Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 13 avril 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour d'une durée de deux ans et celui du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2400865 du 20 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2024, M. B..., représenté par Me Demars, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 avril 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Puy-de-Dôme du 13 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre à cette autorité de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, et de mettre fin sans délai à la mesure de surveillance le concernant et de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Le jugement :
- est entaché d'une omission à statuer en ce qui concerne les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés, d'une erreur de droit s'agissant de la décision fixant le pays de destination de son éloignement, et d'un vice de procédure s'agissant du refus d'octroi de délai de départ volontaire et de l'interdiction portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- est également entaché d'irrégularité en ce qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée aux moyens tiré du vice de procédure à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de l'erreur d'appréciation en ses diverses branches invoqué à l'encontre de la décision portant assignation à résidence ;
L'obligation de quitter le territoire français :
- est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pu bénéficier du droit d'être entendu ;
- n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;
- est entachée d'une insuffisance de motivation ;
La décision portant refus de délai de départ volontaire :
- est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité de la décision d'éloignement ;
- est irrégulière en raison du vice de procédure lié à la méconnaissance du droit d'être entendu ;
La décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité de la décision d'éloignement ;
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision d'éloignement et de celle lui refusant un délai de départ volontaire ;
- a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- est entachée d'erreur de droit et d'appréciation ;
La décision d'assignation à résidence :
- est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- est entachée d'erreur de droit au vu des perspectives raisonnables d'éloignement ;
- est entachée d'erreur d'appréciation quant aux modalités de surveillance et de pointage.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 26 juin 2024, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, a fait l'objet de deux arrêtés du 13 avril 2024 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans, d'une part, et l'a assigné à résidence à son domicile pendant quarante-cinq jours, d'autre part. Il relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en se bornant à soutenir sans autre indication, dans son mémoire introductif sommaire d'instance que " les décisions contestées sont entachées d'incompétence et d'une erreur de droit. Ces moyens seront développés ultérieurement par mémoire complémentaire ", sans que ces moyens, qui n'étaient donc alors pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, n'aient été ultérieurement repris comme il était pourtant annoncé, M. B... doit être regardé comme les ayant abandonnés.
3. En deuxième lieu, la magistrate désignée ayant répondu au moyen tiré du vice de procédure résultant de la méconnaissance du droit d'être entendu à l'occasion de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle doit être regardée comme ayant répondu au moyen identique, invoqué à l'encontre des décisions subséquentes. Il résulte en outre du point 12 du jugement que ce moyen a été écarté comme non-fondé à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
4. En troisième lieu, il ressort du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient M. B..., la magistrate désignée a apporté une réponse suffisante d'une part, au moyen tiré du vice de procédure invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, d'autre part, au moyen tiré de l'erreur d'appréciation, en ses deux branches, dirigé contre la mesure d'assignation à résidence.
5. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement qu'il conteste serait entaché de plusieurs omissions à statuer ou d'insuffisance de motivation, et d'irrégularité par voie de conséquence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
8. En premier lieu, ainsi que la magistrate désignée l'a retenu, M. B... a été mis à même de présenter ses observations sur sa situation personnelle et administrative et sur la perspective d'un retour dans son pays, et a déclaré comprendre les motifs de la retenue dont il a fait l'objet le 13 avril 2024 pour vérification du droit au séjour. En particulier, il a pu exposer lors de cette retenue, sa situation familiale, en faisant notamment état de la présence en France de sa sœur, ainsi que les raisons pour lesquelles il estimait qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des difficultés. M. B... ne fait par ailleurs valoir aucun élément qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter à l'administration à cette occasion et susceptible d'influer sur le sens de cette décision. Le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à l'examen de la situation de M. B... à l'aune des éléments évoqués par celui-ci. Par conséquent, il ne peut se prévaloir, ainsi que la magistrate désignée l'a justement retenu, d'un défaut d'examen complet de sa situation. La circonstance que l'ensemble des relations dont il fait état au contentieux n'aurait pas été reporté dans la décision attaquée est sans incidence sur sa légalité. Enfin, il n'assortit pas son moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée d'autres éléments que ceux présentés précédemment. Dans ces conditions, ces deux moyens doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant refus de délai de départ volontaire, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 6 à 8, il ressort des pièces du dossier que dès lors que M. B... a bénéficié du droit d'être entendu, l'administration n'avait pas l'obligation de le mettre à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision portant refus de délai de départ volontaire. En outre, il a pu faire valoir à l'occasion de sa retenue, la circonstance qu'il possédait un passeport en cours de validité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte des points précédents que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai doit être écarté.
14. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4, 6 à 8 et 11, il ressort des pièces du dossier que dès lors que M. B... a bénéficié du droit d'être entendu, l'administration n'avait pas l'obligation de le mettre à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire, celui-ci ayant par ailleurs fait valoir ses conditions de séjour et ses liens personnels et familiaux en France à l'occasion de sa retenue.
15. En troisième lieu, comme la magistrate désignée l'a énoncé au point 13 de son jugement, la circonstance que M. B... dispose de plusieurs membres de sa famille en France n'est pas de nature à caractériser l'existence de circonstances humanitaires justifiant que le préfet s'abstienne de prendre la décision d'interdiction de retour en litige, ni de circonstances caractérisant une erreur d'appréciation dans le quantum de cette mesure, en l'espèce limitée à deux ans. Cette décision n'est dès lors entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que du fait de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, cette décision n'est pas illégale pour ce motif.
17. En second lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge aux points 16 et 17 de son jugement et qui n'ont fait l'objet d'aucune critique utile en appel, les moyens tirés de l'erreur de droit et des erreurs d'appréciation qui entacheraient la décision en cause.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'il a présentées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01356