Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2400133 du 12 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 juin 2024, Mme C..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler et de réformer ce jugement et d'annuler cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer une autorisation de séjour, à défaut de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors que la demande d'asile de son conjoint est en cours de réexamen et que ses enfants sont scolarisés, pour le dernier selon des modalités adaptées ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 21 août 2024, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 février 2025, l'instruction a été close au 28 février 2025.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante de Macédoine du Nord, née le 1er novembre 1980 et entrée régulièrement en France le 3 mars 2022, a présenté simultanément une demande de protection internationale le 21 juin 2022 et une demande de titre de séjour en qualité d'étranger parent d'enfant malade le 5 avril 2022. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 décembre 2022 et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 juillet 2023. Par un arrêté du 14 décembre 2023, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Dijon. Par un jugement du 12 mars 2024 dont elle relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Et aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".
3. Aux termes de son avis du 16 octobre 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué que l'état de santé de l'enfant B... A... nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le rapport médical du médecin de l'OFII, établi après analyse des pièces médicales et examen de l'enfant, concluait à un trouble du spectre autistique, associé, au premier plan, à un retard du développement psychomoteur, avec une déficience du comportement absente ou minime. Il ressort des autres pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du neuropédiatre en charge du suivi de l'enfant au CHU de Dijon du 30 janvier 2024, postérieur à la date de la décision, que l'enfant de Mme C... présentait un retard global de développement psychomoteur, " en cours de bilan ", l'enfant étant " en attente d'une orientation scolaire spécialisée ", d'un " bilan et suivi orthophonique à mettre en place " et en " attente de prise en charge SESSAD ". Si par une décision du 9 avril 2024, la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a reconnu un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, justifiant une orientation en institution spécialisée, cette mesure n'était envisagée que dans les limites des places disponibles, d'autres alternatives étant également envisagées vers d'autres organismes ou selon des modalités adaptées en milieu scolaire, en fonction des places disponibles. Ainsi, à la date de la décision, la pathologie était en cours d'exploration, et les étayages nécessaires, de nature psycho-éducative, n'étaient pas mis en place en France. Dès lors, la décision ne pouvait avoir pour effet d'interrompre une prise en charge, ni pour conséquence le recul d'acquis qu'un tel étayage aurait pu, le cas échéant, apporter. Au demeurant, sur ce dernier point, le rapport médical devant l'OFII relevait que l'état de l'enfant était stabilisé, et l'office faisait valoir qu'il était peu susceptible d'évolution, dès lors que l'enfant était déjà âgé de sept ans au moment des explorations diagnostiques. Dans ces conditions, aucun des courriers ou attestations produits par la requérante ne permet de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. Au surplus, il ressort des pièces produites par cet office que des prises en charge pédopsychiatrique et psychologique sont possibles en Macédoine du Nord, notamment à la clinique universitaire de pédiatrie du centre clinique " Mother Theresa " de Skopje, et que la société macédonienne pour l'autisme constitue un relais utile pour les familles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-10 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de la famille de Mme C..., de nationalité macédonienne, était en France depuis un peu moins de deux ans à la date de la décision en litige. Si la requérante se prévaut de son état de santé, la seule production d'un certificat médical en date du 12 janvier 2024, mentionnant un syndrome anxiodépressif, ne suffit pas à considérer qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine. Mme C... ne justifie par ailleurs d'aucune attache particulière sur le territoire français ni d'aucun élément particulier d'insertion. Alors que les demandes d'asile des deux parents ont été rejetées, dont la demande de réexamen de Mme C..., pour irrecevabilité, par l'OFPRA le 10 octobre 2023, et celle de M. A..., en procédure accélérée le 11 octobre 2023, ce dernier faisant également l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 14 décembre 2023, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale dans leur pays d'origine, où, ainsi qu'il a été dit au point 3, il n'apparaît pas que leur enfant B... ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge, ni que les autres enfants du couple, dont la scolarisation en France est récente, ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité. La seule production d'une promesse d'embauche comme apprenti de leur fils aîné, au demeurant postérieure à la décision attaquée, ne saurait contredire ce point. Ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour contesté méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Le moyen doit donc être écarté.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme C....
Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. /L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. /Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été précisé au point 5, que la demande de réexamen de M. A... au titre de l'asile a été rejetée par l'OFPRA le 11 octobre 2023 et qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à la même date que Mme C.... Quand bien même il aurait présenté une demande de réexamen au titre de l'asile, cette demande n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour en France. D'autre part, la scolarité, récente, des enfants de la requérante ne justifiait pas l'octroi d'un délai de départ supérieur à trente jours, alors que l'accompagnement multidisciplinaire nécessité par l'état de santé du jeune B... n'était pas en place à la date de la décision. Par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Côte-d'Or a pu octroyer un délai de trente jours à la requérante pour mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme C... soutient qu'au regard de son appartenance à la communauté Rom et aux persécutions dont cette dernière fait l'objet, elle craindrait pour sa vie et serait soumise à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par Mme C... a été rejetée le 21 décembre 2022 par l'OFPRA, puis le 10 juillet 2023 par la CNDA. Par décision du 11 octobre 2023, l'OFPRA a déclaré irrecevable sa demande de réexamen présentée le 2 octobre 2023, au motif que l'intéressée n'apportait aucun élément nouveau. Rien ne permet de tenir pour avérés les motifs de ses craintes comme le caractère personnel et actuel des risques invoqués. Le moyen tiré de la violation des stipulations l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme C... la somme que le préfet de la Côte-d'Or réclame au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
I. Boffy
Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01822
lc