La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2025 | FRANCE | N°24LY01991

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 19 juin 2025, 24LY01991


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 avril 2023 par laquelle le recteur de l'académie d'Auvergne Rhône-Alpes lui a refusé le bénéfice des dispositions relatives aux accidents de service.



Par un jugement n° 2305247 du 13 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 12 juillet 2024, et des mémoires enregistr

s les 4 octobre 2024 et 31 mai 2025, ces derniers n'ayant pas été communiqués, M. C..., représenté par Me Naili, demande à la cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 avril 2023 par laquelle le recteur de l'académie d'Auvergne Rhône-Alpes lui a refusé le bénéfice des dispositions relatives aux accidents de service.

Par un jugement n° 2305247 du 13 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2024, et des mémoires enregistrés les 4 octobre 2024 et 31 mai 2025, ces derniers n'ayant pas été communiqués, M. C..., représenté par Me Naili, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit ;

3°) d'annuler la décision du 4 avril 2023 du recteur de l'académie Auvergne Rhône-Alpes ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie Auvergne Rhône-Alpes, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui octroyer un congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 17 novembre 2020 ; à défaut, de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la minute du jugement comporte bien la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- le jugement est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation ;

- dès lors qu'aux termes de sa décision du 4 avril 2023 le recteur s'est prononcé sur la maladie professionnelle, il était fondé à invoquer les faits de harcèlement discriminatoire dont il a été victime, à l'origine de la dégradation de son état de santé ;

- la décision est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'inspection s'est déroulée dans un contexte de harcèlement discriminatoire, ensuite d'injonctions adressées par des parents d'élèves à l'administration, alors que sa situation personnelle était difficile ; l'inspecteur était informé de cette situation mais n'en a pas tenu compte, ni de la circonstance que la classe était difficile à gérer ; l'inspecteur l'a accusé, sans fondement, d'attitudes misogynes, de racisme et de radicalisation islamique et a moqué les supports pédagogiques utilisés ; l'inspecteur, qui était un ami de la chef d'établissement, n'était pas impartial ; l'entretien avec cet inspecteur a ainsi excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; la décision est entachée d'erreur de fait et de droit et méconnaît les dispositions des articles L. 822-18 et L. 822-21 du code général de la fonction publique dès lors que son état de santé résulte des faits de harcèlement discriminatoire et de l'accident de service du 16 novembre 2020.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2024, le recteur de l'académie Auvergne Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'hormis deux moyens d'irrégularité, elle constitue une copie littérale de la requête de première instance ;

- la décision du 4 avril 2023 ne se prononce que sur la question de l'accident de service, la mention " bénéfice des dispositions relatives aux accidents de service et maladies professionnelles " correspondant à une mention générale ; M. C... a présenté une déclaration d'accident de service ;

- la décision a été signée par une personne en ayant la compétence ;

- elle est suffisamment motivée en fait et en droit ;

- l'inspection du 16 novembre 2020 et l'entretien qui a suivi se sont déroulés dans des conditions qui n'étaient pas constitutives d'un accident de service ; les faits de harcèlement dont le requérant se prévaut ne sont pas établis, ni leur lien avec son état de santé ;

- il sollicite qu'au motif tiré de " l'absence de lien direct et certain " soit substitué le motif tiré de ce qu'il " n'est pas démontré que lors de l'entretien qui s'est déroulé le 16 novembre 2020, M. A... a outrepassé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique, cet entretien ne peut être considéré comme un accident de service ; en outre, il ne ressort pas des pièces présentées au dossier que la pathologie de M. C... soit la résultante directe de l'entretien du 16 novembre 2020 " ;

- il n'y a pas lieu de diligenter une expertise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Naili, pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Professeur de technologie, M. B... C... exerce ses fonctions au sein du collège du Portail Rouge, à Saint-Etienne, depuis le 1er septembre 2011. A la suite d'un rapport d'incident, l'intéressé a fait l'objet, le 16 novembre 2020, d'une inspection dans l'exercice de ses fonctions, puis a été reçu, le 3 mai 2021, par la directrice des ressources humaines de l'académie de Lyon. Le requérant a présenté le 14 novembre 2022 une déclaration d'accident de service, en lien avec l'inspection du 16 novembre 2020. Le conseil médical réuni en formation plénière le 24 mars 2023 a rendu un avis défavorable à sa demande. Par une décision du 4 avril 2023, le recteur de l'académie Auvergne Rhône-Alpes lui a refusé le bénéfice des dispositions relatives aux accidents de service. M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette décision. Par un jugement du 13 mai 2024 dont M. C... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Contrairement à ce que soutient M. C..., la minute du jugement a bien été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

4. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit sont inopérants.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen invoqué à l'encontre de la décision contestée, tenant à l'incompétence de son auteur.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

