Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 9 février 2024 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et les arrêtés du 16 mai 2024 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et l'a assigné à résidence dans le département de la Côte-d'Or sur la commune de Quetigny pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter chaque jour sauf les dimanches, jours fériés ou chômés.
Par un jugement n° 2400804 - 2401570 du 24 mai 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon a renvoyé sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2024, M. B... C..., représenté par Me Weber, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2024 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination, ainsi que les arrêtés du 16 mai 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation sur son moyen de première instance tiré de l'erreur d'appréciation entachant l'arrêté l'assignant à résidence sur la commune de Quetigny qui fait obstacle à ce qu'il se rende sur la commune de Dijon auprès d'associations d'aide à l'accès au logement et du centre hospitalier universitaire ;
- il est entaché d'erreurs d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, qui est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation ;
- l'assignation à résidence est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 28 décembre 2024, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2025.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité géorgienne, né le 30 octobre 1987, qui est entré régulièrement sur le territoire français le 31 mai 2023, a déposé le 5 juillet 2023 une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 décembre 2023. Il a demandé, le 12 juillet 2023, une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 février 2024, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. A la suite de son interpellation le 15 mai 2024 par les services de gendarmerie de Quetigny pour vol, il a fait l'objet de deux arrêtés du 16 mai 2024 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence dans le département de la Côte-d'Or sur la commune de Quetigny pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter chaque jour sauf les dimanches, jours fériés ou chômés. Par un jugement du 24 mai 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon, après avoir joint les demandes de M. C... tendant à l'annulation de ces trois arrêtés, a renvoyé sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus de ses demandes. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. La magistrate désignée du tribunal administratif, qui n'était pas tenue de se prononcer sur tous les arguments de M. C..., a répondu au point 18 de son jugement, de manière suffisamment circonstanciée, sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant l'arrêté l'assignant à résidence sur la commune de Quetigny en raison de l'impossibilité de se rendre sur la commune de Dijon auprès d'associations d'aide à l'accès au logement et du centre hospitalier universitaire pour son suivi médical. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé sur ce point doit être écarté.
4. En second lieu, M. C... soutient que la magistrate désignée du tribunal administratif a commis des erreurs d'appréciation. De tels moyens ne relèvent pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé.
Sur la légalité des arrêtés :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 425-12 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Par un avis du 27 novembre 2023, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort de cet avis que M. C... a été examiné par le médecin de l'OFII en charge de l'établissement du rapport médical à destination du collège de médecins. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié en décembre 2021 d'une opération de mise en place d'une prothèse de hanche droite suite à une malformation congénitale. Les certificats médicaux des 27 juin et 18 juillet 2023, et 7 janvier 2024, du centre hospitalier universitaire de Dijon, faisant état de douleurs de type décharge électrique et de brulure, de douleurs importantes au niveau de la hanche droite malgré l'administration de tramadol, de mobilités de la hanche droite extrêmement douloureuses et très limitées en raison d'une anomalie intra-prothétique, ne suffisent pas, en raison de leurs termes insuffisamment précis, à démontrer que le défaut de prise en charge médicale pouvait avoir pour M. C... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'ailleurs, sa prothèse de hanche droite a été changée le 4 janvier 2024 par le centre hospitalier universitaire de Dijon, et les certificats médicaux postérieurs à cette intervention chirurgicale ne mentionnent pas que le défaut de suivis orthopédique et de kinésithérapie aurait pour M. C... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. M. C... ne séjourne sur le territoire français que depuis environ un an, il n'y justifie pas d'une insertion particulière dans la société française, et l'intéressé ne se prévaut pas de liens familiaux en France. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il a reconnu auprès des services de gendarmerie avoir commis le 15 mai 2024 un vol dans un magasin. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, doit être écarté.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
10. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 de ce code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".
11. Si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même. Par suite, une illégalité entachant les seules modalités de contrôle n'est pas de nature à justifier l'annulation de la décision d'assignation à résidence dans sa totalité.
12. Par l'arrêté du 16 mai 2024, le préfet de la Côte-d'Or a assigné à résidence le requérant dans le département de la Côte-d'Or, sur la commune de Quetigny, pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter chaque jour, sauf les dimanches, jours fériés ou chômés, entre 8 et 9 heures, à la gendarmerie de Quetigny. M. C... n'apporte aucun justificatif, ni précision, démontrant qu'il ne pourrait pas accéder à des suivis orthopédiques et de kinésithérapie sur la commune de Quetigny, et d'ailleurs, il peut solliciter une autorisation écrite du préfet pour se rendre à sa consultation d'orthopédie auprès du CHU de Dijon, ni qu'il pourrait bénéficier d'un logement par une association située à Dijon alors qu'il est dépourvu de titre de séjour. En outre, si M. C... soutient qu'il doit se rendre à la gendarmerie tous les jours, à l'exception des dimanches, jours fériés ou chômés, en dépit de son état de santé ayant des conséquences sur sa marche, le certificat médical établi le 14 février 2024 par le CHU de Dijon mentionne seulement que cet état de santé ne lui permet pas de réaliser des déplacements prolongés. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais liés au litige exposés par l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juillet 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01792