Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande, présentée au maire de Tassin-la-Demi-Lune, tendant à l'abrogation de la décision de supprimer les menus de substitution proposés dans les cantines scolaires, et de remettre en place ces menus.
Par jugement n° 2300151 du 22 octobre 2024, le tribunal a annulé cette décision et a enjoint à la commune de Tassin-la-Demi-Lune de réintroduire les menus de substitution proposés aux élèves inscrits à la restauration scolaire dans les conditions qui existaient avant la rentrée 2016.
Procédure devant la cour
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2024 et le 12 mai 2025 sous le n° 24LY03517, la commune de Tassin-la-Demi-Lune, représentée par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée au tribunal par Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et entaché de contradiction de motifs ;
- la demande de première instance est irrecevable, d'une part, faute pour Mme B... d'invoquer un intérêt lui donnant qualité pour agir, d'autre part, en raison de l'absence de décision de supprimer les menus de substitution et, enfin, pour tardiveté ;
- compte tenu de la modification du mode de préparation et de livraison des repas, désormais livrés en liaison froide depuis une cuisine située dans une autre commune où ils ont été préparés, l'adaptation ponctuelle des menus ne pouvait plus être proposée à compter de 2016 ;
- la décision implicite de rejet du 19 février 2023 ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par mémoires, enregistrés le 23 avril 2025 et le 30 mai 2025, Mme B..., représentée par Me Comte, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'enjoindre la commune de Tassin-la-Demi-Lune de remettre en place les menus de substitution au sein des cantines scolaires dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Tassin-la-Demi-Lune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier dès lors qu'il est suffisamment motivé et qu'il n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
- la demande de première instance est recevable, dès lors qu'elle invoque un intérêt lui donnant qualité pour agir, que la commune a pris la décision de supprimer les menus de substitution qui étaient distribués antérieurement et enfin que sa demande n'est pas tardive ;
-la délégation de service public applicable avant 2016 démontre l'existence à cette période de menus de substitution ;
- en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, la commune était tenue d'abroger la décision de suppression des menus de substitution, de portée réglementaire, qui était illégale ;
- la décision est illégale dès lors qu'elle ne peut se fonder sur le principe de laïcité et qu'elle n'est justifiée par aucun autre motif.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 24LY03518, la commune de Tassin-la-Demi-Lune, représentée par Me Petit, demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2300151 du tribunal administratif de Lyon du 22 octobre 2024, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner Mme B... aux dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que les moyens invoqués dans la requête d'appel enregistrée sous le n° 24LY03517 sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions en annulation accueillies par ce jugement.
En application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de Mme C...,
- et les observations de Me Petit pour la commune de Tassin-la-Demi-Lune, celles de Me Comte et Me Ramière de Fortanier pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 26 octobre 2022, Mme B... a demandé au maire de Tassin-la-Demi-Lune d'abroger la décision ayant mis fin à la pratique consistant à proposer des repas différenciés, permettant aux usagers de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, au sein des restaurants scolaires de la commune, et de remettre en place ces menus de substitution. En l'absence de réponse expresse, elle a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande. Par une requête enregistrée sous le n° 24LY03517, la commune de Tassin-la-Demi-Lune relève appel du jugement du 22 octobre 2024 par lequel le tribunal a annulé cette décision et lui a enjoint de réintroduire les menus de substitution proposés aux élèves inscrits à la restauration scolaire dans les conditions qui existaient avant la rentrée 2016. Par une requête enregistrée sous le n° 24LY03518, la commune de Tassin-la-Demi-Lune demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Ces requêtes ayant trait au même litige, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la requête n° 24LY03517 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les premiers juges, qui ont mentionné les éléments factuels leur ayant permis de relever l'existence d'une décision de suppression des menus de substitution, ont suffisamment motivé leur réponse à la fin de non-recevoir, opposée par la commune de Tassin-la-Demi-Lune, tirée de ce que, une telle décision n'ayant jamais été adoptée, la demande de Mme B... était, dès son introduction, dépourvue d'objet. Par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé.
