Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2024 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2407095 du 27 septembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Aboudahab, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2024 susvisé, à titre subsidiaire la décision portant refus de délai de départ volontaire et celle lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'adresser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne concernant l'application de l'article 267 du traité de l'Union Européenne au cas d'un ressortissant tunisien autorisé à travailler en France mais non titulaire d'un titre de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 64-1 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part combiné à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 64-1 de l'accord précité ;
- il réitère l'ensemble des moyens qu'il a invoqués en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, signé le 17 juillet 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour ayant désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien âgé de 23 ans, serait entré en France en 2021, selon ses propres déclarations. Le 10 septembre 2024, il a été interpellé par les services de la gendarmerie nationale à Meylan (Isère). Par un arrêté du 10 septembre 2024, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 64 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, du 17 juillet 1995 : " Chaque Etat membre accorde aux travailleurs de nationalité tunisienne occupés sur son territoire un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement ". Il a été jugé par la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 14 décembre 2006 rendu dans l'affaire C-97/05, que ces stipulations, qui n'ont pas pour objet de réglementer le droit au séjour des ressortissants tunisiens dans les Etats membres, sont toutefois susceptibles d'exercer des effets sur le droit au séjour d'un ressortissant tunisien sur le territoire d'un Etat membre, dès lors que ce ressortissant a été dûment autorisé par cet Etat membre à exercer sur ledit territoire une activité professionnelle pour une période excédant la durée de son autorisation de séjour.
3. Si M. A... soutient que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 64-1 précitées de l'accord euro-méditerranéen susvisé, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part combiné à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, cité au point suivant, dès lors qu'il a été autorisé à travailler en France le 30 mai 2023 au sein de l'entreprise " 2H restauration " sous couvert d'une contrat à durée indéterminée, les stipulations précitées n'ont pas pour effet de dispenser les ressortissants tunisiens qui souhaitent s'établir en France et y exercer une activité professionnelle d'obtenir préalablement un titre de séjour. S'il ressort des pièces versées au dossier que le requérant bénéficie d'une autorisation de travail en qualité d'étranger hors de France, il n'a, à aucun moment, été autorisé à exercer en France une activité professionnelle pour une période excédant la durée de son autorisation de séjour. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur ce point, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions au soutien de ses conclusions en annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
5. En troisième lieu, à supposer même que le requérant le réitère en appel, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu par adoption des motifs pertinents, et qui ne sont pas contestés en appel, retenus par le premier juge au point 4 de son jugement.
6. En dernier lieu, en se bornant à renvoyer à ses moyens de première instance, sans joindre ses écritures présentées devant le tribunal ni critiquer les motifs par lesquels le premier juge les a écartés, le requérant n'apporte pas de précisions suffisantes permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé des moyens qu'il soutient réitérer en appel. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Irène Boffy, première conseillère,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Michèle DavalLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 24LY02778