbidités et, d'autre part, que les phases de ralentissement et d'accélération, comme celles qu'il a observées, étaient toujours possibles chez les patients présentant les mêmes caractéristiques que celles que présentait l'intéressée ; que, dans ces circonstances, et dans la mesure où Mme C...n'appartient à aucun des groupes à risques, le risque de contamination lié à la réalisation entre 1981 et 1987 d'une interruption volontaire de grossesse, de l'ablation de la vésicule biliaire et de soins dentaires ne peut être regardé comme manifestement supérieur au risque lié aux produits sanguins ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, par application des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, de regarder la contamination de l'intéressée comme imputable à l'administration des produits sanguins ; que Mme C...est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 18 mai 2010, le tribunal administratif de Marseille a refusé de mettre la réparation des conséquences de la contamination à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, substitué à l'Etablissement français du sang ;

Sur les conclusions à fin d'expertise :

7. Considérant que MmeC..., dont le virus de l'hépatite C a été diagnostiqué alors qu'elle était âgée de 47 ans, soutient subir depuis 1998 un grave trouble dans sa vie courante, avoir été placée en invalidité et ne plus être en mesure de poursuivre ses activités de bénévolat ; qu'elle demande une allocation provisionnelle de 15 000 euros à valoir sur son entier préjudice tel qu'il sera déterminé à la suite de l'expertise médicale qu'elle sollicite ; qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expertise judiciaire déposées le 23 mars 2006 que MmeC..., en lien avec sa contamination post-transfusionnelle, a enduré des souffrances évaluées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7, a subi huit jours de déficit fonctionnel temporaire total du fait de la réalisation des trois ponctions biopsies hépatiques et de l'initiation du traitement ainsi qu'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 30 % sur la période des quatre mois de traitement ; que, par ailleurs, les résultats des tests sanguins effectués de 2006 à 2008 font apparaître une charge virale et des marqueurs cellulaires sensiblement similaires à ceux relevés en août 2005 dont l'expert a tenu compte pour rédiger ses conclusions et évaluer le préjudice de Mme C...; qu'en outre, les résultats biologiques de décembre 2007 et de février 2009 font état d'une activité virale minime-modérée A1-A2 inférieure à celle relevée par l'expert en octobre 2004 qualifiée de sévère alors que le fibrotest F2 constant en 2004 et en 2007 s'est réduit au score F1-F2 en 2009 ; que, toutefois, l'état de santé de Mme C...n'est pas, à ce jour, consolidé et les dernières pièces médicales versées au dossier par l'appelante font état d'une réplication virale ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit aux conclusions présentées par Mme C...en ordonnant, avant-dire droit, une expertise aux fins de déterminer son entier préjudice ;

Sur la demande d'indemnité provisionnelle :

8. Considérant que, compte tenu des conclusions du rapport d'expertise susmentionné et des troubles ci-dessus rappelés que Mme C...a subis de façon certaine, il y a lieu de condamner l'Oniam à lui verser l'indemnité provisionnelle d'un montant de 15 000 euros qu'elle demande ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0702897 en date du 18 mai 2010 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme C...une allocation provisionnelle d'un montant de 15 000 euros.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de Mme C...et de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône procédé à une expertise médicale par le Docteur Michel Guisset au contradictoire des parties au litige.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expert aura pour mission de dire si l'état de MmeC..., après l'avoir examinée et avoir pris connaissance de son dossier médical, s'est amélioré ou aggravé depuis le 23 mars 2006, date du dépôt de son premier rapport d'expertise ; de fixer la date de consolidation de l'état de santé de MmeC..., de donner tous éléments d'appréciation sur les préjudices subis par Mme C... en relation directe avec l'hépatite C dont elle souffre et, en particulier, sur la durée du déficit fonctionnel temporaire partiel et/ou total, le taux de l'éventuel déficit fonctionnel permanent, le préjudice professionnel, le préjudice d'agrément, l'importance des souffrances physiques endurées et le préjudice esthétique ; d'indiquer, en outre, si le placement en invalidité de Mme C...est imputable en tout ou partie à son hépatite C et de préciser les frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage rattachables à la contamination litigieuse et ses suites, y compris les frais futurs ; de donner, plus généralement tous les éléments permettant à la Cour d'apprécier, en lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C, l'étendue des préjudices de Mme C...et les débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour en deux exemplaires dans le délai de deux mois suivant la prestation de serment.

Article 5 : L'expert notifiera une copie de son rapport à Mme D...C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à la société Axa France IARD.

Article 6 : Tous les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C..., à l'ONIAM, à l'EFS, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à la société Axa France IARD.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10MA02883
Date de la décision : 11/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Troubles dans les conditions d'existence.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Lilian BENOIT
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : DE PORTALON DE ROSIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-02-11;10ma02883 ?
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