3. En second lieu, la circonstance, à la supposer établie, que le jugement attaqué soit entaché d'une contradiction de motifs est par elle-même sans incidence sur sa régularité.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
S'agissant de l'existence de la décision de suppression des menus de substitution :
4. D'une part, indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, un tiers à un contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation des clauses réglementaires contenues dans un contrat administratif qui portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts. Il est également recevable à demander, par la même voie, l'annulation du refus d'abroger de telles clauses à raison de leur illégalité.
5. D'autre part, revêtent un caractère réglementaire les clauses d'un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l'organisation ou le fonctionnement d'un service public.
6. Aux termes de l'article 18, relatif au règlement du service, du contrat d'affermage du service public de restauration scolaire conclu par la commune de Tassin-la-Demi-Lune pour la période du 29 août 2012 au 29 août 2015, reconduit jusqu'au 29 août 2016 : " (...) Le règlement du service comprend notamment (...) les possibilités d'adaptation des menus (en raison de prescriptions médicales ou de pratiques religieuses), les modalités d'information sur les modifications apportées aux menus (...) ". Aux termes de l'article 25 de ce contrat, relatif à l'élaboration des menus : " Les menus correspondront aux normes énoncées ou à toutes nouvelles dispositions les complétant ou les remplaçant (...) Des adaptations sont notamment prévues : - pour les enfants des classes maternelles lorsque cela est nécessaire, - en cas d'allergies alimentaires notifiées - pour raisons cultuelles (sans porc, sans viande...). Dans ces cas, le plat de substitution devra être le plus proche, dans sa présentation, du plat initial servi aux autres rationnaires, et l'équilibre nutritionnel respecté autant que faire se peut ".
7. Aux termes de l'article 4, relatif à l'objet et à la portée du contrat, du contrat conclu pour la période du 29 août 2016 au 29 août 2019, repris dans les mêmes termes dans le contrat conclu pour la période du 1er septembre 2019 au 30 août 2023 : " Le concessionnaire (...) a pour mission d'assurer la confection de ces repas livrés en liaison froide. Par ailleurs, le fermier assure : (...) - l'élaboration des menus en conformité avec le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire (...) - la confection des repas en conformité avec les prescriptions qualitatives et nutritionnelles définies au chapitre VII et les normes de sécurité et d'hygiène en vigueur (...) ". Aux termes de l'article 23, relatif à l'élaboration des menus, de ce contrat : " (...) Les menus correspondront aux normes énoncées ou à toutes nouvelles dispositions les complétant ou les remplaçant. Ils seront élaborés sous le couvert d'un(e) diététicien(ne), doivent satisfaire à des exigences d'apport énergétique et d'équilibre nutritionnel en rapport, en particulier, avec l'âge des enfants et s'inscrire dans le cadre de la grille mensuelle de contrôle des fréquences des repas. Des adaptations pourront éventuellement être prévues pour les enfants des classes maternelles lorsque cela est nécessaire : le plat de substitution devra être le plus proche, dans sa présentation, du plat initial servi aux autres rationnaires, et l'équilibre nutritionnel respecté autant que faire se peut (...) ". Et aux termes de l'article 43 - règlement du service : " (...) Le règlement du service comprend notamment le régime d'inscription, les horaires des repas, les règles de discipline interne pour les élèves, les modalités d'information sur les modifications apportées aux menus et le régime de perception du prix des repas. (...) Ce règlement prévoira notamment : (...) - les modalités de service des repas (horaires, régimes alimentaires spécifiques) (...) Les menus seront proposés pour les périodes inter vacances scolaires (...) Les menus seront éventuellement modifiés à la suite des observations de la collectivité (...) ".
