Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 mai 2024 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2404136 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2024, M. B... C..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, le tout dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt, et de s'assurer de l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'insuffisance de motivation ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les articles 3-1, 7-1, 9-1 et 18-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
La préfète de l'Isère, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien, né le 14 janvier 1998, qui est entré sur le territoire français le 19 octobre 2019 selon ses déclarations, s'est marié le 24 octobre 2020 avec une ressortissante géorgienne titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 8 septembre 2021 au 7 septembre 2025. La demande d'asile du requérant a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 mars 2021. Par un arrêté du 18 juin 2021, le préfet de l'Isère a obligé M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... a demandé, le 28 février 2023, la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 mai 2024, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 12 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué qu'il avait invoqué en première instance. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Grenoble au point 3 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article L. 434-2 de ce code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans (...) ".
4. M. C..., qui est marié avec une ressortissante géorgienne titulaire d'un titre de séjour, entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes de l'article L. 312-1 A du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des conditions mentionnées à l'article L. 311-2, les visas mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-4 ne sont pas délivrés à l'étranger qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français depuis moins de cinq ans et n'apporte pas la preuve qu'il a quitté le territoire français dans le délai qui lui a été accordé au titre de l'article L. 612-1 ou, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article L. 612-2. Dans le cas où des circonstances humanitaires de même nature que celles prises en compte pour l'application des articles L. 612-6 et L. 612-7 sont constatées à l'issue d'un examen individuel de la situation de l'étranger, le premier alinéa du présent article n'est pas applicable. ".
6. M. C... ne séjourne sur le territoire français que depuis un peu moins de cinq ans, alors qu'il a vécu vingt-et-un ans en Arménie où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. S'il s'est marié le 24 octobre 2020 avec une ressortissante géorgienne titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, ce mariage est récent, alors que M. C... ne démontre pas de vie commune avec son épouse antérieurement à leur mariage. Il ne démontre pas davantage, par la seule production de l'attestation de sa conjointe, que celle-ci aurait besoin de son soutien permanent en raison d'une fragilité psychologique liée à une troisième fausse couche. Si M. C... soutient qu'il sera séparé de son épouse et de son fils, né le 31 juillet 2021, le temps de la procédure de regroupement familial, étant donné que les autorités françaises refuseront pendant un délai de cinq ans de lui délivrer un visa de long séjour au titre du regroupement familial en l'absence d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours du 14 mai 2024, il ressort de l'article précité L. 312-1 A du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les autorités françaises ne sont pas en situation de compétence liée. Au demeurant, le requérant pourra contester une éventuelle décision de refus de visa long séjour en se fondant sur les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. M. C... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française en se bornant à produire une promesse d'embauche du 20 juillet 2021 en contrat à durée indéterminée à temps plein en tant que maçon, ainsi qu'à démontrer avoir réalisé des petits travaux auprès de particuliers, avoir atteint le niveau Delf A1 en langue française, et entretenir des relations avec deux ressortissants français. Le requérant ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle, doivent être écartés.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. (...) ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) ". Aux termes de l'article 18 de la même convention : " 1. Les Etats parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents (...) ".
8. M. C... ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées, qui créent seulement des obligations entre Etats, sans ouvrir de droits aux personnes.
9. En cinquième et dernier lieu, M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour qu'il avait invoqué en première instance à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 9 du jugement.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02705