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12/06/2025 | FRANCE | N°23LY02433

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 12 juin 2025, 23LY02433


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2023 et 5 avril 2024, la société Jadamic, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du 22 mai 2023 délivré à la société l'Immobilière Leroy Merlin par le maire de Clermont-Ferrand en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;



2°) de mettre à la charge de la société l'Immobilière Leroy Merlin la somme de 5 000 euro

s au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :

- la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2023 et 5 avril 2024, la société Jadamic, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du 22 mai 2023 délivré à la société l'Immobilière Leroy Merlin par le maire de Clermont-Ferrand en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la société l'Immobilière Leroy Merlin la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée ne pouvait être valablement prise en l'absence de saisine du maire, l'abrogation de la décision de refus initiale n'ayant pas eu pour effet de le ressaisir de la demande de la pétitionnaire ;

- le dossier de demande de la pétitionnaire aurait dû faire état du projet porté par la société Cruzilles sur un terrain contigu, notamment afin de permettre d'apprécier l'insertion paysagère et architecturale du projet porté par la société l'Immobilière Leroy Merlin ;

- M. C... B... n'avait pas qualité pour signer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- la demande de permis présente, de façon erronée, le site du projet comme artificialisé et anthropisé alors que seules les voies d'accès de l'ancienne école du feu de la société Michelin sont situées sur le terrain d'assiette ;

- le dossier de demande est insuffisant en ce qui concerne la description de la pollution des sols et des mesures prises pour assurer la compatibilité avec l'usage projeté du site, ainsi que l'évaluation des impacts du projet en termes de consommation d'espaces naturels, de consommation économe de l'espace et d'imperméabilisation des sols, l'autorité environnementale ayant rendu un avis concluant à des carences dans l'étude d'impact réalisée ;

- la formalité de mise à disposition du dossier par voie électronique n'a pas été accomplie, en méconnaissance de l'article L. 123-19 du code de l'environnement ;

- la pétitionnaire ne justifie pas qu'elle dispose de la maîtrise foncière du terrain d'assiette comme l'exige l'article R. 752-4 du code de commerce ;

- le dossier de demande ne comprend qu'un résumé de l'étude de trafic ; il ne permet pas d'être certain que la prolongation de la rue Auriol jusqu'au terrain d'assiette, nécessité par le nouvel accès livraisons, sera bien réalisé ;

- compte tenu des modifications substantielles apportées au projet à la suite de la décision de rejet de la Commission nationale d'aménagement commercial, la pétitionnaire ne pouvait déposer directement sa nouvelle demande devant elle ;

- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Grand Clermont qui proscrit le développement de nouvelles surfaces commerciales en périphérie ; il ne respecte pas non plus ses orientations qualitatives dès lors qu'aucune mutualisation du stationnement n'est prévue avec le magasin Ikea voisin, qu'il impactera fortement le paysage compte tenu de sa hauteur, qu'il ne valorise pas les filières de production locales et qu'il ne comporte pas de mur végétalisé ni rupture volumétrique ;

- il se situe dans une zone vierge, séparée des zones d'habitation par des zones mono-fonctionnelles et dont la desserte multimodale est très insuffisante, y compris en transports en commun ;

- il n'est pas économe de l'espace et n'est pas bénéfique en termes de perméabilité des sols ;

- il n'a pas d'utilité et ne contribuera pas à la diversification de l'offre commerciale et donc à l'animation de la vie urbaine et à la préservation des centres urbains ;

- il n'est pas accessible pour les piétons et cyclistes et insuffisamment desservi par les transports en commun ;

- s'agissant du développement durable, l'insertion paysagère et architecturale du projet est insuffisante, notamment du fait de son impact visuel depuis l'autoroute, qui n'a pas été amélioré par le nouveau projet ; les mesures envisagées pour atténuer son impact visuel ne semblent pas réalisables compte tenu de la pollution du site ; il se situe dans une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique et est soumis à évaluation environnementale ;

- s'agissant de la protection des consommateurs, le projet est situé en zone d'aléa moyen concernant les risques de sismicité, d'inondations et de retrait-gonflement des argiles, il existe un doute sur sa contribution au renforcement des inondations dans ce secteur et il ne propose aucune mesure pour pallier ces risques ; il ne contribuera pas à la valorisation des filières de production locales.