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des clauses du contrat d'affermage du service public de restauration scolaire conclu par la commune de Tassin-la-Demi-Lune pour la période du 29 août 2012 au 29 août 2015, reconduit jusqu'au 29 août 2016, et relatives au règlement du service et à l'élaboration du menu, que le service de restauration, en prévoyant un plat alternatif au plat principal contenant du porc ou de la viande, organisait la distribution d'un menu de substitution, alors même qu'il n'offrait qu'un menu unique avec une possibilité d'adaptations ponctuelles, et non, de façon systématique, une pluralité de menus. Alors que le règlement du service applicable pour les années scolaires 2012 à 2016 comprenait ainsi des possibilités d'adaptation des menus pouvant correspondre à des pratiques religieuses, et qu'il était prévu pour ce faire de proposer aux usagers des menus sans porc ou sans viande, il ressort des stipulations du cahier des charges du contrat conclu pour la période du 29 août 2016 au 29 août 2019, repris dans les mêmes termes dans le contrat conclu pour la période du 1er septembre 2019 au 30 août 2023, qu'aucune possibilité similaire n'a été ouverte à compter du mois de septembre 2016, les seules adaptations au menu étant réservées aux enfants en bas âge et aux régimes alimentaires spécifiques sans référence à un motif religieux ou cultuel. Il s'ensuit qu'en concluant les contrats relatifs aux années 2016 à 2019 puis aux années 2019 à 2023, dont le cahier des charges traduisait ses demandes et les conditions dans lesquelles elle entendait régir le service public de restauration scolaire, la commune a mis un terme à la possibilité, qu'elle avait organisée au titre de la période antérieure comprise entre 2012 et 2016, de distribuer un menu alternatif aux usagers ne consommant pas de porc ou de viande pour des raisons religieuses. Dans de telles conditions, la commune de Tassin-la-Demi-Lune n'est pas fondée à soutenir qu'aucune décision de suppression de menus de substitution n'a été adoptée.
9. En second lieu, la commune fait valoir que le conseil municipal était seul compétent pour abroger une clause réglementaire du contrat de concession. Toutefois, dès lors qu'il n'a pas statué sur la demande d'abrogation que le maire devait inscrire à l'ordre du jour, en application de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, il est réputé avoir rejeté cette demande. Par suite, et en tout état de cause, la commune de Tassin-la-Demi-Lune n'est pas fondée à soutenir que la demande de Mme B... adressée au seul maire n'aurait pas été de nature à faire naître une décision susceptible de faire l'objet d'un recours.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Tassin-la-Demi-Lune n'est pas fondée à soutenir que la demande de Mme B... tendant à l'abrogation de la décision de suppression des menus de substitution était dépourvue d'objet.
S'agissant de l'intérêt à agir de Mme B... :
11. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte au regard des circonstances qui prévalent à la date de sa décision.
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère de trois enfants, nés en 2016, 2019 et 2022, qui sont scolarisés au sein des écoles de la commune de Tassin-la-Demi-Lune à la date du présent arrêt. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que, dès lors que ces enfants n'ont pas bénéficié des repas de substitution distribués avant l'année 2016, Mme B... serait dépourvue d'intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision en litige.
S'agissant de la tardiveté de la demande :
13. D'une part, si Mme B... a demandé l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation de la décision de suppression des menus de substitution qui aurait été révélée, notamment, par les délibérations du conseil municipal de la commune de Tassin-la-Demi-Lune du 1er juin 2016 et 6 juillet 2016, elle n'a pas sollicité l'annulation de ces délibérations. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que, dès lors que ces délibérations ont été affichées le 13 juillet 2016, la demande tendant à leur annulation, présentée au-delà du délai de deux mois ouverts par l'article R. 421-1 du code de justice administrative, était irrecevable.
14. D'autre part, aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...) ". Aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". L'article R. 112-5 de ce code précise que cet accusé de réception " indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet " et, dans ce cas, " mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision ". L'article L. 112-6 du même code dispose que : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 15 novembre 2022, par lequel la commune de Tassin-la-Demi-Lune a accusé réception de la demande de Mme B... du 26 octobre 2022 tendant à l'annulation du refus d'abroger la décision de suppression des menus de substitution, ne mentionnait pas que le silence conservé sur cette demande était susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, en méconnaissance des dispositions du code des relations entre le public et l'administration précitées. Par suite, le délai de recours de deux mois prévus à l'article R. 421-2 du code de justice administrative étant inopposable, la commune de Tassin-la-Demi-Lune n'est pas fondée à soutenir que la demande de Mme B..., qui avait été présentée dans un délai raisonnable, était tardive et par suite, irrecevable.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
16. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme B... a sollicité l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande qu'elle avait présentée tendant à l'abrogation de la décision de la commune de Tassin-la-Demi-Lune de supprimer les menus de substitution distribués par le service de restauration scolaire. Cette décision, qui s'est traduite dans les clauses du cahier des charges du contrat d'affermage du service public de restauration scolaire pour la période débutant en 2016, lesquelles concernent l'organisation et le fonctionnement du service public, revêt, ainsi qu'il a été dit au point 5, un caractère réglementaire. En conséquence, en application des dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration citées au point 14, la commune de Tassin-la-Demi-Lune était tenue d'en prononcer l'annulation, dans le cas où cette décision était illégale.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ". Aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ". Aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'éducation : " L'Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse ".
