Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 15 octobre 2024 du préfet du Puy-de-Dôme, d'une part, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours en vue de son éloignement.
Par un jugement n° 2402631 du 8 novembre 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2025, M. B..., représenté par Me Shveda, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 novembre 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 15 octobre 2024 du préfet du Puy-de-Dôme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le premier juge a omis d'examiner le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ; le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'une contradiction de motifs ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, dès lors qu'il remplissait les conditions pour bénéficier d'une mesure de régularisation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entaché d'un défaut d'examen, dès lors qu'il ne peut sans risque se rendre dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'est pas justifiée au regard de sa situation personnelle qui constitue une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est excessive au regard de sa situation personnelle ;
- l'assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est disproportionnée au regard de sa situation.
Un mémoire présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, enregistré le 21 mai 2025 à 15h26 après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 11 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, entré en France en 2016 selon ses déclarations, a sollicité l'asile le 4 juin 2018. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 novembre 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 juillet 2019. Par des décisions du 15 octobre 2024, le préfet du Puy-de-Dôme, d'une part, a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi, interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement dont il relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 octobre 2024.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., le premier juge a examiné le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision d'obligation de quitter le territoire français contestée au point 2 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, en faisant état du motif et du fondement juridique retenus par le préfet pour prononcer la décision d'obligation de quitter le territoire français contestée, le premier juge a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français.
4. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que le jugement serait entaché d'une contradiction de motifs, il n'assortit pas son moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, celui-ci ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, M. B... réitère en appel son moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision d'obligation de quitter le territoire français. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs du jugement attaqué.
6. En deuxième lieu, il ressort de l'obligation de quitter le territoire français qu'elle est fondée sur le rejet de sa demande d'asile, en dernier lieu par la CNDA, et l'absence pour lui de droit à se maintenir sur le territoire français. Elle comporte la mention des dispositions applicables et des éléments du parcours du requérant que le préfet entendait prendre en compte dans son appréciation. Ainsi, le préfet a suffisamment motivé sa décision. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait omis de prendre en compte un élément pertinent et porté à sa connaissance par M. B... via les services de police qui l'ont entendu le 15 octobre 2024. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.
7. En troisième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration, avant de prendre une décision d'obligation de quitter le territoire français, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.
8. En quatrième lieu, M. B... fait valoir la durée de son séjour en France, qui n'est toutefois pas établie avant 2018. En outre, il a séjourné en situation irrégulière depuis le rejet de son recours par la CNDA en 2019. La production de ses avis d'impôt sur le revenu pour les années 2020 à 2022, établis seulement en 2023, et de son impôt sur le revenu de l'année 2023, qui font apparaître qu'il a payé des impôts en France, même de faibles montants, ne suffisent pas à caractériser une vie privée et familiale intense et stable sur le territoire français. Il ne conteste, par ailleurs, pas avoir une femme et des enfants dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il l'a obligé à quitter le territoire français.
Sur la légalité du refus d'octroyer un délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ; / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...). ".
10. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet a retenu que le risque qu'il n'exécute pas l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet pour l'application des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était établi, compte tenu notamment de l'entrée irrégulière de l'appelant sur le territoire, de l'absence de démarche de régularisation de sa situation après le rejet de sa demande d'asile et de ce qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement. En se bornant à soutenir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, M. B... ne conteste pas utilement cette décision. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation compte tenu des risques allégués, doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, la décision en cause fait état de la nationalité de M. B..., de ce que sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile et de ce qu'il n'établit pas être exposé à des risques de traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Elle est ainsi suffisamment motivée.
12. En second lieu, M. B..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée tant par l'OFPRA que la CNDA, ne produit aucune pièce probante à l'appui de ses allégations selon lesquelles il encourrait dans son pays des risques de traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au demeurant, lors de son audition par les services de police le 15 octobre 2024, M. B... a déclaré avoir quitté son pays pour trouver du travail. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté, de même que celui, non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, tiré de la méconnaissance de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...). "
14. Si M. B... se prévaut de ce qu'il remplirait les conditions fixées à l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa situation ne constitue pas une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, M. B... n'est pas fondé à contester la décision en cause en faisant valoir une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
16. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.
17. En se prévalant de ce que la mesure d'assignation l'empêche de se rendre à Clermont-Ferrand pour assister aux réunions d'une association dont il est membre, M. B... ne conteste pas sérieusement la décision en cause. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de la décision d'assignation au regard de sa situation doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2024. Sa requête doit, par suite être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente de la formation de jugement,
C. Vinet
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 25LY00273
kc