Par des mémoires enregistrés le 5 février 2024 et le 23 avril 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société L'Immobilière Leroy Merlin France, représentée par Me Renaux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la société Jadamic au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-19 du code de l'environnement est irrecevable ;

- les moyens relatifs à la localisation inapproprié du projet et à son insuffisante intégration et aux effets du projet en termes d'animation de la vie urbaine et de préservation des centres urbains et sur les flux de transports et l'accessibilité du projet par les modes doux sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2024, la commune de Clermont-Ferrand, représentée par Me Bonicel-Bonnefoi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Jadamic au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Jadamic ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce,

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Diot, représentant la société Jadamic, de Me Renaux, représentant la société l'Immobilière Leroy Merlin France et de Me Martins Da Silva, représentant la commune de Clermont-Ferrand ;

Et avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2025, présentée par la société Jadamic.

Considérant ce qui suit :

1. La société l'Immobilière Leroy Merlin France, qui exploite un magasin d'une surface de vente de 11 364 m² au sein de la zone du Brézet, à Clermont-Ferrand, a souhaité transférer cet établissement à l'entrée nord de Clermont-Ferrand et porter à 12 116 m² sa surface de vente et créer en outre un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, d'une emprise au sol de 978 m² et équipé de 18 pistes de ravitaillement. Elle a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, rejetée une première fois par la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) le 13 juin 2013. Le 3 mai 2021, elle a déposé une nouvelle demande qui a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial mais d'un nouvel avis défavorable de la CNAC le 14 octobre 2021, toutefois assorti d'une faculté de saisine directe. Usant de cette faculté, la société l'Immobilière Leroy Merlin France a déposé une nouvelle demande le 1er août 2022, portant sur une surface de vente de 11 866 m² et sur la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, d'une emprise au sol de 1 400 m² et équipé de 23 pistes de ravitaillement. Le 15 décembre 2022, la CNAC a émis un avis favorable au projet. Dans un premier temps, le maire de Clermont-Ferrand a pris un arrêté de refus de permis de construire le 24 février 2023, au motif que la formalité de mise à disposition du public par voie électronique n'avait pu être réalisée en incluant l'intégralité des éléments nécessaires. Par un arrêté du 22 mai 2023, constatant que cette formalité avait été désormais accomplie, il a abrogé le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et délivré à la société l'Immobilière Leroy Merlin France l'autorisation sollicitée le 22 mai 2023. La société Jadamic, qui exploite un magasin à l'enseigne Bricomarché sur le territoire de la commune de Riom, compris dans la zone de chalandise du projet, demande à la cour d'annuler cette décision.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, à la suite de l'abrogation de l'arrêté de refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 24 février 2023, le maire de Clermont-Ferrand se trouvait de nouveau saisi de la demande de la société l'Immobilière Leroy Merlin France tendant à la délivrance de cette autorisation, alors que la pétitionnaire l'avait en outre saisi d'une demande en ce sens. Par suite, la société Jadamic n'est pas fondée à soutenir que le maire de Clermont-Ferrand avait épuisé sa compétence et ne pouvait plus valablement délivrer le permis de construire après avoir abrogé sa précédente décision.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. C... B..., adjoint à l'urbanisme, qui avait reçu délégation, par un arrêté du maire de Clermont-Ferrand du 5 juin 2021 publié au recueil des actes administratifs de la commune en juin 2021, à l'effet notamment d'instruire, délivrer et contrôler les autorisations d'occupation des sols, tels que, par exemple, les permis de construire. Par suite, le moyen tiré de l'absence de compétence du signataire de l'arrêté du 22 mai 2023.

4. En dernier lieu, à l'appui de ses conclusions contre le permis de construire du 22 mai 2023 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, la société requérante n'est pas recevable à soutenir que la formalité de mise à disposition du dossier par voie électronique n'aurait pas été accomplie, en méconnaissance de l'article L. 123-19 du code de l'environnement, dès lors que ce moyen se rattache aux règles d'urbanisme applicables au permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, qu'elle ne conteste pas et n'a d'ailleurs pas d'intérêt pour ce faire.

Sur la légalité interne :