18. S'il n'existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires d'un service public de restauration scolaire de distribuer à ses usagers des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, et aucun droit pour les usagers qu'il en soit ainsi, dès lors que les dispositions de l'article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers, ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d'égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas.
19. Lorsque les collectivités ayant fait le choix d'assurer le service public de restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d'organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l'intérêt général qui s'attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier de ce service public, au regard des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont disposent ces collectivités.
20. Il ressort des pièces du dossier que, lors de la réorganisation du service public de la restauration scolaire qu'elle a entreprise à l'occasion du changement de délégataire de ce service, la commune de Tassin-la-Demi-Lune, ainsi qu'elle le reconnaît expressément, a estimé que, pour l'application des principes de laïcité et de neutralité du service public, elle n'était pas tenue de prendre en compte les convictions religieuses des usagers qui imposeraient une alternative au menu et que les usagers n'avaient aucun droit à une telle prise en compte.
21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, ce faisant, la commune ait recherché à tenir compte de l'intérêt général qui s'attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier du service public de la restauration scolaire, quelle que soit leur confession. A cet égard, la seule circonstance que les parents d'élèves sont avertis plusieurs semaines à l'avance de la composition des menus ne suffit pas à garantir que les enfants puissent effectivement bénéficier d'un repas adapté en l'absence d'alternative au menu unique servi en restauration scolaire.
22. Si la commune de Tassin-la-Demi-Lune fait état du risque tenant à la création d'un traitement informatique des enfants concernés par ces menus et à leur regroupement matériel pour la distribution des repas, elle n'apporte aucune précision ni aucune pièce de nature à justifier de la réalité de ce risque, alors notamment qu'aucun élément ne démontre que la mise en œuvre de menus de substitution dans les cantines municipales aurait entraîné, par le passé, des difficultés particulières.
23. Enfin, la circonstance que les repas sont préparés dans une cuisine centrale à distance des lieux de restauration puis acheminés en liaison froide ne saurait faire obstacle à la distribution de menus de substitution, dès lors qu'il appartient au concessionnaire de répondre aux demandes du concédant, sous réserve que le concessionnaire soit rémunéré de cette prestation supplémentaire et, le cas échéant, que ces menus soient réservés à l'avance.
24. Dans ces conditions, en l'absence de démonstration d'un obstacle, lié aux exigences du bon fonctionnement du service et aux moyens humains et financiers dont elle dispose, à la distribution de menus de substitution, la commune de Tassin-la-Demi-Lune était tenue de faire droit à la demande d'abrogation de la décision de suppression de ces menus, laquelle était illégale. Il s'ensuit que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de Mme B... et lui a enjoint de réintroduire les menus de substitution proposés aux élèves inscrits à la restauration scolaire dans les conditions qui existaient avant la rentrée 2016.
Sur les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte :
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Lyon d'une astreinte. La demande présentée par Mme B... doit, par suite, être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tassin-la-Demi-Lune le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
Sur la requête n° 24LY03518 :
27. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de la commune de Tassin-la-Demi-Lune tendant à l'annulation du jugement en litige, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur la requête n° 24LY03518 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 24LY03517 de la commune de Tassin-la-Demi-Lune est rejetée.
Article 2 : La commune de Tassin-la-Demi-Lune versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24LY03518.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tassin-la-Demi-Lune et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY03517-24LY03518