Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société à responsabilité limitée (SARL) Net a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015 et des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquements délibérés qui lui ont été appliqués.
Par un jugement n° 2105485 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2023, la société Net, représentée par Me Le Marrec et Me Tournier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 novembre 2022 ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne les compléments d'impôt sur les sociétés :
- les honoraires facturés aux sociétés Pam Holding et Optedis correspondent à des prestations de conseil en matière d'acquisition, de restructuration et de refinancement, rétrocédés à la société Technique et Gestion en application d'un contrat les liant ; la contrepartie de ces rétrocessions intégrales était de pouvoir bénéficier du carnet d'adresses et du réseau développé par le gérant de la société Technique et Gestion ; l'activité de cette dernière n'impliquait aucune charge, par suite, la circonstance qu'elle n'en a comptabilisé aucune n'est pas de nature à démontrer l'absence de réalité de la prestation qu'elle lui fournit ; le cas échéant, seule la proportion excessive de la rémunération pourrait être réintégrée dans ses résultats ;
- s'agissant des frais de déplacement, compte tenu du caractère peu significatif des montants réintégrés, elle devrait bénéficier des prévisions du paragraphe 50 de la doctrine administrative BOI-BIC-CHG-10-20-20 ;
- s'agissant de la charge intitulée " Suri ", la charge était bien réelle, quand bien même la facture n'était pas régulière, s'étant acquittée d'une dette due par un de ses clients pour le compte d'un autre, sous les menaces de ce dernier ;
- les prestations facturées par la société Technique et Gestion correspondent à une prestation réelle ;
- dans la mesure où elle maintient sa contestation des rappels de TVA, elle maintient sa contestation des rehaussements au titre du profit sur le trésor ;
En ce qui concerne les rappels de TVA :
- pour les mêmes motifs que s'agissant de l'impôt sur les sociétés, elle maintient sa contestation des rappels de TVA concernant les factures Pam Holding et Optedis ;
- les prestations facturées par la société Technique et Gestion correspondant à une prestation réelle, la TVA acquittée au titre de ces factures est déductible ; le caractère éventuellement excessif du prix de la rémunération est sans incidence sur le droit à déduction ; il appartient à l'administration d'établir le caractère fictif des prestations rémunérées.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Net ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Net, qui a pour principal associé et gérant M. B... E..., fournit des prestations d'expertise comptable et de commissariat aux comptes au sein du groupe composé de la société Holding CCIP, de la société CCI Participations et des filiales de cette dernière, telle que la société RSM Rhône-Alpes, dont elle détient 99 % du capital. Elle réalise également des prestations de conseil en matière d'acquisition, de restructuration et de refinancement. A la suite d'une vérification de comptabilité, elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 à 2015, assorties d'intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquements délibérés. Sa réclamation contentieuse ayant été rejetée, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la réduction de ces compléments d'imposition. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / (...). ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / (...). ".
3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts selon lesquelles le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
En ce qui concerne les produits non déclarés et réintégrés :
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a notamment intégré aux recettes réalisées par la SARL Net au titre de l'exercice clos en 2014, les honoraires d'un montant de 28 000 euros HT facturés le 26 septembre 2013 à la société Pam Holding, et à celles réalisées au titre de l'exercice clos en 2015, les honoraires d'un montant de 12 000 euros HT facturés à la même société le 1er septembre 2014, ainsi que les honoraires d'un montant total de 50 000 euros HT facturés en novembre et décembre 2014 à la société Optedis, et qu'elle a écarté l'existence alléguée de rétrocessions de mêmes montants à la société Technique et Gestion, aux motifs que les prétendues prestations étaient fictives et en l'absence de paiement effectif des rétrocessions alléguées.
