Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 25 août 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202668 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 octobre 2024, Mme D..., représentée par Me Gauché, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 mai 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 25 août 2022 du préfet du Puy-de-Dôme ;
3°) d'ordonner la communication de l'entier dossier détenu par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
4°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois avec autorisation de travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours et, dans l'attente et sans délai, de lui délivrer un récépissé ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faite d'être suffisamment motivé et de mise en cause de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en raison de l'indisponibilité de la prise en charge médicale adaptée à l'état de santé de sa fille en Haïti ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance du 1 de l'article 3 et de l'article 6 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas présenté d'observations.
Le 24 avril 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vinet, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante haïtienne, est entrée irrégulièrement en France le 31 octobre 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 janvier 2021, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 18 mai 2021. Le 11 mai 2021, Mme D... a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de sa fille. Après que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis, le préfet du Puy-de-Dôme, par des décisions du 25 août 2022, a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...). ".
3. Pour refuser de délivrer à Mme D... l'autorisation provisoire de séjour sollicitée, le préfet du Puy-de-Dôme s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 4 juillet 2022, lequel indique que l'état de santé de sa fille nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme D... souffre d'une maladie génétique rare, qui se traduit dans son cas par un retard neuro-développemental, une déficience intellectuelle et des particularités morphologiques. Plus précisément, à l'âge de quatre ans et demi, le langage était quasiment absent, elle marchait mais avec de fréquente chutes, ne courrait pas ni ne sautait et avait un poids très insuffisant en raison de troubles de l'oralité. La propreté n'était pas acquise et sa scolarité ne pouvait être envisagée qu'avec un accompagnement spécifique ou dans le cadre d'une institution médicalisée. Il ressort également des pièces du dossier que l'état de cette enfant nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, en particulier des séances d'orthophonie et de kinésithérapie à visée neurologique. Ainsi qu'il a été dit, le collège des médecins de l'OFII a considéré que le défaut d'une telle prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce qui n'est pas contesté par le préfet qui n'a pas produit en défense, ni en première instance, ni en appel. Si dans ses observations l'OFII indique que " l'objectif est la compensation des handicaps. Il n'y a pas de soins médicaux portant sur la maladie ", une telle affirmation non circonstanciée n'est pas de nature à invalider l'avis émis par le collège de médecins sur le caractère indispensable de la prise en charge déjà décrite. La requérante soutient que cette prise en charge n'est pas accessible en Haïti et se prévaut également du fait que le système de santé haïtien est au bord de l'effondrement et l'OFII, dans ses observations, indique que toutes les informations disponibles sur Haïti confirment la pénurie dans l'offre de soins et que la base MedCOI est vide pour Haïti en pédiatrie et réhabilitation fonctionnelle. Si l'office observe qu'il existe toutefois des services hospitaliers de pédiatrie qui pourront assurer le suivi médical et orienter l'enfant vers des établissements de réhabilitation fonctionnelle, cette dernière affirmation est contradictoire avec la précédente. Au demeurant, l'OFII se borne à renvoyer vers un lien permettant de localiser sur internet un hôpital pédiatrique à Port-au-Prince, alors que ce dernier ne dispose pas de site internet. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de Mme D... pourrait bénéficier en Haïti d'une prise en charge adaptée à son état de santé. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ainsi que, par voie de conséquence, la décision d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et celle fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
7. Compte tenu du motif d'annulation retenu au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à Mme D... une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois avec autorisation de travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Gauché, avocat de Mme D... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Gauché renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2202668 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 mai 2024 et les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 25 août 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à Mme D... une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois avec autorisation de travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à Me Gauché au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... A..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à Me Gauché.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 juin 2025.
La rapporteure,
C. VinetLa présidente,
C. Michel
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02802
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