La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2007 | FRANCE | N°06MA00372

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2007, 06MA00372


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les observations de Me Aonzo, du cabinet Boitel, pour M.

et Mme X,

- les observations de Me Plenot, substituant Me Moschetti, pour la commune de Nice,

- et les conc...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les observations de Me Aonzo, du cabinet Boitel, pour M. et Mme X,

- les observations de Me Plenot, substituant Me Moschetti, pour la commune de Nice,

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;



Considérant que, par jugement du 5 décembre 2005, le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme X tendant à ce que la commune de Nice soit condamnée à leur verser une indemnité de 5 635 400 F, correspondant à 859 111,19 euros, en réparation de l'atteinte à la propriété qu'ils subissent sur un terrain leur appartenant dans le quartier des Iscles du Var, et qui est due à la création et au maintien, par les plans successifs d'occupation des sols de la commune, d'un emplacement réservé grevant ledit terrain ainsi qu'au règlement du POS applicable à ce même terrain ; que M. et Mme X relèvent appel de ce jugement ;


Sur la régularité du jugement :

Considérant que, dès lors que les moyens tirés de la méconnaissance des principes de confiance légitime, sécurité juridique, bonne administration et sollicitude n'ont pas été invoqués dans la demande de première instance, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement devrait être annulé pour insuffisance de motivation au regard desdits moyens ;


Sur la responsabilité pour faute :

Considérant que, pour solliciter l'engagement de la responsabilité de la commune de Nice sur le fondement de fautes commises par cette dernière, les appelants invoquent une série de moyens par lesquels ils contestent la légalité des dispositions du plan d'occupation des sols (POS) approuvé le 29 septembre 2000, en tant qu'il a classé leur propriété à la fois dans l'emplacement réservé n° 4203 et dans la zone d'urbanisation future NAp ; que, dans un arrêt rendu le 7 novembre 2007, ces mêmes moyens ont été rejetés par la présente cour, laquelle a donc écarté les prétendues illégalités qui auraient entaché la délibération du 29 septembre 2000 ; que, par suite, en l'absence des illégalités fautives alléguées, la responsabilité pour faute de la commune ne peut être engagée ;


Sur la responsabilité sans faute :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.- Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ... » ;

Considérant que, si l'article L.160-5 du code de l'urbanisme pose le principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme, il n'est pas incompatible avec les stipulations précitées de l'article 1er du protocole additionnel et ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

Considérant, d'abord, que les contraintes d'urbanisme dont se plaignent les appelants, consistant, ainsi qu'il a été dit plus haut, d'une part en une servitude d'emplacement réservé grevant leur propriété depuis plusieurs décennies et d'autre part en un classement de ladite propriété en zone NAp du POS, ont pour objet, non pas de priver les appelants de la propriété de leur bien mais de réglementer leur droit de construire, qui, faute d'être un droit nécessairement attaché à la propriété du terrain, relève de l'usage d'un tel bien au sens des stipulations précitées du protocole ; qu'elles ne sont pas ainsi de nature à faire regarder M. et Mme X comme subissant une expropriation de fait, dès lors que les appelants ont conservé l'usage de leur propriété et que l'existence de la procédure de délaissement, prévue par les dispositions de l'article L.123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce, était, et reste, de nature à leur assurer le droit au respect de leur bien protégé par les stipulations précitées de la convention européenne ; qu'en effet, cette procédure leur a toujours permis d'exiger de la commune de Nice l'acquisition de leur bien à un prix fixé comme en matière d'expropriation, le juge de l'expropriation évaluant alors le bien comme ayant cessé d'être compris dans l'emplacement réservé ; que, certes, M. et Mme X prétendent que leur droit de délaissement a constamment revêtu un caractère fictif, compte tenu que les mesures prises par la commune relatives tant au choix du zonage qu'à la fixation d'un coefficient d'occupation des sols très bas auraient conduit le juge de l'expropriation à ne leur proposer qu'une indemnité dérisoire comparée à la valeur économique réelle de leur bien ; que, toutefois, ces limitations du droit à construire ne constituent pas, par elles-mêmes, des mesures attentatoires au droit de propriété sauvegardé par les stipulations précitées, l'objet de toute réglementation d'urbanisme étant de distinguer, au regard de ce droit fondamental, des zones où les possibilités de construire sont différentes, et ce sur des périodes pouvant s'étendre sur de nombreuses années ; qu'en outre, et comme l'ont déjà rappelé les premiers juges, dans l'évaluation des biens à laquelle il procède dans le cadre de l'exercice du droit de délaissement, le juge de l'expropriation tient compte des servitudes, autres que celle découlant de l'institution d'un emplacement réservé, et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date du POS dans son état le plus récent, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive ;

Considérant qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que, par leur contenu ou par les circonstances dans lesquelles elles ont été instituées, les servitudes grevant la propriété de M. et Mme X feraient peser sur les intéressés une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les objectifs d'intérêt général poursuivis par la commune de Nice ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à prétendre que la responsabilité sans faute de la commune de Nice doit être engagée au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme : « N'ouvrent droit à aucune indemnité... les servitudes instituées par application du présent livre en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain... » ;

Considérant que, si les appelants ont entendu également solliciter l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune de Nice sur le fondement des deux hypothèses d'indemnisation expressément prévues par l'article L.160-5 précité, les servitudes en cause n'ont pas pour effet direct d'entraîner un changement dans l'état des lieux et il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme X auraient été titulaires de droits acquis auxquels lesdites servitudes auraient porté atteinte ; qu'ainsi les appelants ne sont pas fondés à prétendre que la responsabilité sans faute de la commune de Nice doit être engagée au regard des dispositions précitées ;

Considérant, en troisième lieu, que les appelants ne sont pas plus fondés à prétendre que la responsabilité sans faute de la commune de Nice devrait être engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que le régime légal de responsabilité instauré par l'article L.160-5 du code de l'urbanisme relatif aux servitudes d'urbanisme est exclusif de tout autre mode de réparation ;

Considérant enfin que si les appelants invoquent l'absence de loyauté et de transparence qui caractériserait le comportement de la commune de Nice et le rattachent à la méconnaissance des principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de bonne administration et de sollicitude, ils n'établissent aucunement le lien de causalité qui existerait entre le comportement reproché et le préjudice dont ils demandent réparation, à savoir la perte de valeur vénale de leur bien ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Nice soit condamnée à leur verser une indemnité réparant le préjudice qu'ils allèguent ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. et Mme X le paiement à la commune de Nice de la somme de 150 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : M. et Mme X verseront la somme de 150 (cent cinquante) euros à la commune Nice en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à la commune de Nice et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.
N° 06MA00372
2

RP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00372
Date de la décision : 22/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAFFET
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-11-22;06ma00372 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award