Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur sa demande de titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " et, d'autre part, l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel cette autorité a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.
Par un jugement n° 2205879 du 14 octobre 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2024, M. C..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 14 novembre 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de résident, ou à titre subsidiaire, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " entrepreneur/profession libérale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a statué sur une décision implicite à laquelle s'est substituée une décision explicite rejetant ses demandes de titre de séjour ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur la seconde branche, fondée, du moyen relatif au défaut d'examen complet de sa situation personnelle, tirée de l'absence de prise en compte des éléments de fait permettant une appréciation juste de sa demande de titre de séjour en qualité d'entrepreneur, ainsi que sur les moyens, fondés, tirés de la méconnaissance de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce qu'il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, ce qui faisait obstacle à son éloignement ;
- le préfet a méconnu les articles L. 421-5 et L. 421-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de renouveler son titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de renouvellement de son titre de séjour sur sa situation personnelle et dans la mise en œuvre de son pouvoir général de régularisation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire et celle désignant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,
- et les observations de Me Bescou, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant géorgien, est entré en France en dernier lieu le 14 février 2017 sous couvert d'un visa de long séjour avant de bénéficier d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de ressortissant français valable du 2 mars 2018 au 1er mars 2020. Il a sollicité, le 27 janvier 2020, le renouvellement de sa carte de séjour puis, le 19 mai 2021, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale" sur le fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 18 février 2022, il a également sollicité la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée -UE" sur le fondement de l'article L. 426-17 du même code. Le préfet de l'Isère a rejeté implicitement cette dernière demande et, par un arrêté du 14 novembre 2022, a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de M. C... et de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 14 octobre 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite de rejet et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. C... qui relève appel de ce jugement dans cette mesure.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du point 7 du jugement attaqué que le tribunal a répondu au moyen tiré du défaut d'examen par le préfet de la situation personnelle de M. C..., au regard des seules dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il était également dirigé contre le rejet de la demande de titre de séjour présentée le 19 mai 2021 sur le fondement de l'article L. 421-5 du même code. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que les premiers juges ont omis de se prononcer sur la seconde branche du moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour ne repose pas sur un examen particulier de sa situation. Dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, celui-ci, en tant qu'il statue sur les conclusions de M. C... dirigées contre l'arrêté du 14 novembre 2022, doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. L'arrêté du 14 novembre 2022 a été signé par Mme A... D..., cheffe du bureau asile contentieux éloignement à la préfecture de l'Isère, qui avait reçu délégation à cet effet par un arrêté préfectoral du 26 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le jour même. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. En l'absence de texte en disposant autrement, il est loisible à un étranger de demander simultanément ou successivement des titres de séjour relevant de différentes catégories. Aucun principe n'impose au préfet de statuer par une seule décision sur des demandes de titre déposées simultanément ou successivement par un même demandeur.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour aurait été opposé à M. C... sans examen particulier des différentes demandes de titre de séjour sur lesquelles le préfet s'est prononcé dans l'arrêté en litige et notamment de celle tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/ profession libérale ".
7. Le préfet de l'Isère n'a pas statué, dans l'arrêté du 14 novembre 2022, sur la demande de carte de résident présentée par M. C... sur le fondement de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle a été implicitement rejetée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " d'une durée maximale d'un an. ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " Par dérogation à l'article L. 433-6, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " et qui est titulaire d'une carte de séjour délivrée pour un autre motif bénéficie d'une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention demandée lorsque les conditions de délivrance de cette carte sont remplies. / A l'expiration de la durée de validité de cette carte, s'il continue à en remplir les conditions de délivrance, il bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention. / Lorsque l'étranger sollicite la délivrance d'une première carte de séjour pluriannuelle dans les conditions prévues au présent article, il doit en outre justifier du respect des conditions prévues au 1° de l'article L. 433-4. ".
9. Pour refuser de délivrer à M. C... une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " entrepreneur / profession libérale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère a estimé que l'activité non salariée de l'intéressé n'était pas économiquement viable et qu'elle ne lui procurait pas des ressources suffisantes. En faisant état de la réalisation d'un chiffre d'affaires de 9 200 euros au cours de l'année 2021 à la suite de la création de son entreprise le 6 avril 2021, soit au mieux un revenu mensuel de 767 euros en 2021, M. C... ne démontre pas qu'il disposait, à la date à laquelle le préfet a statué sur sa demande, de ressources suffisantes tirées d'une activité non salariée, au sens de l'article L. 421-5 du code cité au point 8. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
10. Si, comme exposé au point 1, M. C... est entré en France le 14 février 2017 muni d'un visa valable jusqu'au 14 février 2018, puis a séjourné sous couvert de titres de séjour en qualité de conjoint de français et a exercé une activité salariée avant de créer son entreprise en avril 2021, les ressources procurées par cette activité n'étaient, à la date de l'arrêté en litige, pas de nature à faire regarder celle-ci comme économiquement viable, ni à établir qu'il en tirait des moyens d'existence suffisants ainsi qu'il a été jugé au point 9. En outre, il était en instance de divorce depuis le mois de mai 2020 et sans charge de famille et il n'établit pas être dépourvu d'attaches en Géorgie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Dans ces conditions et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait résidé en France de 2011 à 2017, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît, ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir général de régularisation dont il dispose et plus largement quant aux conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'illégalité du refus de titre de séjour, soulevée par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée. En l'absence de toute argumentation particulière, et même en tenant compte des effets propres de la mesure d'éloignement, le moyen tiré de ce que cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.
12. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
13. D'une part, aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. / (...) / La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés (...). ".
14. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, M. C... est entré en France muni d'un visa valable jusqu'au 14 février 2018 puis a été titulaire d'un titre de séjour valable du 2 mars 2018 au 1er mars 2020. Par la suite, il a bénéficié de récépissés valables du 8 décembre 2020 au 7 mars 2021, du 23 mars 2021 au 22 juin 2021, du 5 octobre 2021 au 4 janvier 2022, du 14 janvier 2022 au 13 avril 2022 et du 20 mai 2022 au 19 août 2022 et, en dernier lieu, d'un récépissé délivré le 4 novembre 2022. Dans ces conditions, il ne justifiait pas à la date de l'arrêté litigieux d'une présence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France et ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, comme mentionné au point 9, il ne disposait pas à cette date de ressources stables, régulières et suffisantes.
15. D'autre part, les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, relatives à l'attribution d'une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur / profession libérale " ne prescrivent pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Par suite, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur de droit.
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par voie d'exception, au soutien de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination, l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
17. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2205879 du tribunal administratif de Grenoble du 14 octobre 2024 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par M. C... à fin d'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble et dirigées contre l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet de l'Isère sont rejetées
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY03513
kc