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15/10/2012 | FRANCE | N°10MA03193

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2012, 10MA03193


Vu la requête, enregistrée le 3 août 2010, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03193, présentée pour la commune de Monticello, représentée par son maire en exercice, par Me Blein, avocat ;

La commune de Monticello demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000338 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la récusation de M. Charles A, expert désigné par une ordonnance du juge des référés du 6 janvier 2010 et à ce qu'il soit nommé un nouvel expert ;

2°)

de récuser M. Charles A et de désigner un nouvel expert pour conduire la mission déjà o...

Vu la requête, enregistrée le 3 août 2010, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03193, présentée pour la commune de Monticello, représentée par son maire en exercice, par Me Blein, avocat ;

La commune de Monticello demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000338 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la récusation de M. Charles A, expert désigné par une ordonnance du juge des référés du 6 janvier 2010 et à ce qu'il soit nommé un nouvel expert ;

2°) de récuser M. Charles A et de désigner un nouvel expert pour conduire la mission déjà ordonnée, dans les mêmes termes ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et fonctionnement des juridictions administratives ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Vaccarezza, avocat, représentant l'entreprise Paul Beveraggi ;

1. Considérant que, par ordonnance du 6 janvier 2010, le président du tribunal administratif de Bastia a, à la demande de l'entreprise Paul Beveraggi, désigné M. Charles A en qualité d'expert afin de déterminer si les pièces du marché concernant la construction d'une école maternelle, qui lui avait été confiée par la commune de Monticello étaient suffisantes pour lui permettre d'apprécier les travaux de terrassement à réaliser ou si des travaux supplémentaires correspondant à des sujétions imprévues étaient nécessaires ; que, par le jugement attaqué du 15 juillet 2010, le tribunal a rejeté la demande présentée par la commune de Monticello tendant à récusation de l'expert et à la désignation d'un autre expert ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

2. Considérant que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen, eu égard à la nature du litige susceptible d'opposer les parties devant le juge du fond, n'était pas inopérant à l'appui d'une demande de récusation d'un expert désigné par le juge des référés ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Monticello devant le Tribunal administratif ;

Sur la demande de récusation de l'expert :

En ce qui concerne les dispositions applicables au litige :

4. Considérant que l'article L. 721-1 du code de justice administrative dispose : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité " ; qu'aux termes de l'article R. 621-6 du code de justice administrative : " Les experts ou sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges. (...) La partie qui entend récuser l'expert ou le sapiteur doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Si l'expert ou le sapiteur s'estime récusable, il doit immédiatement le déclarer au président de la juridiction (...) " ; que l'article R. 621-6-1 du même code issu du décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et fonctionnement des juridictions administratives dispose : " La demande de récusation formée par une partie est présentée à la juridiction qui a ordonné l'expertise. Si elle est présentée par un mandataire, ce dernier doit être muni d'un pouvoir spécial. Elle doit à peine d'irrecevabilité indiquer les motifs qui la soutiennent et être accompagnée des pièces propres à la justifier. " ; que, selon l'article R. 621-6-3, " Dans les huit jours de cette communication, l'expert fait connaître par écrit soit son acquiescement à la récusation, soit les motifs pour lesquels il s'y oppose " ; qu'aux termes enfin de l'article R. 621-6-4 : " Si l'expert acquiesce à la demande de récusation, il est aussitôt remplacé. Dans le cas contraire, la juridiction, par une décision non motivée, se prononce sur la demande, après audience publique dont l'expert et les parties sont avertis. Sauf si l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, cette décision ne peut être contestée devant le juge d'appel ou de cassation qu'avec le jugement ou l'arrêt rendu ultérieurement. L'expert n'est pas admis à contester la décision qui le récuse. " ; aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qu décidera, soit des contestations sur ses droits et ses obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ... " ;

5. Considérant que le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et fonctionnement des juridictions administratives dont sont issues les dispositions des articles R. 621-6 et suivants du code de justice administrative a fait l'objet d'une publication au Journal Officiel du 23 février 2010 est entré en vigueur lendemain de cette date ;

6. Considérant que la commune requérante soutient qu'à la date du dépôt de sa demande devant le Tribunal administratif, les dispositions de l'article R. 621-6 du code de justice administrative dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 22 février 2010 étaient applicables ;

7. Considérant que la seule production d'un rapport d'émission de télécopie ne peut, eu égard aux conditions techniques dans lesquelles un tel document est établi, prévaloir sur les mentions figurant aux registres du greffe d'une juridiction ;

8. Considérant que la seule production aux débats par la commune de Monticello du rapport de transmission de la télécopie de sa demande, daté du 23 février 2010, ne peut, eu égard aux conditions techniques dans lesquelles un tel document est établi, prévaloir sur les mentions figurant aux registres du greffe, notamment de la fiche informatique émanant du tribunal, annexée au dossier de première instance ; qu'il résulte de l'instruction que la demande a été enregistrée le 24 février 2010 ; que, par suite, les dispositions précitées des articles R. 621-6 et suivants du code de justice administrative, dans leur rédaction applicable à la date du 24 février 2010, s'appliquaient au litige en cause ;

En ce qui concerne les moyens invoqués :

9. Considérant que la commune requérante soutient que le comportement antérieur de M. A, en qualité d'expert et son attitude à l'égard des parties dans le cadre du litige en cause étaient de nature à constituer un motif sérieux de mettre en doute son impartialité, justifiant sa récusation prévue aux articles R. 621-5 et R. 621-6 du code de justice administrative et que le déroulement de l'expertise a méconnu les stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en premier lieu, que l'avis émis par M. A, à l'occasion d'un litige antérieur entre la communauté de communes de l'Ile Rousse et un particulier, relatif au défaut d'utilité publique d'une servitude administrative à la demande de ce dernier n'est pas de nature à révéler l'existence d'une animosité notoire entre l'expert et le représentant de la commune requérante, alors même que dans l'instance précitée, le représentant de la communauté était le maire de la commune de Monticello ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que dans l'instance en cours les critiques que formule la commune de Monticello sur les exigences de l'expert, relatives à la communication de pièces nécessaires à l'exécution de sa mission, aux demandes d'éclaircissement qu'il a présentées dans le cadre de l'échange d'arguments entre les parties, à la position qu'il a adoptée au vu des pièces communiquées par ces dernières, ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à mettre en doute son impartialité ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'expert aurait méconnu le principe du contradictoire, ne manifeste pas davantage une animosité de sa part et donc sa partialité à l'égard de la commune ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'appréciation à laquelle s'est livré M. A dans son rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal administratif de Bastia, en exécution de la mission pour laquelle il a été désigné, laquelle peut être contestée devant le juge compétent, serait entachée de partialité ;

13. Considérant que, dans ces conditions, la commune de Monticello n'est pas fondée à soutenir qu'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de M. A au sens de l'article L. 721-1 du code de justice administrative, ni que la désignation de cet expert l'a privée de la garantie d'un procès équitable, prévue par les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Monticello n'est pas fondée à solliciter la récusation de M. A et la désignation d'un nouvel expert ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Monticello la somme de 1 500 euros sollicitée par l'entreprise Paul Beveraggi ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 juillet 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Monticello devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : La commune de Monticello versera à l'entreprise Paul Beveraggi SAS une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Monticello, à l'entreprise Paul Beveraggi SAS, à M. Charles A et au ministre de l'intérieur.

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N°10MA03193

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03193
Date de la décision : 15/10/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.

Procédure - Incidents - Récusation.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : BLEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-15;10ma03193 ?
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