Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2023 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que la décision par laquelle la préfète a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision.
Par un jugement n° 2304579 du 21 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 août et 9 octobre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Morice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation personnelle et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire au séjour l'autorisant à travailler.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal n'était pas tardive ;
- le jugement est insuffisamment motivé, quant aux éléments de fait dont elle s'est prévalue ;
- au cours de l'audience devant le tribunal, le président de la formation de jugement a refusé d'entendre ses proches qui souhaitaient présenter des observations ; ce refus était de principe dès lors qu'il a été signifié à son compagnon qu'il n'avait pas le droit de parler ; les observations des proches présentaient une utilité certaine ;
- elle entend reprendre intégralement ses écritures de première instance ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle, notamment en ce qu'elle a pour effet son maintien en situation irrégulière alors que la situation en Russie rend impossible toute perspective de retour.
Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- la requérante ne démontre pas que le président de la formation de jugement aurait refusé d'accéder à sa demande tendant à ce que les personnes qui l'accompagnaient puissent présenter des observations à l'audience, ni que ces observations auraient été de nature à influencer la décision, alors que leurs témoignages figuraient au dossier et que la requérante a été entendue le jour de l'audience ;
- l'arrêté ne comporte aucune obligation de quitter le territoire et Mme B... ne peut se prévaloir utilement de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; la décision n'a pas pour conséquence de la séparer de son compagnon et ne porte aucune atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale.
Par une ordonnance du 10 octobre 2024, l'instruction a été close au 7 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère,
- et les observations de Me Baud-Barbara, substituant Me Morice, pour Mme B..., ainsi que celles de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante russe née le 9 novembre 1968, est entrée en France en janvier 2020 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le 2 janvier 2023, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 janvier 2023, le préfet de la Drôme a refusé de faire droit à sa demande. Le recours gracieux de Mme B..., formé le 14 mars 2023, a été rejeté implicitement. Mme B... relève appel du jugement du 21 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Alors que le jugement n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments de l'intéressée, il comporte les éléments de fait qui le fonde, notamment quant aux conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée sur le territoire français et quant aux éléments de sa situation personnelle. Le moyen tiré d'un défaut de motivation en fait du jugement doit être écarté.
4. Aux termes de l'article R. 731-2 de ce code : " Les personnes qui assistent à l'audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d'approbation ou de désapprobation, ou de causer quelque désordre que ce soit. (...) ". Aux termes de l'article R. 732-1 du même code : " ...Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition. ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'audition d'autres personnes, en dehors de la partie ou de son représentant, n'est pas de principe. Exceptionnelle, elle relève de la seule appréciation du président de la formation de jugement. Au demeurant, Mme B..., qui a pu présenter ses observations à l'audience, ne démontre pas que l'audition des personnes qui l'accompagnaient répondait à une nécessité, alors que leurs témoignages écrits étaient versés au dossier de première instance. L'audience n'a été entachée d'aucune irrégularité sur ce point.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".
7. A la date de la décision attaquée, Mme B... ne résidait en France que depuis trois ans et sa communauté de vie avec son concubin de nationalité française demeurait récente, quand bien même cette relation aurait débuté en 2016, à distance, alors que l'intéressée résidait en Russie. Il est constant que sur ses trois années de présence sur le territoire français, Mme B... n'a résidé de manière régulière que pendant un an et trois mois. Si elle a pu nouer des liens avec la mère et les filles de son compagnon, et s'est occupé d'une personne en situation de dépendance jusqu'à son décès, elle n'est pas fondée, au regard notamment de sa durée de résidence sur le territoire national, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales ou personnelles en Russie où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans et où elle s'est mariée et a divorcé à trois reprises, à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, ni qu'il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquence sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
La rapporteure,
I. BoffyLa présidente,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02366
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