Sur le respect des conditions de saisine directe de la CNAC :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L.752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial. ". Aux termes de l'article L. 752-15 du même code : " (...) Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou lors de sa réalisation, subit, du fait du pétitionnaire, des modifications substantielles au regard des critères énoncés à l'article L. 752-6. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour tenir compte des motivations de la CNAC dans son premier avis, la société l'Immobilière Leroy Merlin France a modifié son projet en réduisant la surface de vente de 250 m², soit 2 % de la surface totale initiale de 12 116 m², en prévoyant la reconfiguration du point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, dit A..., avec la création de 5 pistes supplémentaires, portant leur nombre à 23, et une augmentation de l'emprise au sol de ce drive de 422 m², portant son emprise à 1 400 m², en augmentant des espaces verts et perméabilisés, en revoyant l'insertion paysagère et architecturale du projet et en améliorant les mesures prises en faveur du développement durable. Au regard de ces modifications, qui tendent à parfaire le projet en matière d'aménagement du territoire et de de développement durable, sans en modifier la nature et ni les caractéristiques fondamentales, la nouvelle demande déposée par la pétitionnaire ne peut être regardée comme constituant une modification substantielle du projet au sens de l'article L. 752-15 du code de commerce, c'est-à-dire au regard des critères prévus par l'article L. 752-6 du même code, quand bien-même l'article L. 752-16 de ce code prévoit que, s'agissant d'un drive, l'autorisation est accordée par piste de ravitaillement et par mètre carré d'emprise au sol des surfaces. Par suite, le moyen tiré de ce que la CNAC ne pouvait être saisie directement de la nouvelle demande doit être écarté.

Sur la complétude du dossier de demande :

7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le dossier de demande d'autorisation présenté par la pétitionnaire n'avait pas à faire état du projet porté par une société tiers sur un terrain contigu, avec lequel le projet en cause n'a aucun lien physique ni fonctionnel, quand bien même ces projets auraient vocation à s'intégrer dans un pôle commercial formé avec le magasin Ikea déjà existant. Ainsi, le moyen tiré de ce que le dossier de demande d'autorisation aurait été présenté de façon incomplète et aurait ainsi été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur sur la nature du projet et sur son insertion paysagère et architecturale doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de la demande d'autorisation, le site d'implantation du projet a déjà été urbanisé dans la mesure où il a accueilli dans les années 1980 des installations industrielles liées à l'activité de l'entreprise Michelin " toute proche ", à savoir l'école du feu Michelin (cuves aériennes, bassins de rétention, zones de stockage), et ces premiers aménagements ont été démolis en 2013, avant que des travaux soient entrepris pour la création d'une aire d'accueil des gens du voyage comprenant une voirie. La pétitionnaire indique que le site est donc en partie déjà imperméabilisé et ne correspond pas à une emprise naturelle. Elle précise qu'une étude d'impact environnementale, menée par un bureau d'études en mai 2022, qualifie le site du projet de " friche herbacée avec des remaniements et des dépôts de matériaux " et ne détecte aucun habitat naturel présentant un enjeu particulier de conservation à l'échelle de la zone. La pétitionnaire indique également plus loin que le projet se trouve dans une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 2 et à proximité d'une ZNIEFF de type 1. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette présentation du site serait erronée, alors même que seules les voies d'accès de l'ancienne école du feu de la société Michelin sont situées sur le terrain d'assiette du projet, la demande d'autorisation présentant bien le site comme vierge de toute construction, pour le surplus. En tout état de cause, dans son avis, la CNAC a comparé les espaces perméables et imperméables du seul projet et de sa précédente version, et n'a procédé à aucune comparaison avec le site dans son état initial.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " I- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / (...) / 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / (...) ; / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; (...) / 5° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : a) Distance du projet par rapport aux principales zones d'habitation de la zone de chalandise ; (...) / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; / (...). ".

10. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. D'une part, le dossier de demande d'autorisation, qui n'avait pas à contenir l'intégralité de l'étude de trafic réalisée par la pétitionnaire, comprend notamment des développements consacrés à l'évaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces développements seraient incomplets ou erronés, ce que ne soutient d'ailleurs pas la requérante, ni a fortiori qu'ils n'auraient pas permis à la CNAC de se prononcer en connaissance de cause. Le dossier de demande d'autorisation précise par ailleurs que les livraisons s'effectueront depuis l'entrée de la parcelle, par une voie spécifiquement créée, qui se connectera sur une voirie desservant la zone d'aménagement concerté (ZAC) des Gravanches et qu'il appartiendra à l'aménageur de la ZAC, selon les termes du cahier des charges de cession des terrains, d'exécuter " tous les ouvrages de voirie " destinés à être incorporés au domaine des collectivités ou à être remis aux organismes concessionnaires. La circonstance que ce document prévoit que le délai de réalisation de ces travaux sera, sauf prévision contractuelle contraire, d'un an au maximum à compter de l'achèvement des bâtiments prévus, n'est pas de nature à avoir faussé l'appréciation du service instructeur sur les conditions d'accès au projet par les véhicules de livraison, la réalisation de cette voirie apparaissant suffisamment certaine au vu de ces éléments.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation que celui-ci décrit et est assorti de pièces relatives à la pollution des sols compte tenu de leurs occupations précédentes. En particulier, il y est précisé que le site est concerné par une problématique de pollution des eaux et du sol liée à la présence de l'ancienne école du feu Michelin, que les pollutions liées à cette ancienne activité ont été traitées lors de l'implantation du magasin Ikea sur la zone des Gravanches, avec déplacement et traitements de terres polluées et qu'il a été relevé lors de l'étude de sols en 2020 la présence ponctuelle de contaminations légères aux métaux et hydrocarbures dans certaines zones, mais sans incompatibilité avec le projet, la définition de ce dernier tenant compte de cette situation. Par ailleurs, le dossier de demande indique que le site du projet est concerné par le périmètre d'un plan de prévention des risques (PPR) naturels, technologiques ou miniers et par le PPR inondations (PPRI) de l'Agglomération Clermontoise, qu'il se trouve à la limite d'une zone inondable d'aléa faible, que la commune est classée en zone de sismicité " modérée " et que le département du Puy-de-Dôme est touché par un aléa de risque moyen " mouvement de terrain " lié au retrait/gonflement des argiles, ce risque ayant été pris en compte lors de la conception du projet. D'une façon générale, le dossier de demande d'autorisation décrit les des mesures prises pour assurer la compatibilité du site avec son usage projeté. S'agissant de l'évaluation des impacts du projet en termes de consommation d'espaces naturels, de consommation économe de l'espace et d'imperméabilisation des sols, le dossier de demande contient des informations précises sur ces points, étant rappelé que ce dossier n'avait pas à contenir des éléments se rapportant au respect de la législation de l'environnement. Ainsi, le moyen tiré de ce que le dossier de demande était incomplet et, par suite, de nature à fausser l'appréciation portée par à la CNAC doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes ; / (...) "

14. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale qu'il est déposé par la société l'Immobilière Leroy Merlin France, en sa qualité de future propriétaire du terrain et est assorti des autorisations des propriétaires pour le dépôt de la demande. Dans ces conditions, et alors qu'il n'appartenait ni à la CNAC ni au maire de Clermont-Ferrand de vérifier la validité de ces autorisations, le moyen tiré de ce que la pétitionnaire n'a pas justifié avoir qualité pour déposer la demande d'autorisation d'exploitation commerciale comme l'exige l'article R. 752-4 du code de commerce, doit être écarté.

Sur la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Grand Clermont et les critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :

15. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.- A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. / (...) V.- L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme. (....) ".

16. D'une part, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Grand Clermont :

17. Il ressort des dispositions du document d'orientations générales (DOG) du SCoT du Grand Clermont approuvé le 29 novembre 2011, modifié en dernier lieu le 20 décembre 2019, et de son document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC), que l'offre commerciale a vocation à être répartie sur le territoire autour de trois niveaux de rayonnement, dont les " centralités et pôles de périphérie de développement de niveau métropolitain ". Ces documents opèrent une distinction entre, d'une part, les centralités correspondant à des achats " quotidiens à exceptionnels légers ", effectués dans des espaces multifonctionnels comprenant des logements, des équipements et des activités commerciales, artisanales et de service et, d'autre part, les pôles de périphérie localisés en entrée d'agglomération susceptibles d'accueillir de nouveaux projets commerciaux par création ou transfert, et pour lesquels les centralités n'offrent aucune possibilité d'implantation satisfaisante. Contrairement à ce que soutient la société Jadamic, le SCoT du Grand Clermont ne proscrit pas mais encadre l'implantation de nouvelles surfaces commerciales en périphérie, dès lors qu'elles se situent, comme c'est le cas en l'espèce de la zone des Gravanches dans laquelle s'implante le projet, dans un " pôle périphérique de rayonnement métropolitain ". Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la hauteur du bâtiment et son accompagnement paysager, consistant en l'aménagement d'une bande paysagère comprenant des merlons paysagers, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne seraient pas réalisables, et 75 arbres et arbustes, doivent en limiter l'impact visuel depuis l'autoroute A 71, ce malgré l'absence de rupture volumétrique et de mur végétalisé. Si le projet, contrairement aux préconisations du SCoT, n'a pas envisagé une mutualisation du parc de stationnement avec celui du magasin Ikea voisin, techniquement impossible en raison de la large noue paysagère les séparant, les voies d'accès et de circulation sont mutualisées et une partie des places de stationnement sera localisée en étage, pour limiter l'imperméabilisation des sols, et une autre partie sera perméable, conformément à ces mêmes préconisations. Enfin, le projet prévoit de recourir à des fournisseurs locaux dans des proportions non négligeables. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait incompatible avec les orientations générales et les objectifs définis par le SCoT du Grand Clermont.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

18. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 17 ci-dessus, les voies d'accès et de circulation sont mutualisées avec celles du magasin Ikea voisin et le projet prévoit qu'une partie des places de stationnement sera localisée en étage, pour limiter l'imperméabilisation des sols, et qu'une autre partie sera perméable. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet méconnaîtrait le critère de consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement.

