Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a retiré sa carte de résident.
Par un jugement n° 2400043 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Côte-d'Or de restituer la carte de résident à M. C....
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2024, D..., représenté par Me Rannou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Dijon ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est applicable dès lors que la composition pénale constitue une condamnation pénale et que la condamnation de M. C... était devenue définitive.
M. C..., qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 24 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal et le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant du Kosovo, né le 1er novembre 1992, entré sur le territoire français le 24 janvier 2015, marié le 7 octobre 2017 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident délivrée en qualité de réfugiée valable du 18 juillet 2017 au 17 juillet 2027, s'est vu délivrer une carte de résident mention " membre de famille de réfugié " valable du 30 juillet 2020 au 29 juillet 2030. Par un arrêté du 7 novembre 2023, le préfet de la Côte-d'Or a procédé au retrait de cette carte de résident et lui a délivré une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " valable un an sur le fondement de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet relève appel du jugement du 17 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Si un étranger qui ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3 est titulaire d'une carte de résident cette dernière peut lui être retirée s'il fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement des articles 433-3,433-4, des deuxième à quatrième alinéas de l'article 433-5, du deuxième alinéa de l'article 433-5-1 ou de l'article 433-6 du code pénal. Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui est alors délivrée de plein droit. ".
3. Aux termes de l'article 433-3 du code pénal : " Est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (...) Est punie des mêmes peines la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l'encontre d'un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, d'un enseignant ou de tout membre des personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire ou de toute autre personne chargée d'une mission de service public ainsi que d'un professionnel de santé, dans l'exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur. (...) ".
4. Aux termes de l'article 40-1 du code de procédure pénale : " Lorsqu'il estime que les faits (...) constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République (...) décide s'il est opportun : 1° Soit d'engager des poursuites ; 2° Soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1,41-1-2 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. ". Aux termes de l'article 41-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consiste en une ou plusieurs des mesures suivantes : 1° Verser une amende de composition au Trésor public. (...) 13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté ; (...) Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. (...) La proposition de composition pénale émanant du procureur de la République (...) fait alors l'objet d'une décision écrite et signée de ce magistrat, qui précise la nature et le quantum des mesures proposées et qui est jointe à la procédure. (...) La personne à qui est proposée une composition pénale est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du procureur de la République. Ledit accord est recueilli par procès-verbal. (...) Lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal aux fins de validation de la composition. (...) Le président du tribunal (...) valide la composition pénale lorsque les conditions prévues aux vingt-cinquième à vingt-septième alinéas sont remplies et qu'il estime les mesures proposées justifiées au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Il refuse de valider la composition pénale s'il estime que la gravité des faits, au regard des circonstances de l'espèce, ou que la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient le recours à une autre procédure, ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application du présent alinéa apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. Si ce magistrat rend une ordonnance validant la composition, les mesures décidées sont mises à exécution. Dans le cas contraire, la proposition devient caduque. La décision du président du tribunal, qui est notifiée à l'auteur des faits et, le cas échéant, à la victime, n'est pas susceptible de recours. Si (...), après avoir donné son accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées, le procureur de la République met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau. En cas de poursuites et de condamnation, il est tenu compte, s'il y a lieu, du travail déjà accompli et des sommes déjà versées par la personne. Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la composition pénale sont interruptifs de la prescription de l'action publique. L'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. La victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l'auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal, composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. La victime a également la possibilité, au vu de l'ordonnance de validation, lorsque l'auteur des faits s'est engagé à lui verser des dommages et intérêts, d'en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile. (...) Les compositions pénales exécutées sont inscrites au bulletin n° 1 du casier judiciaire. (...) ".
5. L'exécution d'une composition pénale, laquelle est, en vertu des articles 40-1 et 41-2 précités du code de procédure pénale, une mesure alternative aux poursuites, ne constitue pas une condamnation pénale définitive autorisant le préfet à retirer la carte de résident d'un étranger ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'expulsion sur le fondement de l'article L. 432-12 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quand bien même les faits commis relèvent des articles du code pénal cités par ces dispositions.
6. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 février 2022, le délégué du Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon a proposé une composition pénale à M. C..., qui a accepté, le même jour, d'exécuter les mesures proposées. Par une ordonnance du 3 mars 2022, le président du tribunal a validé la composition pénale disposant que M. C... avait menacé, le 8 décembre 2021, de commettre un crime ou un délit à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public agissant dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, en l'espèce un agent de sécurité de la préfecture de Dijon, que l'intéressé devait exécuter un stage de citoyenneté et qu'il y avait lieu de verser une indemnité de 500 euros au titre de la réparation du préjudice subi par la victime. Par un avis du 14 novembre 2023, le délégué du Procureur de la République a constaté que les mesures décidées dans le cadre de la composition pénale avaient été exécutées par M. C.... En procédant au retrait de la carte de résident de M. C... au motif qu'il avait fait l'objet d'une condamnation définitive le 3 mars 2022, le préfet de la Côte-d'Or a, comme l'a relevé le tribunal administratif, commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 7 novembre 2023 portant retrait de la carte de résident de M. C... et délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ". Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02916