Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser une somme de 607 308 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises à son égard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 2000224 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Dijon a, dans un article 1er, condamné le centre hospitalier d'Auxerre à verser à M. A... la somme de 25 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2019 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 28 janvier 2021, dans un article 2, mis à la charge du centre hospitalier d'Auxerre le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans un article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 8 août 2023, 16 septembre 2023, 30 décembre 2024 et 29 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Seingier, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 13 juin 2023 ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser une somme de 787 208 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par le centre hospitalier d'Auxerre à son égard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019, de la capitalisation de ces intérêts et de la prise en compte de l'inflation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Auxerre une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- l'illégalité de la décision du 15 octobre 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Auxerre l'a suspendu de ses fonctions engage la responsabilité de l'Etat ;
- l'ensemble des fautes retenues par le tribunal devait conduire les premiers juges à reconnaître l'existence de son préjudice matériel constitué par les pertes de rémunération consécutives à la suspension du tableau des gardes et astreintes et à la réduction de son activité libérale ;
- l'indemnisation accordée au titre de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence doit être portée à 100 000 euros ;
- l'appel incident du centre hospitalier d'Auxerre est irrecevable dès lors qu'il est présenté au-delà du délai d'appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, le centre hospitalier d'Auxerre, représenté par Me Supplisson, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre incident, à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué et au rejet de l'intégralité de la demande de première instance de M. A... ;
3°) à ce que soit mise à charge de l'appelant une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le centre hospitalier fait valoir que :
- la demande indemnitaire liée à l'illégalité de la décision du 15 octobre 2020 est irrecevable faute de demande préalable adressée au centre hospitalier et faute de conclusions indemnitaires présentées à ce titre devant le tribunal ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la réparation du préjudice matériel lié aux gardes et astreintes non effectuées dès lors que M. A... était exclu de la permanence médicale ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la réparation du préjudice matériel issu de la perte de revenus liée à son activité libérale dès lors que M. A... avait démissionné de ses fonctions de chef du service de pédiatrie-néonatalogie en 2016 ;
- les prétentions indemnitaires de M. A... concernant l'indemnisation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence sont excessives ;
- le tribunal aurait dû prendre en compte, dans l'appréciation de la situation de harcèlement moral, le comportement fautif du praticien à l'origine de sa suspension de la permanence des soins et de sa démission du poste de chef de service.
Une ordonnance du 3 janvier 2025 a fixé la clôture de l'instruction au 30 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'arrêté interministériel du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la Cour ayant désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Seingier, représentant M. A... et de Me Supplisson, représentant le centre hospitalier d'Auxerre.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., praticien hospitalier, a été recruté par le centre hospitalier d'Auxerre le 1er septembre 2008 en qualité de médecin pédiatre, et nommé chef du service de pédiatrie-néonatologie. Au terme d'une procédure de conciliation diligentée pour résoudre de graves difficultés relationnelles internes, M. A... a, par un courrier du 28 janvier 2016, démissionné de ses fonctions de chef de service, a intégré, à compter du 1er février 2016, le service de gynécologie-obstétrique et a été affecté à la maternité. Par un courrier du 26 septembre 2019, M. A... a saisi le directeur du centre hospitalier d'Auxerre d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison des fautes commises par l'établissement à son égard. Cette demande a été rejetée au terme d'un courrier adressé le 28 novembre 2019 pour le compte du centre hospitalier par le conseil de celui-ci. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a limité la condamnation du centre hospitalier d'Auxerre à la somme de 25 000 euros, en réparation de son préjudice moral. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier d'Auxerre conclut à l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamné au versement de la somme précitée.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
3. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.
4. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation.
5. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.
6. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.
7. M. A... conclut dans sa requête d'appel à l'indemnisation de préjudices en lien avec la faute résultant de l'illégalité de la décision du 15 octobre 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Auxerre l'a suspendu de toutes fonctions à compter du 16 octobre 2020. Il n'a toutefois ni dans sa réclamation préalable du 26 septembre 2019, antérieure à cette décision, ni dans une autre demande, présenté de conclusions indemnitaires liées à la réparation de préjudices en lien avec ce nouveau fait générateur. Par suite, le centre hospitalier d'Auxerre est fondé à soutenir que le contentieux n'est pas lié sur cette demande et que les conclusions indemnitaires présentées à ce titre sont irrecevables. Ces considérations ne font en revanche pas obstacle à ce qu'en application des principes précisés au point précédent, le centre hospitalier soit condamné à réparer le préjudice issu de la situation de harcèlement moral dont M. A... a été victime, tel qu'il a été aggravé par la décision du 15 octobre 2020.
