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05/06/2009 | FRANCE | N°07MA02249

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 05 juin 2009, 07MA02249


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2007, présentée pour l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS, dont le siège est Mas Saint Olympe Manduel (30129), par la S.E.L.A.R.L. P.L.M.C., avocats ; l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304141 du 19 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 mai 2003 par lequel le maire de Manduel a refusé de lui accorder un permis de construire pour la réalisation de 25 logements destinés au personnel saisonnier de ses exploitations sur

un terrain situé Mas Sainte Olympe ;

2°) d'annuler, pour excès de ...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2007, présentée pour l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS, dont le siège est Mas Saint Olympe Manduel (30129), par la S.E.L.A.R.L. P.L.M.C., avocats ; l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304141 du 19 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 mai 2003 par lequel le maire de Manduel a refusé de lui accorder un permis de construire pour la réalisation de 25 logements destinés au personnel saisonnier de ses exploitations sur un terrain situé Mas Sainte Olympe ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Manduel la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Elle soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir dont est entaché le refus contesté ; que la substitution de motifs a été opérée par les premiers juges sans que le requérant en ait été averti et mis à même de présenter des observations ; que le refus litigieux méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que ledit refus, qui doit s'analyser comme un retrait de permis tacite, méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que les constructions projetées, destinées à loger ses salariés agricoles, sont liées et nécessaires au fonctionnement de ses exploitations et sont autorisées par le règlement du P.O.S.; que le logement sur place des salariés agricoles est nécessaire ; que les constructions projetées ne sont pas de nature à porter atteinte au caractère de la zone en cause ; que le refus litigieux est entaché de détournement de pouvoir ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2007, présenté pour la commune de Manduel, représentée par son maire en exercice, par Me Christol, par lequel elle conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont opéré la substitution de motifs demandée ; que les articles 4 et 24 de la loi du 12 avril 2000 n'ont pas été méconnus ; que les constructions projetées ne sont pas nécessaires à l'activité agricole ; que la protection de l'espace agricole n'est pas assurée au regard de l'ampleur du projet et de l'emprise au sol des constructions ; que le moyen tiré du risque économique, infondé, ne peut qu'être écarté; qu'il n'y a pas eu de détournement de pouvoir ;

Vu la lettre en date du 30 janvier 2007 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Montpellier a informé les parties que le tribunal était susceptible de soulever d'office deux moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2009 :

