Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2300330 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 août, 2 et 30 décembre 2024, Mme C... A..., représentée par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge de ces impositions et pénalités et, à titre subsidiaire, la décharge des pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la prise de position formelle de l'administration, résultant de ce que l'administration a écarté, au titre des revenus des années 2012 et 2013, le versement par M. A... de sommes créditées sur ses comptes bancaires, en les qualifiant de revenus d'origine indéterminée, lui est opposable sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- la somme de 17 394 euros ne correspond pas à la cession d'actions de la société Glycovaxyn ;
- la pénalité pour manquement délibéré est infondée dès lors que l'insuffisance de déclaration des sommes versées par son ex-époux au titre de pensions alimentaires est exclusivement imputable à l'administration.
Par des mémoires, enregistrés les 20 novembre et 12 décembre 2024, le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., qui résidait en France en Isère, a souscrit au titre de l'année 2015 une déclaration de revenus séparée de celle de M. D... A..., qui résidait et travaillait en Suisse, avec lequel elle était alors mariée sous le régime de la séparation de biens, dans laquelle elle a fait état d'un revenu nul, d'un enfant mineur et de trois enfants majeurs rattachés à son foyer fiscal. Elle a fait l'objet en 2018 d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur l'année 2015, à la suite duquel, tirant les conséquences de l'instance de divorce en cours en 2015 et de l'attribution à Mme A... de la jouissance gratuite du domicile conjugal par une ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Grenoble du 1er juillet 2014 révélée dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur l'année 2016 qui a fixé à 4 500 euros par mois la contribution de M. A... au titre de sa part contributive à l'entretien et à l'éducation de trois de leurs quatre enfants et à 5 000 euros par mois la pension alimentaire due à son épouse au titre du devoir de secours, l'administration a soumis à l'impôt sur le revenu, sur le fondement de l'article 79 du code général des impôts, les sommes reçues de M. A... créditées sur ses comptes bancaires et, sur le fondement de l'article 150-0 A du même code, une somme de 17 394 euros en tant que plus-value de cession de valeurs mobilières. Elle a également ramené à 3, correspondant à la situation d'une personne séparée avec un enfant mineur à charge et deux enfants majeurs rattachés, le quotient familial de 4 déclaré par la requérante. Mme A... a ainsi été assujettie, en application de la procédure contradictoire, au titre de l'année 2015, à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles l'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Mme A... relève appel du jugement du 18 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'un précédent examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2012 et 2013, années au titre desquelles Mme A... avait déposé des déclarations de revenu distinctes en application du a du 4 de l'article 6 du code général des impôts, l'administration l'a taxée d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales à raison de revenus d'origine indéterminée, constitués de crédits bancaires non justifiés. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 17 décembre 2020 devenu définitif, prononcé la décharge des impositions et pénalités en résultant sur le fondement de la règle générale de présomption du caractère non imposable des sommes correspondant à des versements à caractère familial.
3. Mme A..., qui ne conteste pas que l'imposition à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 a été établie conformément à la loi fiscale, fait valoir qu'en taxant les sommes versées par son époux en 2012 et 2013 en tant que revenus d'origine indéterminée, l'administration a pris une position formelle sur sa situation de fait, opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
5. Toutefois, Mme A... n'est pas fondée à invoquer ces dispositions pour faire échec à l'imposition des sommes versées par son époux dès lors, d'une part, qu'ayant déclaré un revenu nul en 2015, l'imposition en litige mise à sa charge à l'issue du contrôle dont elle a été l'objet est une imposition primitive qui ne procède pas du rehaussement d'une imposition antérieure et, d'autre part et en tout état de cause, que les époux étant en instance de divorce depuis 2014 et ayant été autorisés à avoir des résidences séparées, sa situation de fait en 2015 n'est pas identique à celle qui a été soumise à l'administration et appréciée par elle en 2012 et 2013.
6. En second lieu, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ".
7. L'administration a soumis à l'impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions précitées, une somme de 17 394,19 euros créditée le 15 juin 2015 sur le compte bancaire ouvert au nom de Mme A... auprès de la banque Alsace Lorraine Champagne dont elle a estimé qu'elle se rapportait au gain net retiré de la cession d'actions. Il est constant que la somme de 17 394,19 euros a été virée sur le compte bancaire de la requérante par M. A... avec laquelle elle était alors mariée, le divorce des époux ayant été prononcé par un jugement du tribunal judiciaire de Grenoble du 29 janvier 2018. Il résulte de la proposition de rectification rectificative du 31 mars 2021 que le virement bancaire est libellé " paiement action Glycovaxyn " et que, selon les recherches du vérificateur, la société Glycovaxyn, dont le siège est en Suisse, a été rachetée en 2015 par une entreprise britannique GSK. Il en résulte également que, dans sa réponse à la demande de justifications du 20 juin 2018 et à la mise en demeure de compléter sa réponse du 19 septembre suivant, Mme A... s'est bornée à indiquer que les sommes versées par M. A... l'ont été aux fins de contributions aux charges du mariage conformément à l'article 214 du code civil, d'une libéralité entre époux, ou à défaut, de pension alimentaire. Si Mme A... produit, seulement à hauteur d'appel, dans son deuxième mémoire du 2 décembre 2024, une attestation de son père datée du 6 juin 2021 indiquant que M. A... l'a remboursé en juin 2015, par l'intermédiaire de sa fille, d'une somme de 18 000 euros environ qu'il devait lui rendre, ainsi que des relevés bancaires dont il résulte que la requérante a procédé, du 29 juin au 14 septembre 2015, à douze virements bancaires d'un montant total de 17 370 euros au bénéfice de son père, cette attestation ne présente pas de caractère suffisamment probant quant à la réalité de la dette invoquée, eu égard à son caractère succinct et aux éléments évoqués ci-dessus. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la somme de 17 394 euros correspondait à un gain de cession de valeurs mobilières à soumettre à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales.
Sur la pénalité :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. L'administration a appliqué la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées aux chefs de rectification tirés de l'absence de déclaration des pensions alimentaires et de la plus-value de cession d'actions, ainsi que de la réduction du quotient familial, et Mme A... ne conteste cette majoration qu'en tant qu'elle a été appliquée au premier de ces chefs de rehaussements. Ainsi qu'il a été dit, Mme A... a souscrit une déclaration de revenus au titre de l'année 2015, mentionnant un revenu nul, qui est, par suite, entachée d'une insuffisance déclarative. En relevant que Mme A... a déposé une déclaration de revenus, sans y mentionner le moindre revenu alors qu'elle avait perçu de M. A... une somme de 105 715 euros en exécution de l'ordonnance de non-conciliation du 1er juillet 2014, dont elle ne pouvait ignorer les termes, mettant à la charge de son époux des pensions alimentaires, l'administration établit l'intention délibérée de Mme A... d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration prévue en cas de manquement délibéré. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait légalement faire application de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02495