Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler d'une part l'arrêté du 19 février 2024 par lequel la préfète de l'Ardèche lui a refusé le séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2402849-2403305 du 10 avril 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour ainsi que les conclusions accessoires à celles-ci, a annulé la décision portant assignation à résidence s'agissant de ses modalités de présentation aux autorités et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2024, Mme A... B..., représentée par Me Albertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 10 avril 2024, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes relatives à l'arrêté du 19 février 2024 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination de cette obligation ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 février 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros hors taxes " outre intérêt au taux légal " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1969, est entrée en France le 13 juillet 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C, accompagnée de ses deux enfants, nés en 2007 et 2016, issus d'une première union qui a été dissoute en 2020. Elle a fait l'objet d'un premier refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, édicté le 24 janvier 2020 par le préfet de la Drôme, puis, après son mariage avec un ressortissant français, d'un deuxième refus de séjour également assorti d'une mesure d'éloignement, édicté le 28 juillet 2022 par le préfet de l'Ardèche. Le 18 décembre 2023, après le décès de son époux, Mme B... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par des décisions du 19 février 2024, la préfète de l'Ardèche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Elle relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, après avoir renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour ainsi que les conclusions accessoires à celles-ci et annulé la décision portant assignation à résidence s'agissant de ses modalités de présentation aux autorités, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 435-1 de ce code, dans sa dimension relative aux considérations humanitaires ou aux motifs exceptionnels que la situation de Mme B... commandait d'apprécier. Il mentionne les éléments de fait relatifs à la situation de la requérante, notamment ses précédentes demandes de titre de séjour, la durée de sa présence en France, sa situation familiale et professionnelle, de nature à la mettre en mesure de comprendre les motifs ayant conduit la préfète de l'Ardèche à prendre la décision attaquée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée était présente sur le territoire français depuis un peu moins de cinq ans à la date de la décision attaquée, et qu'elle a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées. Par ailleurs, il n'est pas établi qu'elle serait dépourvue d'attaches au Maroc, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante ans et où réside le père de ses enfants. Si la requérante produit plusieurs fiches de paie en qualité d'ouvrière agricole et d'aide à domicile auprès de sa mère, ces circonstances ne suffisent pas à conférer à sa situation un caractère exceptionnel ou humanitaire. Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il n'apparait pas que la préfète de l'Ardèche aurait manifestement entaché d'erreur l'appréciation qu'elle a portée sur la situation de Mme B... en estimant que celle-ci ne répondait pas à des considérations humanitaires ni ne justifiait de motifs exceptionnels de nature à faire obstacle à la décision d'éloignement contestée. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de l'éloignement et des buts poursuivis par cette décision. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
4. En troisième et dernier lieu, les décisions en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer l'appelante de ses enfants. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ceux-ci ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France, et notamment au Maroc, pays d'origine de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté, après avoir à bon droit substitué la base légale justifiant la décision contestée, sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 février 2024 par lesquelles la préfète de l'Ardèche l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01833