5. D'une part, aux termes du contrat conclu le 30 janvier 2012 entre la SARL Net et la société Technique et Gestion, cette dernière doit présenter à la première des clients à qui proposer ses prestations de conseil en matière d'acquisition, de restructuration et de refinancement. Ce contrat stipule, en son article 4, que la société Technique et Gestion facturera une prestation d'un montant de 600 euros HT par mois à la SARL Net et que cette dernière lui rétrocèdera en outre la totalité des honoraires perçus au titre des prestations " non liées à la comptabilité et à l'audit ", effectuées au profit de sociétés lui ayant été présentées par la société Technique et Gestion, modalités de rémunération qui ont été modifiées par l'avenant signé le 1er septembre 2014. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés Pam Holding et Optedis aient été présentées à la SARL Net par la société Technique et Gestion, étant relevé, en particulier, que la société Pam Holding était déjà cliente depuis plusieurs années du cabinet comptable RSM Rhône-Alpes, pour lequel la SARL Net exerce son activité d'expertise-comptable, et que cette société avait d'ailleurs déjà consenti divers prêts à la SARL Net à partir de 2012, attestant du caractère préexistant de leur relation. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la société Technique et Gestion ait accompli la moindre diligence en vue d'assurer les prestations prévues au contrat, ni même qu'elle disposait des moyens humains et matériels pour ce faire, ni qu'elle ait mis à disposition ou transféré son fichier de clientèle à la SARL Net. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes facturées par la SARL Net aux sociétés Pam Holding et Optedis aient eu un quelconque lien avec des prestations effectuées par la société Technique et Gestion.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction que si la SARL Net a effectivement encaissé l'intégralité des sommes facturées aux société Pam Holding et Optedis, les factures émises par la société Technique et Gestion n'ont donné lieu cependant qu'à un faible flux de trésorerie en direction de cette société. Plus précisément, la SARL Net a émis en direction de la société Technique et Gestion un chèque et des virements pour un montant de 17 988 euros au total, tandis qu'une somme de 89 900 euros a été inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. E... au sein de la SARL Net, valant sauf preuve contraire, distribution à cet associé. Si la SARL Net prétend qu'une telle inscription valait paiement à la SARL Technique et Gestion, qui aurait renoncé à sa rétrocession au profit de M. E... afin de solder une créance de 240 000 euros que ce dernier détenait sur son gérant, M. A..., l'existence d'une telle créance ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du document, dépourvu de valeur probante compte tenu de son imprécision tant sur la forme qu'au fond, intitulé " reconnaissance de dette ", qui aurait été signé par M. A... le 16 juin 2010 et selon lequel cette dette correspondrait à " l'estimation de la moitié des pertes liées à des engagements pris dans des participations entre 2005 et 2009 qui ont dû être malheureusement clôturées " et qu'elle est " assimilable à un retour à meilleure fortune et sera payable en fonction des capacités de remboursement de Denis A... liées uniquement au résultat de la société TECHNIQUE ET GESTION ". En tout état de cause, rien ne permet de considérer que la société Technique et Gestion aurait entendu se voir transmettre la créance supposément détenue par M. E... sur M. A.... Dans ces conditions, l'administration était fondée à réintégrer les produits déjà mentionnés dans les résultats de la SARL Net au titre des exercices clos en 2014 et 2015, au motif du caractère fictif des prestations alléguées, également révélé par l'absence de rétrocessions effectives à la société Technique et Gestion.
En ce qui concerne les charges non admises :
Quant aux frais de déplacement :
7. D'une part, la SARL société Net n'établit pas le caractère professionnel des frais d'un montant de 253 euros au titre de l'exercice clos en 2013, 2 270 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et 3 384 euros au titre de l'exercice clos en 2015 dont l'inscription en charges a été remise en cause, en se bornant à soutenir en appel qu'il est " surprenant que le tribunal administratif soit plus sévère que la doctrine administrative elle-même " et en faisant valoir que la société RSM Rhône-Alpes, à qui ces frais ont été refacturés, a procédé à leur règlement à l'issue d'un contrôle interne. Dès lors, elle n'est pas fondée, sur le terrain de la loi fiscale, à obtenir leur déduction de ses résultats des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
8. D'autre part, à supposer que la SARL Net puisse être regardée comme invoquant de nouveau en appel le paragraphe 50 de la documentation administrative référencée BOI BIC CHG 10-20-20, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Quant aux autres charges :
9. A l'appui de ses conclusions, la SARL Net reprend ses moyens, déjà présentés devant le tribunal administratif, tirés de ce que la somme de 8 361,20 euros inscrite en charges au titre de l'exercice clos en 2013 correspondait au paiement d'une dette de la société Socrep à l'égard de M. D..., de ce que l'inscription en charges au titre des exercices clos en 2014 et 2015 des sommes totales respectives de 23 000 euros HT et de 100 000 euros, facturées par la société Technique et Gestion pour la première, et correspondant à l'exécution de l'avenant au contrat conclu le 30 janvier 2012 pour la seconde, était justifiée, et de ce que le profit sur le Trésor constaté par l'administration n'est pas fondé. Ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Sur les rappels de TVA :
10. A l'appui de ses conclusions contre les rappels de TVA en litige, la SARL Net soulève de nouveau les moyens, déjà présentés devant le tribunal administratif, tirés de ce que, pour les mêmes motifs que s'agissant de l'impôt sur les sociétés, elle maintient sa contestation des rappels de TVA concernant les factures Pam Holding et Optedis, les prestations facturées par la société Technique et Gestion correspondant à une prestation réelle et la charge de la preuve pesant sur l'administration, de ce que la TVA acquittée au titre de ces factures est déductible et de ce que le caractère éventuellement excessif du prix de la rémunération est sans incidence sur le droit à déduction. Ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de ce qui précède que la SARL Net n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Net est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Net et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 juin 2025.
La rapporteure,
C. VinetLa présidente,
C. Michel
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY00334
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