- le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

Considérant que, par le jugement attaqué susvisé, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 mai 2003 par lequel le maire de Manduel a refusé de lui accorder un permis de construire pour la réalisation de 25 logements destinés au personnel saisonnier de ses exploitations sur un terrain situé Mas Sainte Olympe ; que l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir qui n'est pas inopérant ; que, dès lors, le jugement attaqué est, pour ce seul motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS ainsi que sur les conclusions présentées par la commune de Manduel devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté susvisé du 5 mai 2003 :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles R.421-12 et R.421-13 du code de l'urbanisme, dans le cas où le dossier de la demande de permis de construire est incomplet, l'autorité compétente pour statuer invite le pétitionnaire, dans les quinze jours de la réception de la demande, à fournir les pièces complémentaires nécessaires ; qu'à la réception de ces pièces par le maire, elle dispose d'un délai de quinze jours pour adresser au pétitionnaire une lettre de notification lui faisant connaître la date avant laquelle la décision devra lui être notifiée compte tenu des délais réglementaires d'instruction et l'informant que, si aucune décision ne lui est adressée avant cette date, ladite lettre vaudra permis de construire ; qu'en vertu des dispositions de l'article R.421-14 du même code, lorsque le pétitionnaire n'a pas reçu ladite lettre dans les quinze jours suivant le dépôt des pièces complémentaires, il peut saisir l'autorité compétente pour requérir l'instruction de la demande ; que, si la lettre ne lui a pas été notifiée dans les huit jours de la réception de l'avis de réception postal de la mise en demeure et si aucune décision ne lui a été adressée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction courant à compter de cette réception, la lettre de mise en demeure vaut permis de construire ; que, si l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS fait valoir que la décision attaquée doit être regardée comme étant le retrait de l'autorisation de construire tacite dont elle bénéficiait au motif qu'elle a déposé les pièces complémentaires réclamées par la mairie le 25 février 2003, elle ne soutient, toutefois, ni même n'allègue avoir déposé auprès du maire la lettre de mise en demeure prévue à l'article R.421-14 susmentionné et n'est, ainsi, pas fondée à prétendre que le silence gardé par le maire de Manduel sur sa demande aurait fait naître un permis de construire tacite que la décision attaquée aurait eu pour effet de retirer ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS n'a invoqué dans le délai de recours contentieux que des moyens relatifs à la légalité interne de la décision attaquée ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, qui ont trait à la légalité externe de la décision attaquée, reposent sur une cause juridique distincte et ne sont, dès lors, pas recevables ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que le maire de Manduel fait valoir que sa décision du 5 mai 2003 est légalement fondée sur, d'une part, le motif tiré de la méconnaissance par le projet en litige des dispositions de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune et, d'autre part, celui de l'atteinte que ledit projet serait de nature à porter au caractère de la zone NC ; que ladite zone est définie par le P.O.S. de Manduel comme essentiellement réservée au maintien et au développement des activités agricoles (...) devant être protégée de toute occupation et utilisation des sols non directement liées à ce type d'activité ; qu'aux termes de l'article NC 1 du règlement dudit plan : Sont admises dans toute la zone : les constructions et installations liées et nécessaires au fonctionnement des exploitations agricoles à titre de logement ou pour entreposer le matériel agricole (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux prévoit la construction, sur des terrains situés en zone NC, de 20 habitations individuelles de 4 pièces chacune et de 5 logements collectifs destinés à recevoir 150 personnes ; que, s'il ressort des pièces du dossier que l'activité agricole de l'entreprise de M. Bois nécessite l'emploi d'un nombre important de salariés, l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS n'établit pas, toutefois, d'une part, que la récolte des fruits des exploitations agricoles concernées nécessite le logement du personnel sur place ni, d'autre part, l'absence de solutions alternatives, de transport notamment, permettant le déplacement desdits salariés entre leur domicile et leur lieu de travail ; que, dans ces conditions, le motif tiré de la violation de l'article NC 1 précité est de nature à justifier la décision de refus de permis de construire attaquée ; que, par ailleurs, l'importance des constructions envisagées, qui représentent une emprise totale d'une superficie de 5 hectares, est de nature à porter atteinte au caractère de la zone tel qu'il est défini par le règlement du POS ci-dessus évoqué ; que le second motif invoqué en défense par le maire est, lui aussi, de nature à justifier la décision attaquée ; qu'il s'en suit que, si le maire de Manduel s'est fondé, à tort, dans sa décision de refus, sur la circonstance que le projet constitue une opération d'ensemble non prévue par l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols , il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les motifs sus-évoqués ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de substituer lesdits motifs à celui retenu initialement par le maire de Manduel dès lors qu'une telle substitution ne prive pas l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS, laquelle a été mise à même d'y répondre, d'une garantie de procédure ;

Considérant, en quatrième lieu, que les circonstances que l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS aurait été conseillée par la commune et par les services de l'Etat durant l'instruction de sa demande et que le refus contesté entraînerait un risque grave pour l'avenir des entreprises de M. Bois sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Manduel aurait en réalité refusé le permis sollicité à raison de ses doutes sur l'utilisation par l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS des constructions projetées ; que le détournement de pouvoir allégué n'est donc pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS, que celle-ci doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées par la commune de Manduel devant le tribunal administratif de Montpellier :

Considérant que les conclusions de la commune de Manduel tendant au rétablissement des devoirs du requérant au regard des règles d'urbanisme, des règles sanitaires et des règles fiscales présentent le caractère de conclusions reconventionnelles, lesquelles sont irrecevables en excès de pouvoir ; qu'elles ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées sur le fondement des dispositions précitées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0304141 du 19 avril 2007 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande de l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Manduel sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'E.U.R.L. PHILIPPE BOIS, à la commune de Manduel et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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N° 07MA022492

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA02249
Date de la décision : 05/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D'HERVE
Rapporteur ?: Mme Françoise SEGURA-JEAN
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SELARL PLMC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-06-05;07ma02249 ?
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