7. La décision vise les dispositions du décret du 14 mars 1986 ainsi que l'avis défavorable du conseil médical du département de la Loire, et indique que le bénéfice des dispositions relatives aux accidents de service et maladie professionnelle est refusé à M. C... en raison de l'absence de lien direct et certain entre la pathologie et les faits, éléments qui ont permis au requérant de contester utilement cette décision. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité, le 14 novembre 2022, le seul bénéfice de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont il aurait été victime le 16 novembre 2020, et non la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Quand bien même la décision du recteur, pour refuser de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service, indique qu'il est refusé à M. C... " le bénéfice des dispositions relatives aux accidents de service et maladies professionnelles ", ce dernier n'était saisi que des faits survenus le 16 novembre 2020 et n'avait pas à se prononcer au regard d'événements antérieurs. Par suite, l'intéressé ne peut utilement invoquer le harcèlement discriminatoire dont il aurait fait l'objet ni ses répercussions sur son état de santé.

9. En quatrième lieu, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

10. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. En l'espèce, le recteur de l'académie Auvergne Rhône-Alpes doit être regardé comme demandant, aux termes de ses écritures, que soit substitué comme motif principal de sa décision, à celui tiré de " l'absence de lien direct et certain " entre la pathologie présentée par M. C... et les faits en cause, le motif tiré de ce qu'il " n'est pas démontré que lors de l'entretien qui s'est déroulé le 16 novembre 2020, M. A... a outrepassé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique, cet entretien ne peut être considéré comme un accident de service ".

12. M. C... soutient que l'entretien qui s'est déroulé le 16 novembre 2020, avec l'inspecteur pédagogique régional, serait constitutif d'un accident de service, dès lors que ce dernier l'aurait verbalement agressé en lui reprochant sur un ton déplacé du sexisme, de la misogynie, du racisme et même une radicalisation islamiste. Toutefois, s'il est constant que la visite le 16 novembre 2020 de l'inspecteur auprès de M. C... fait suite à un rapport d'incident rédigé le 13 novembre 2020 par la principale du collège faisant état de plusieurs plaintes d'élèves et de parents d'élèves à l'encontre de ce dernier, lui reprochant des remarques désobligeantes, sexistes, vexatoires, en particulier envers un groupe de filles, et des difficultés relationnelles avec certains collègues du collège, et s'il ressort du rapport de visite de l'inspecteur que celui-ci a évoqué avec M. C... ces différents griefs, il ne ressort ni de ce rapport de visite ni d'aucune autre pièce du dossier, dont celles produites par M. C... devant la cour les 31 mai et 3 juin 2025, que l'inspecteur pédagogique régional aurait tenu des propos ou adopté un comportement qui auraient dépassé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Si M. C... se prévaut à ce titre d'une attestation d'une collègue, cette dernière indique avoir aperçu M. C... en entretien avec un adulte à 11 h 15 en salle de technologie, sans avoir entendu aucun des propos échangés et précise seulement avoir " senti " que l'entretien " se déroulait mal pour lui ", sans aucun commentaire quant à l'attitude de l'inspecteur. Cette même collègue indique ensuite avoir revu M. C..., non pas immédiatement à l'issue de l'entretien avec l'inspecteur, mais à 13 h 15 en début d'après-midi, après que ce dernier a été reçu par la principale adjointe. Aux termes de cette attestation, il est rapporté que M. C... a alors confié à sa collègue que l'inspecteur aurait tenu des " propos humiliants et partiaux incluant des insinuations de mysogynie, de racisme et de situations conflictuelles permanentes avec la moitié de l'équipe pédagogique ", soit, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, un récit " dramatisé " de cet entretien. Cependant, la circonstance que M. C... aurait ressenti de manière violente les griefs faits à son encontre au cours de cet entretien et qu'il aurait été placé à la suite en arrêt de travail n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'il aurait été victime d'un accident de service. Enfin, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause l'impartialité de l'inspecteur pédagogique régional. Par suite, le recteur de la région académique Auvergne Rhône-Alpes pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ni entacher sa décision d'erreur de fait ni de droit, rejeter la demande de reconnaissance d'un accident de service de M. C.... Dès lors que l'administration, sans priver le requérant d'une garantie procédurale, aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur le motif tiré de ce que l'inspecteur pédagogique régional n'ayant aucunement outrepassé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique, l'entretien du 16 novembre 2020 ne peut être considéré comme un accident de service, il y a lieu d'accueillir sa demande de substitution de motif et d'écarter le moyen tiré de ce que les lésions présentées par M. C... seraient imputables à un tel accident.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ni d'ordonner une expertise avant dire-droit, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

La présidente,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01991

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01991
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : NAILI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24ly01991 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award