Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'État à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation du préjudice, tous chefs confondus, qu'il estime avoir subi.
Par un jugement n° 2101264 du 23 novembre 2023, le tribunal a condamné l'État à verser à M. A... une somme de 9 000 euros en réparation du préjudice, tous chefs confondus, qu'il a subi (article 1er), mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2), et a rejeté le surplus de cette demande (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :
1°) d'annuler, ou à défaut, de réformer, les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance correspondante de M. A... ou, à défaut, de réévaluer l'indemnité à mettre à la charge de l'État à de plus justes proportions.
Il soutient que :
- à titre principal, le jugement attaqué n'est pas fondé, la demande de première instance étant irrecevable, pour tardiveté ;
- à titre subsidiaire, M. A... ne saurait être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse de bénéficier d'une meilleure pension de retraite, l'intéressé ne s'étant pas trouvé dans l'ignorance légitime de sa créance, au sens de l'article 3 de la loi 31 décembre 1968, à la date du 1er avril 2012, à laquelle il a été admis à la retraite, au motif que le Conseil d'État statuant au contentieux avait, par voie d'exception, constaté l'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des circonscriptions ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté par une décision du 16 mars 2011 (n° 327428), si bien que l'intéressé aurait pu, avant la parution de l'arrêté du 3 décembre 2015 et de la directive du 9 mars 2016, demander le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), et ce avant même de demander sa mise à la retraite et avant sa date de départ à la retraite ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la faute commise par l'administration avait privé M. A... d'une chance sérieuse de bénéficier d'une meilleure pension de retraite, au motif qu'il aurait pu différer de cinq mois la date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite afin de voir cette pension liquidée sur la base du quatrième échelon de son grade, l'intéressé ne s'étant pas renseigné sur l'étendue de ses droits à pension avant de solliciter son admission anticipée à la retraite à compter du 1er avril 2012, le 30 septembre 2011 et a attendu le 31 janvier 2012 pour demander le bénéfice de l'ASA ; M. A... n'a pas contesté la décision implicite de rejet de sa demande visant à obtenir l'ASA intervenue suite à sa demande du 31 janvier 2012 et a attendu le 27 octobre 2015 pour présenter une nouvelle demande.
Par un mémoire enregistré le 13 août 2024, M. B... A..., représenté par Me Manhouli, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Manhouli, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., qui était titulaire du grade de major de police et avait été affecté, pour la période du 1er septembre 1996 au 31 août 2007, au sein de la circonscription de sécurité publique de Lyon, a été admis par anticipation à faire valoir ses droits à la retraite le 1er avril 2012, sa pension ayant été liquidée sur la base du troisième échelon de son grade. Après en avoir fait la demande une première fois le 31 janvier 2012, M. A... a demandé le 27 octobre 2015 à bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) à raison de son exercice au sein de la circonscription de sécurité publique de Lyon. Par un arrêté du 24 avril 2018, pris au regard d'une décision du ministre de l'intérieur du 29 janvier 2018 lui ayant accordé le bénéfice de l'ASA pour l'affectation précitée, le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a reconstitué la carrière de M. A... et l'a ainsi reclassé au quatrième échelon de son grade avec une date d'effet au 1er mars 2012. Concomitamment, par un jugement n° 1503572 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision implicite de rejet opposée à sa demande formulée en 2015. Par un jugement n° 1901518 du 12 novembre 2019, le même tribunal a rejeté la demande de M. A... visant à l'annulation de la décision du 24 avril 2019 du ministre de l'intérieur lui ayant opposé un refus de révision du montant de sa pension de retraite afin qu'elle soit liquidée sur la base du quatrième échelon de son grade. M. A... a alors formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du ministre de l'intérieur, par un courrier du 30 décembre 2020, tendant à la réparation du préjudice, tous chefs confondus, qu'il estime avoir subi du fait des fautes commises par l'État, correspondant au refus illégal de lui accorder le bénéfice de l'ASA et le temps mis pour le reclasser rétroactivement au quatrième échelon de son grade, ayant conduit à une perte de chance de bénéficier d'un reclassement au quatrième échelon de son grade avant qu'il ne soit autorisé à faire valoir ses droits à la retraite et d'obtenir une pension de retraite liquidée au regard de ce reclassement, laquelle a été implicitement rejetée. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon en ce qu'il a, sur demande de M. A..., condamné l'État à lui verser une somme de 9 000 euros en réparation des préjudices dont il a été victime (article 1er) et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).
2. Aux termes de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I. - Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement (...) soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire (...) au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, à défaut, par le traitement (...) soumis à retenue afférents à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d'une manière effective (...). / (...). ".
3. Il résulte de l'instruction que par une demande du 30 septembre 2011, M. A... a sollicité son admission anticipée à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2012, bénéficiant alors du troisième échelon du grade de major, sur la base duquel sa pension a été liquidée en application des dispositions précitées de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un courrier du 31 janvier 2012, l'intéressé a demandé au ministre de l'intérieur, en se prévalant de la décision n° 327128 du Conseil d'État, statuant au contentieux, du 16 mars 2011, le bénéfice de l'ASA, notamment pour son affectation au sein de la circonscription de sécurité publique de Lyon, pour la période du 1er septembre 1996 au 31 août 2007. Si cette autorité a refusé implicitement de faire droit à cette demande, M. A..., qui n'a alors pas contesté cette décision implicite, ne pouvait raisonnablement ignorer qu'il ne pourrait bénéficier d'une éventuelle revalorisation de ses droits à pension, en cas de reconstitution de sa carrière pour prendre en compte son droit au bénéfice de l'ASA, notamment compte tenu des dispositions précitées, que s'il renonçait à son placement anticipé à la retraite afin de pouvoir, en cas de reconstitution de sa carrière, bénéficier de six mois d'ancienneté dans le quatrième échelon de son grade, ce qu'il n'a pas fait. Ainsi, le préjudice qu'il invoque, correspondant à une perte de chance sérieuse de pouvoir bénéficier d'une pension de retraite liquidée, en application des dispositions précitées, sur la base du quatrième échelon de son grade en décalant de cinq mois son départ à la retraite, ne saurait être regardé comme étant en lien direct avec la faute retenue par les premiers juges, tirée de l'octroi tardif de l'ASA. Le ministre de l'intérieur est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la faute commise par l'administration avait privé M. A... d'une chance sérieuse de bénéficier d'une meilleure pension de retraite.
4. Par suite, en l'absence d'autre moyen qu'il appartiendrait à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par M. A... devant le tribunal, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'État à verser à M. A... une somme de 9 000 euros en réparation du préjudice, tous chefs confondus, qu'il a subi (article 1er) et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2). La demande correspondante de M. A... présentée devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant la cour doivent donc être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 23 novembre 2023, ayant condamné l'État à verser à M. A... une somme de 9 000 euros en réparation du préjudice, tous chefs confondus, qu'il a subi et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont annulés.
Article 2 : La demande correspondante de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le rapporteur,
J. ChassagneLa présidente,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00013
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