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Auxerre :
8. Il ressort des écritures en défense du centre hospitalier d'Auxerre que ce dernier ne conteste pas les fautes retenues à son encontre par le tribunal dans les motifs particulièrement détaillés de son jugement, tirées de la mise à l'écart de M. A... des permanences organisées en vue d'assurer la continuité des soins de pédiatrie et de néonatologie depuis 2016, de l'illégalité de la décision du 31 janvier 2019 du directeur du centre hospitalier de ne pas réintégrer M. A... à la permanence des soins du service de pédiatrie-néonatologie la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés, des agissements constitutifs de harcèlement moral dont a été victime M. A..., entraînant une dégradation de ses conditions de travail, et de manquements relatifs à l'exécution du contrat de travail d'activité libérale de l'intéressé.
9. Si le centre hospitalier fait état du comportement fautif de M. A... à l'origine de sa suspension de la permanence des soins et de sa démission du poste de chef de service pour contester l'appréciation de la situation de harcèlement moral que le tribunal a retenue, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à se prévaloir de la faute exonératoire de responsabilité qu'il invoque.
Sur la réparation des préjudices :
En ce qui concerne le préjudice matériel lié à la perte de rémunération consécutive à la suspension du tableau des gardes et des astreintes :
10. Aux termes de l'article R. 6152-28 du code de la santé publique alors en vigueur : " Les médecins (...) régis par la présente section ont la responsabilité médicale de la continuité des soins, conjointement avec les autres membres du corps médical de l'établissement (...) / A ce titre, ils doivent en particulier : / 1° Dans les structures organisées en temps continu, assurer le travail de jour et de nuit dans les conditions définies par le règlement intérieur et le tableau de service. / 2° Dans les autres structures (...) ils participent à la continuité des soins (...) organisée soit sur place, soit en astreinte à domicile. / Toutefois, si l'intérêt du service l'exige, le directeur de l'établissement, après avis motivé du président de la commission médicale d'établissement, peut décider de suspendre leur participation à la continuité des soins (...) la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 30 avril 2003 susvisé : " (...) La continuité des soins et la permanence pharmaceutique est dénommée "permanence des soins" dans le présent arrêté. / L'organisation des activités médicales (...) comprend un service quotidien de jour et un service relatif à la permanence des soins, pour la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés, sous forme de permanence sur place ou par astreinte à domicile ". Aux termes de son article 9 : " (...) Les périodes de travail accomplies au titre des obligations de service la nuit, le samedi après-midi, le dimanche ou jour férié donnent lieu au versement d'une indemnité ou d'une demi-indemnité de sujétion. / Un praticien doit justifier, en moyenne sur quatre mois, d'avoir accompli l'ensemble de ses obligations de service, de jour et de nuit (...) ". Son article 11 dispose : " (...) Le tableau de service nominatif mensuel répartit les sujétions résultant de la participation à la permanence des soins par roulement entre les praticiens visés au chapitre III du présent arrêté (...) ". L'article 17 énonce : " Récupération : (...) B. - Pour les personnels enseignants et hospitaliers, la participation à la permanence sur place ou par astreinte à domicile peut donner lieu à récupération, à condition que la continuité du service soit assurée pendant onze demi-journées par semaine. / Dans ce cas, les intéressés peuvent récupérer les gardes effectuées, après accord des praticiens responsables des services ou des départements concernés, dans les conditions et limites fixées ci-après : / - une journée pour une garde ; / - une demi-journée pour une demi-garde ou deux astreintes opérationnelles ; / - une demi-journée pour cinq astreintes de sécurité. / Les journées ainsi récupérées peuvent, lorsque la continuité du service le permet, soit être fractionnées en demi-journées, soit être cumulées dans la limite de cinq jours par mois ou quinze jours par trimestre. / Le temps de permanence sur place ou les astreintes à domicile qui ont donné lieu à récupération ne sont indemnisés ni au titre de l'indemnité forfaitaire de base ni au titre du déplacement. ". Aux termes de l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique : " Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de l'article R. 6152-23 sont : / 1° Des indemnités de participation à la permanence des soins ou de réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service hebdomadaires : / a) Des indemnités de sujétion correspondant au temps de travail effectué, dans le cadre des obligations de service hebdomadaires, la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés ; / b) Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires ; / c) Des indemnités correspondant aux astreintes et aux déplacements auxquels elles peuvent donner lieu. / Les indemnités mentionnées aux deux alinéas précédents sont versées lorsque, selon le choix du praticien, le temps de travail additionnel, les astreintes et les déplacements ne font pas l'objet d'une récupération. (...) ".
11. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
12. Il résulte des dispositions citées au point 10 que l'exercice de gardes et d'astreintes dans le cadre de la permanence des soins constitue une obligation de service pour les praticiens hospitaliers et que ces gardes et astreintes peuvent donner lieu à récupération ou à indemnisation.
13. M. A... n'établit ni même n'allègue qu'il aurait opté pour l'indemnisation des gardes et astreintes qu'il aurait réalisées en l'absence de suspension illégale de la permanence des soins, plutôt que pour leur récupération. Il ne justifie pas ainsi d'une perte de chance sérieuse de bénéficier de telles indemnités. Par suite, le requérant n'est pas fondé à demander la réparation de son préjudice matériel constitué par la perte de rémunération consécutive à sa suspension du tableau des gardes et astreintes.
En ce qui concerne le préjudice matériel constitué par la perte de revenus liée à son activité libérale :
14. M. A... sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel au titre de la perte de revenus liée à la réduction de son activité libérale entre 2016 et 2022. D'une part, pour la période courant de février 2016 à octobre 2020, si M. A... évoque des difficultés d'accès de sa patientèle à ses consultations privées à compter de février 2016, il résulte de ses propres écritures qu'il a continué entre février 2016, date à laquelle il a rejoint le service de gynécologie-obstétrique et démissionné de ses fonctions de chef de service de pédiatrie, et mai 2016 à avoir accès à la plateforme commune de prise de rendez-vous pédiatrique ouverte tous les jours de 8 h à 20 h. Il a bénéficié à compter de mai 2016 d'un secrétariat dédié joignable du lundi au vendredi de 8 h 45 à 16 h 30 mais non rattaché au service de pédiatrie dont il ne relevait plus. Il est également constant qu'à compter de février 2017, s'il n'a plus eu de secrétariat dédié ni d'assistance médicale, il a bénéficié d'un agent du secrétariat du service de gynécologie quatre jours par semaine de 9 h 45 à 17 h et d'une ligne téléphonique commune assurant la prise de rendez-vous pour cinq praticiens gynécologues. S'il résulte de ces éléments une dégradation des conditions matérielles d'exercice de l'activité de M. A..., et de certains témoignages produits une difficulté pour les patients d'obtenir un rendez-vous auprès du praticien, la perte de rémunération évoquée par l'intéressé au titre de la réduction de son activité libérale n'est certaine ni dans son principe ni dans son montant dès lors qu'il avait quitté ses fonctions de chef du service de pédiatrie en février 2016 et qu'il n'est pas démontré que la patientèle qui a pu renoncer à le consulter en raison de ces difficultés l'aurait consulté au titre de son activité libérale. D'autre part, s'agissant de la période postérieure à octobre 2020, il a été rappelé au point 7 que M. A... n'est pas recevable à se prévaloir d'un préjudice matériel en lien avec l'illégalité fautive de la décision du 15 octobre 2020. Par suite, l'indemnisation sollicitée par le requérant au titre de la perte de revenus liée à son activité libérale doit être écartée.
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
15. Afin de contester le montant de l'indemnisation accordée par le tribunal, M. A... se réfère aux fautes relevées par le tribunal résultant de son éviction irrégulière de la permanence des soins, du harcèlement moral dont il a été victime et du non-respect par le centre hospitalier des stipulations de son contrat d'activité libérale et résultant de la suppression du personnel médical et administratif nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Les premiers juges n'ont toutefois pas fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... au regard de l'atteinte portée à sa réputation et à ses conditions d'exercice en lui accordant à ce titre une indemnité d'un montant de 25 000 euros. En revanche, il résulte de l'instruction que la suspension de fonctions dont il a fait l'objet par la décision précédemment mentionnée du 15 octobre 2020 et dont l'illégalité a été reconnue par l'arrêt de la cour n° 23LY02645 de ce jour, participe, notamment par l'atteinte supplémentaire qu'elle a portée aux conditions de travail de M. A..., aux agissements de harcèlement moral relevés par le tribunal. Par suite, il a lieu d'allouer au requérant une indemnité supplémentaire de 2 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par lui.
16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a limité à 25 000 euros la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, et que cette indemnisation doit être portée à la somme de 27 000 euros. D'autre part, et par voie de conséquence, les conclusions à fin d'appel incident présentées par le centre hospitalier doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à ce titre par M. A....
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
17. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 27 000 euros à compter du 28 novembre 2019, ainsi qu'il le demande, et à leur capitalisation à compter du 28 novembre 2020, dès lors qu'à cette date, les intérêts étaient dus depuis au moins une année, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Auxerre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier a été condamné à verser à M. A... par le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Dijon est portée à 27 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019. Les intérêts échus à la date du 28 novembre 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Auxerre versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Auxerre.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Irène Boffy, première conseillère,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 23LY02614