Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés par le greffe du tribunal administratif de Lyon les 22 avril 2022 et 26 octobre 2023, transmis à la cour par une ordonnance du 1er décembre 2023 du magistrat délégué par la présidente du tribunal prise sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la SASU Monts du Forez énergie, représentée par Me Guinot, demande à la cour :
1°) d'annuler la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération du 23 novembre 2021 refusant de déclasser les parcelles cadastrées section n° B 562 et n° B 590 du domaine public, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, n'étant pas tardive ;
- la délibération attaquée est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, faute d'information suffisante des membres du conseil communautaire ;
- elle méconnaît l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les parcelles en cause ne relevant pas du domaine public, n'ayant pas fait l'objet d'un aménagement spécial ou indispensable à l'exécution du service public auquel elles sont affectées ;
- elle méconnaît l'autorité de chose jugée par l'arrêt n° 17LY02627 du 19 octobre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon, ayant estimé que les parcelles en cause ne faisaient pas partie du domaine public ;
- elle méconnaît l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, l'établissement public de coopération intercommunale ayant décidé d'incorporer au domaine public des biens qui n'en relèvent manifestement pas.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 novembre 2022 et 4 septembre 2024, la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération, représentée par Me Juilles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SASU Monts du Forez énergie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable pour tardiveté, le recours gracieux formé le 22 décembre 2021 n'ayant pu proroger le délai de recours contentieux à l'égard de la SASU Monts du Forez énergie, n'ayant pas été formé pour son compte ;
- les moyens soulevés par la SASU Monts du Forez énergie ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2024.
La communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération, en réponse à une mesure d'instruction prise le 28 avril 2025 en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, a produit un mémoire et des pièces, enregistrés le 16 mai 2025, qui ont été communiqués à la SASU Monts du Forez énergie.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Juilles, pour la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération ;
Considérant ce qui suit :
1. La SASU Monts du Forez énergie, dans le cadre d'un projet d'édification d'un parc éolien sur le territoire des communes de Saint-Jean-la-Vêtre, la Côte-en-Couzan et La Chamba, a, par acte sous seing privé du 20 décembre 2013, obtenu de la communauté de communes des Montagnes du Haut Forez, désormais devenue la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération, une promesse de bail à construction en vue de l'exploitation de ce parc sur les parcelles cadastrées section n° B 562 et n° B 590 situées sur le territoire de La Chamba, ainsi qu'une convention de mise à disposition de ces parcelles préalable à la signature du bail à construction. Etant alors titulaire de plusieurs autorisations administratives délivrées par le préfet de la Loire visant à mener à bien ce projet, la SASU Monts du Forez énergie, a indiqué au président de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération qu'elle entendait lever l'option de la promesse de bail et qu'elle avait l'intention de réitérer ce bail et la constitution de servitudes. La communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération a estimé qu'il était préalablement nécessaire de procéder au déclassement des parcelles concernées du domaine public. Par une délibération du 23 novembre 2021, elle a refusé de déclasser les parcelles cadastrées section n° B 562 et n° B 590 du domaine public au motif que, lui appartenant, elles étaient spécialement aménagées pour le service public du tourisme et du loisir dans le cadre du projet de développement du site du col de la Loge dans le cadre du programme dit " A... ". Un recours gracieux a été formé par courrier reçu le 24 décembre 2021 et a été implicitement rejeté. La SASU Monts du Forez énergie demande l'annulation de la délibération du 23 novembre 2021, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...). ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. / (...). ". Aux termes de l'article L. 411-7 du même code : " Ainsi qu'il est dit à l'article L. 231-4, le silence gardé pendant plus de deux mois sur un recours administratif par l'autorité compétente vaut décision de rejet. ". Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. / (...). ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige a été publiée au recueil des actes administratifs le 23 novembre 2021. Par un courrier du 22 décembre 2021, reçu le 24 décembre 2021, un recours gracieux a été formé par le conseil de la SASU Monts du Forez énergie, qui a indiqué explicitement qu'il agissait pour le compte de cette dernière. Il n'avait pas à justifier d'un mandat en bonne et due forme pour présenter ce recours pour son compte. Ce recours expédié et reçu dans le délai de recours contentieux, a eu pour effet de proroger le délai de recours conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration. Ce recours a été implicitement rejeté le 24 février 2022. Par suite, la requête, enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Lyon le 22 avril 2022, l'a été dans le délai de recours contentieux. La fin de non-recevoir opposée en défense par la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération tirée de ce que la requête serait irrecevable pour tardiveté, le recours gracieux formé le 22 décembre 2021 n'ayant pu proroger le délai de recours contentieux à l'égard de la SASU Monts du Forez énergie, n'ayant pas été formé pour son compte, ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements de coopérations intercommunale en vertu de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération.
5. Il ressort des termes de l'acte attaqué que le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Loire Forez agglomération a été invité à se prononcer, lors de sa séance du 23 novembre 2021, sur une délibération ayant pour objet le déclassement des parcelles cadastrées section n° B 562 et n° B 590 de son domaine public, situées au sein d'un ensemble immobilier localisé au col de la Loge où divers aménagements ont été réalisés afin de permettre des activités sportives et de loisirs durant toutes les saisons, dans le cadre du service public du tourisme. Or, il ressort des pièces du dossier que tant le tribunal administratif de Lyon que la cour administrative d'appel de Lyon s'étaient prononcés sur l'appartenance au domaine public de ces deux parcelles peu de temps avant cette séance, par un jugement du 9 mai 2017 et un arrêt du 10 octobre 2019, et avaient estimé qu'elles relevaient, à la date de la décision qui était alors contestée, du domaine privé de cette personne publique. Alors qu'il ressort du compte-rendu des débats précédant le vote sur cette délibération, qu'après une présentation du contexte dans lequel celle-ci s'inscrivait, des échanges nourris ont eu lieu sur le sens de la délibération, plusieurs membres de l'assemblée ayant exprimé leur manque d'information voire ayant indiqué qu'ils ne prendraient pas part au vote faute d'avoir obtenu tous les éléments utiles pour se prononcer, plusieurs d'entre eux sollicitant un report de ce vote, il n'apparaît pas que le président du conseil communautaire aurait porté à la connaissance de ceux-ci les éléments retenus par les décisions juridictionnelles précitées. Dans ces conditions, et alors même que de nouveaux aménagements avaient été réalisés au col de la Loge, une telle information revêtant un caractère essentiel en vue de permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que d'apprécier les implications de la décision devant être adoptée, la délibération attaquée a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière. Cette irrégularité, qui a au demeurant privé les conseillers communautaires d'une garantie, a été de nature, en l'espèce, à exercer une influence sur le sens de la délibération attaquée.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SASU Monts du Forez énergie est fondée à demander l'annulation de la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération du 23 novembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération une somme au titre des frais exposés par la SASU Monts du Forez énergie et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce soit mise à la charge de la SASU Monts du Forez énergie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération du 23 novembre 2021 refusant de déclasser les parcelles cadastrées section n° B 562 et n° B 590 du domaine public et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération sont annulées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SASU Monts du Forez énergie est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Monts du Forez énergie et à la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération.
Copie en sera adressée au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le rapporteur,
J. Chassagne
La présidente,
A. Duguit-LarcherLa greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY03676
lc