Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2005, présentée pour Mme Geneviève X et Mme Bernadette Y, demeurant ... et pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE CHARLANNE, représentée par son gérant et dont le siège est 69, boulevard de la Madeleine à Nice (06000) par Me Thalamas ; les requérantes demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 002841 du 29 juin 2005 du Tribunal Administratif de Nice qui a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Nice soit condamnée à leur verser la somme de 26 000 000 F en réparation des préjudices économiques et personnels subis du fait du refus fautif de leur accorder les autorisations d'urbanisme qu'elles avaient demandées ;
2°) de condamner la commune de Nice à leur verser la somme de 2 000 000 euros en réparation de ces mêmes préjudices et à ce que cette somme porte intérêts, qui seront eux même capitalisés à compter de l'enregistrement de leur requête, depuis le 11 avril 2000, date de leur demande préalable ;
3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise pour déterminer l'ampleur de leurs différents préjudices ;
4°) de condamner la commune de Nice à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces au dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :
- le rapport de M. d'Hervé, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, après avoir jugé que les décisions du 17 mars 1999 et du 14 février 2000 par lesquelles le maire de Nice avait rejeté comme nécessitant un permis de construire, respectivement, la déclaration de travaux puis la demande d'autorisation d'effectuer des travaux d'aménagement intérieurs d'un établissement recevant du public que Mme X avait présentées pour adapter un local situé boulevard de la Madeleine à Nice à l'exercice d'une activité commerciale étaient entachées d'illégalité fautive, a ensuite rejeté les conclusions indemnitaires de Mmes X et Y et de la SCI de CHARLANNE au motif que les préjudices dont ces dernières demandaient réparation étaient sans lien de causalité direct avec les fautes ainsi constatées ;
Sur la responsabilité de la commune de Nice :
Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la ville de Nice devant la Cour, la déclaration de travaux déposée le 15 janvier 1999 pour Mme X relative à la transformation d'un local affecté jusqu' au mois d'octobre 1997 à une activité de vente d'automobiles d'occasion pour y installer un commerce sous l'enseigne « Mr Bricolage » entraînait, compte tenu de la nature de ces activités successives, un changement d'affectation de ces locaux nécessitant, par application des dispositions de l'article L 421-1 du code de l'urbanisme alors applicable, la délivrance d'un permis de construire, ainsi que l'avait retenu le maire au soutien de sa décision de rejet en date du 17 mars 1999 ; qu'il n'est pas d'avantage établi par les pièces versées au dossier et relatives à ce dernier projet que l'autorisation d'ouvrir au public dans les mêmes locaux un magasin de bricolage, d'une surface de vente réduite à 300 m², nécessitait aussi la délivrance d'un permis de construire et ; que c'est ainsi à tort que le maire de Nice a opposé ce motif de refus à la nouvelle demande qu'avaient présentée Mmes X et Y ; que l'illégalité fautive des deux décisions susmentionnées est de nature à engager la responsabilité de la Ville de Nice ;
Sur les demandes indemnitaires présentées par les requérantes :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'instruction que le magasin pour l'aménagement duquel l'autorisation de travaux était demandée devait être exploité par la SARL MB06 constituée à cet effet ; que si Mmes Y et X et la SCI dont la SARL susmentionnée était locataire soutiennent que l'impossibilité d'exploiter leur a néanmoins causé un préjudice, en leurs qualités respectives d'associées et de bailleur, en les privant des revenus et loyers qu'elles pouvaient attendre de la réalisation de ce projet, un tel préjudice qui n'est ni actuel ni certain ne peut ouvrir droit à indemnisation ;
Considérant, en deuxième lieu, que les requérantes soutiennent que les décisions de la Ville de Nice leur ont fait subir une perte patrimoniale du fait de la péremption pour cause de non exploitation des locaux dont elles sont propriétaires pendant plus de deux ans ; qu'il est cependant constant qu'elles ont retrouvé la pleine disposition des dits locaux dès le mois d'octobre 1997 ; que s'il leur était loisible, ainsi qu'elles le font valoir, de refuser les propositions qui leur ont été faites après cette date pour privilégier leur propres projets, il ne résulte pas de l'instruction, alors qu'il est constant que la demande d'autorisation de travaux n'a pas été complétée à l'issue de la seconde demande de pièces adressée par le service instructeur le 4 mars 1999, que l'état d'avancement de leur projet initial permettait un début d'exploitation dans le délai précité, et qu'en tout état de cause le projet alternatif d'exploiter un magasin de taille plus réduite, sans lien avec l'enseigne retenue pour le précédent, n'a été présenté qu'en novembre 1999 ; qu'il n'est pas en outre contesté que les requérantes après avoir renoncé à leurs projets commerciaux, ont cédé l'immeuble au début de l'année 2000 pour une somme très supérieure à celle offerte en 1998 par un acquéreur pour y exploiter une activité commerciale de vente de meubles ; que le chef de préjudice ainsi allégué n'est pas dans ces conditions certain ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le projet de Mme X et Y d'exploiter un commerce sous l'enseigne « M. Bricolage » les avait conduites dès le milieu de l'année 1998 à en faire étudier la faisabilité matérielle et commerciale, et qu'elles avaient à cet effet consulté des cabinets spécialisés, noué plusieurs contacts avec les représentants de l'enseigne et que la fille de Mme X, qui devait participer au projet, avait reçu une formation payante adaptée dispensée par le groupe ; qu'il sera fait une juste appréciation, au vu des pièces justificatives apportées au dossier, du montant des seules dépenses utiles liées directement à l'étude et la conception de leur projet commercial et qui ont été exposées par les requérantes en pure perte du fait des conséquences sur l'aboutissement de leur projet initial de la décision illégale de la commune qui a contribué à son abandon en leur allouant une indemnité de 21 000 euros tous intérêts compris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, Mmes X et Y sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice après avoir retenu les fautes de la commune de Nice a néanmoins rejeté l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme Geneviève X et Mme Bernadette Y, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Nice au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Nice somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par Mme Geneviève X et Mme Bernadette Y ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 29 juin 2005 du Tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La ville de Nice versera la somme de 21 000 (vingt et un mille) euros à Mme Geneviève X et Mme Bernadette Y.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de Mme Geneviève X et Mme Bernadette Y et de la SCI de CHARLANNE est rejeté.
Article 4 : La ville de Nice versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Mme Geneviève X et Mme Bernadette Y en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Geneviève X, à Mme Bernadette Y, à la SCI DE CHARLANNE, à la commune de Nice et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
N° 05MA02678 4