Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2401188 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2024, M. F... E..., représenté par Me Lawson- Body, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " travailleur temporaire " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de huit jours, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois et, dans l'attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- les décisions de refus de titre de séjour et fixant le pays de destination sont entachées d'insuffisance de motivation ;
- les décisions du préfet de la Loire méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de ses enfants ;
- le préfet de la Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., de nationalité algérienne, né le 1er janvier 1969, est entré régulièrement sur le territoire français le 15 février 2018, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de tourisme, valable du 1er février au 18 mars 2018, délivré par les autorités françaises, pour y rejoindre son épouse soignée en France, qui décèdera le 1er octobre 2018, ainsi que leurs quatre enfants D..., B..., G... et A.... Il a demandé, le 14 mars 2023, la délivrance d'un certificat de résidence mentions " vie privée et familiale ", " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par des décisions du 14 novembre 2023, le préfet de la Loire a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 2 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, M. E... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisance de motivation entachant les décisions de refus de titre de séjour et fixant le pays de destination qu'il avait invoqué en première instance. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon aux points 3 et 11 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
4. M. E... ne séjourne sur le territoire français que depuis un peu moins de six ans alors qu'il a vécu quarante-neuf ans en Algérie où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. Il ne démontre pas que ses quatre enfants, scolarisés en classes de terminale professionnelle réparation des carrosseries, de seconde, de 5ème et de CM1, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie, ni leurs développements personnels. M. E... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française en se bornant à faire valoir qu'une entreprise a demandé pour son compte une autorisation de travail pour un emploi à temps plein de préparateur de commandes - manutentionnaire en contrat à durée indéterminée, qu'il a suivi des cours de français depuis 2019, donné son sang régulièrement, qu'il a eu des activités bénévoles pour les associations Secours populaire français et El-Ane l'autonomie respectivement depuis septembre 2020 et durant deux mois en 2018, et qu'il a créé des relations en France. S'il ressort des attestations produites par M. E... que l'épouse d'un de ses cousins et qu'un frère de sa défunte conjointe sont respectivement de nationalité française et titulaire d'un certificat de résidence en France de dix ans, il résulte de sa demande de titre de séjour qu'il a des membres de sa famille en Algérie avec lesquels il ne démontre pas ne plus avoir de relations. Dans ces conditions, le préfet de la Loire n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions ont été prises. Dès lors, elles n'ont pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle des quatre enfants du requérant, doivent être écartés.
5. En troisième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. M. E... ne peut donc utilement se prévaloir de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas applicable aux ressortissants algériens et qui ne constitue pas un des fondements des décisions attaquées. En outre, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel doit être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, M. E... reprend en appel les moyens tirés de l'exception d'illégalité qu'il avait invoqués en première instance à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 8 et 10 du jugement.
8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02725