Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 2 mai 2022 par laquelle la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2201449 du 17 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 juin 2024, M. A..., représenté par Me Ayele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne pouvait lui être opposé le caractère falsifié du jugement supplétif qu'il a produit pour justifier de sa civilité sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour du 2 avril 2020 ; la validité de l'acte de naissance qu'il produit n'est pas remise en cause ;
- il est parent d'un enfant français dont il assure effectivement une partie de l'entretien et de l'éducation ; la décision méconnaît les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Boffy, Première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant Guinéen, relève appel du jugement du 17 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Clermont Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 mai 2022 par lesquelles la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la vérification des actes d'état civil étrangers est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
3. M. A... se prévaut de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour n° 19LY02147 du 2 avril 2020. Toutefois, les pièces dont il justifie ont été délivrées postérieurement à cet arrêt, soit un extrait de registre de l'état civil n° 3984 délivré le 24 mai 2021, et un jugement supplétif d'acte de naissance n° 11476 délivré le 30 avril 2021, dont la cour n'a pu connaître. Par suite, l'intéressé ne peut se prévaloir de la prétendue force probante de ces documents qui découlerait de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour du 2 avril 2020.
4. Si M. A... soutient par ailleurs que la régularité de l'acte de naissance dont il justifie n'aurait pas été remise en cause, il ressort du rapport d'analyse documentaire du 6 décembre 2021 que les experts en fraude documentaire ont relevé que l'acte présenté en 2020 était déjà enregistré dans les registres de l'état civil guinéen, par le biais d'un autre acte délivré le 10 avril 2017, comportant les mêmes mentions, mais présentant des caractères dactylographiés différents et un cachet de l'état civil différent, alors que ces actes sont supposés avoir été établis le même jour. Par ailleurs, les services spécialisés ont considéré que la délivrance de l'extrait du registre de l'état civil en date du 24 mai 2021 et du troisième jugement supplétif du 30 avril 2021 n'était pas conforme à la loi guinéenne. L'intéressé, qui n'apporte devant la cour aucun début d'explication sur ces points, ne peut être regardé comme justifiant de son identité. Au demeurant, un avis pour faux contrefait a été émis à l'encontre du jugement supplétif, qui a abouti à une condamnation le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Montluçon au paiement d'une amende pour usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, ainsi que pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs. Dans ces conditions, et même si l'intéressé a formé à l'encontre de cette décision une opposition à ordonnance pénale du 2 mai 2022, il n'apparaît pas que la préfète de l'Allier aurait à tort considéré que la présomption instaurée par l'article 47 du code civil était renversée, et que l'intéressé ne justifiait pas de son identité. Pour ce seul motif, la préfète de l'Allier était fondée à refuser à M. A... le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
6. M. A... fait valoir qu'il est présent en France depuis plus de cinq ans, qu'au cours de son séjour il a su tisser des liens personnels, a vécu une vie de couple en France avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant, qu'il souhaite maintenir des liens avec son fils né en France qui dispose de la nationalité française, que malgré sa situation il a travaillé et dispose de promesse d'embauche, qu'il n'a commis aucune infraction et que la plus grande partie de sa présence sur le territoire français était régulière. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'intéressé doit être regardé comme ayant fait usage d'actes d'état civil dont la valeur probante n'est pas établie pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour. En outre, s'il fait valoir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils, né le 19 décembre 2019 de sa relation avec une ressortissante française, il n'apporte à l'appui de ses allégations que huit photographies non datées, deux factures de produits et jouets pour enfants éditées le 28 novembre 2020 et une attestation en date du 10 mai 2021 rédigée en termes généraux et dépourvues d'éléments circonstanciés. Au demeurant, il est désormais séparé de la mère de son enfant et il est célibataire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où, selon ses propres déclarations, résident ses deux frères. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. La préfète de l'Allier n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
La rapporteure,
I. Boffy
Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01716
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