Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2303258 du 11 avril 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2024, M. A..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler et réformer ce jugement et d'annuler cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation, par simple référence à une analyse effectuée par les services de la police aux frontières, méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en outre, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour, méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- les décisions lui accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire.
La requête a été communiquée au préfet de la Côte-d'Or, qui n'a pas présenté d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant malien né, selon ses déclarations, en 2004, est entré irrégulièrement en France en février 2021 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or à compter du 3 mars 2021 jusqu'au 18 avril 2022. Le 28 mars 2023, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 octobre 2023, dont il a demandé l'annulation au tribunal administratif de Dijon, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 11 avril 2024 dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, la décision de refus de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Notamment, le préfet a détaillé l'ensemble des pièces produites par l'intéressé au soutien de sa demande afin d'établir son état civil et a précisé qu'elles avaient été soumises pour expertise aux services spécialisés de la police aux frontières de Chenôve qui, selon leur rapport technique documentaire établi le 26 juin 2023, ont rendu un avis défavorable. Ce refus, qui n'avait pas à être davantage motivé sur ce point, n'a donc pas méconnu les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Et aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". L'article L. 811-2 de ce code prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En application de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, peut procéder ou faire procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 20 du décret n° 2013-728 du 12 août 2013 a confié à la direction nationale de la police aux frontières (PAF), notamment en charge du respect de la réglementation relative à la lutte contre l'immigration irrégulière, la mise en œuvre des dispositifs de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité.
5. Ainsi, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative peut régulièrement procéder à des vérifications en s'appuyant, notamment, sur l'expertise technique des services compétents de la PAF et, le cas échéant, renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité de l'acte en question. Elle n'est en revanche pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
6. M. A... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour la copie intégrale d'un acte de naissance n° 344 qui a été établi le 26 avril 2004, un extrait d'acte de naissance, une carte consulaire n° 377/CGML/22 du 10 mars 2022 ainsi qu'un passeport n° AA1017791 délivré le 20 mars 2023 à Bamako. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si, dans leur rapport d'examen technique documentaire du 26 juin 2023, les services de la PAF ont émis un avis défavorable sur la valeur probante de la copie intégrale de l'acte de naissance, ils n'ont cependant pas relevé d'éléments de nature à établir qu'eu égard à ses caractéristiques techniques, ce document, réputé avoir été rédigé de manière contemporaine à la naissance de l'intéressé, n'aurait en réalité pas été établi en 2004. La seule circonstance que ce document ne comporte pas la mention de l'heure de naissance ne suffit pas à établir qu'il serait dépourvu d'authenticité. Comme l'intéressé le relève, le préfet de la Côte-d'Or a donc retenu à tort que la " véritable identité de M. A... n'était pas clairement établie " et qu'il ne serait pas né le 18 avril 2004.
7. Toutefois, le préfet a également fondé sa décision sur l'absence de caractère réel et sérieux de la formation suivie. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui préparait un certificat d'aptitude professionnelle " boucher " dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, a cumulé plus de cinquante-trois heures d'absences injustifiées au second semestre de l'année scolaire 2022-2023 et a obtenu une moyenne générale de 9,40/20 en 2022. Si M. A... soutient qu'aucun professeur ne relève ces absences dans les appréciations et qu'il n'en est pas fait mention dans l'appréciation générale du second semestre, toutefois il n'en conteste pas sérieusement la réalité. Au demeurant, le préfet a également relevé des appréciations défavorables et des résultats insuffisants. S'il est vrai que les résultats obtenus au second semestre ont été un peu plus satisfaisants, avec une moyenne de 10,09/20 contre 8,70 au premier semestre, et des appréciations plus favorables, soulignant pour certaines une progression, avec une appréciation générale indiquant " bon travail et bonne motivation ", alors qu'au premier semestre la nécessité de faire des efforts, en particulier de comportement, était soulignée, il apparaît toutefois que, dans l'ensemble, sa situation demeurait fragile. Un professeur relevait à cet égard la persistance d'un manque d'effort personnel au second semestre, et la moyenne générale de l'année était inférieure à dix. Il apparaît en outre que, pour l'année 2023-2024, M. A... n'a pas été réinscrit dans le même CAP, et qu'il a envisagé, selon le rapport de la structure d'accueil, de " poursuivre " sa formation à l'école des métiers de Dijon Métropole, formation qu'il aurait dû commencer le 16 octobre 2023, mais à laquelle la mesure d'éloignement a fait obstacle. Dans ces circonstances, et en dépit de certaines appréciations positives de professeurs et de ses employeurs, il n'apparaît pas que M. A... aurait réellement et sérieusement suivi sa formation. Par suite, et comme l'ont relevé les premiers juges, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Côte-d'Or, qui aurait pris la même décision pour ce seul motif, a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 précité.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de M. A..., célibataire et sans enfant, est récent. S'il a pu donner satisfaction à ses employeurs en boucherie où il a travaillé en qualité d'apprenti, il n'a pas obtenu de CAP dans cette spécialité ni poursuivi sa formation en deuxième année. S'il se prévaut du rapport favorable de la structure d'accueil, et d'une insertion professionnelle et amicale dans la société française, il ne justifie pas d'attaches stables et anciennes en France, alors qu'il a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où il conserve ses parents. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de Côte-d'Or n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Le moyen doit donc être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
I. Boffy
Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01850
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