19. En deuxième lieu, si le projet ne consiste pas à créer une nouvelle offre commerciale mais à transférer une activité existante sur un autre site, le nouveau bâtiment dans lequel l'activité en cause doit être exploitée sera plus vaste et a vocation à s'insérer dans un ensemble commercial, dans une zone dont les caractéristiques diffèrent de celles la zone du Brézet, laquelle a d'ailleurs vocation à être requalifiée dans le cadre d'une orientation d'aménagement et de programmation prévue au plan local d'urbanisme de la commune de Clermont-Ferrand, notamment grâce au départ du magasin Leroy Merlin actuel. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet " n'a pas véritablement d'utilité " et que, ce faisant, il méconnaitrait le critère d'animation de la vie urbaine.

20. En troisième lieu, la circonstance que le site du projet serait faiblement desservi en transports en commun, l'arrêt de bus le plus proche se trouvant à 450 mètres, et peu accessible à pied, n'est pas de nature, à elle-seule, à caractériser une méconnaissance par le projet des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce, d'autant que le type d'achats ayant vocation à y être effectués se prête en tout état de cause assez mal à un transport collectif ou non motorisé. Le projet, dont la localisation répond à un objectif du SCoT est au demeurant desservi par des pistes cyclables, et accessible à pied pour les personnes travaillant dans la zone d'activité.

S'agissant du développement durable :

21. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 17 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que la hauteur du bâtiment et son accompagnement paysager, consistant en l'aménagement d'une bande paysagère comprenant des merlons paysagers et 75 arbres et arbustes, doivent en limiter l'impact visuel depuis l'autoroute A 71, ce malgré l'absence de rupture volumétrique et de mur végétalisé. Le projet prévoit plus généralement la plantation de 235 arbres et les espaces verts représenteront plus de 39 % de l'emprise foncière. La surface des toitures végétalisées représente par ailleurs 8 250 m². Dans le même temps, il ne ressort pas des pièces du dossier, y compris de l'étude que la société Jadamic requérante a faite réaliser, que le terrain, inclus dans le périmètre de la ZAC des Gravanches, présente un intérêt environnemental ou paysager particulier. Enfin, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que les aménagements paysagers projetés ne seraient pas réalisables compte tenu de la pollution des sols. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaîtrait le critère d'insertion paysagère et architecturale.

22. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 19 ci-dessus, la circonstance que le projet ne consiste pas en la création d'une nouvelle offre commerciale mais à transférer une activité existante sur un autre site n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance des objectifs de contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial et de variété de l'offre proposée par le projet.

S'agissant de la protection des consommateurs :

23. Ainsi qu'il a été dit, le dossier de demande d'autorisation a présenté de façon complète les risques auxquels le projet est soumis compte tenu de sa localisation et il n'en résulte pas de risques particuliers pour le consommateur au regard de leur importance et de leur prise en compte par le projet, dont les caractéristiques de constructions sont adaptées aux risques naturels identifiés, ce que ne conteste pas sérieusement la société Jadamic en se bornant à procéder par affirmations contraires. Par ailleurs, ainsi qu'il a également été dit, le projet prévoit de recourir à des fournisseurs locaux dans des proportions non négligeables. Enfin, la circonstance que l'autorité environnementale aurait émis des doutes sur la contribution du projet au renforcement des inondations dans ce secteur soumis à un aléa moyen ne suffit pas à caractériser un risque pour la sécurité des consommateurs. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet autorisé méconnaîtrait le critère de protection du consommateur.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Jadamic n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré à la société l'Immobilière Leroy Merlin France le 22 mai 2023 par le maire de Clermont-Ferrand en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Jadamic la somme de 2 000 euros chacune à verser à la société l'Immobilière Leroy Merlin France et à la commune de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Jadamic est rejetée.

Article 2 : La société Jadamic versera à la commune de Clermont-Ferrand et à la société l'Immobilière Leroy Merlin France la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jadamic, à la commune de Clermont-Ferrand, à la société l'Immobilière Leroy Merlin France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la commission nationale d'aménagement commerciale.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet présidente assesseure,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2025.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

C. MichelLa greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02433

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02433
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DEBAUSSART

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;23ly02433 ?
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