Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2404467 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 octobre 2024, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 de la préfète du Rhône ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'une année portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de procéder, aux mêmes conditions, à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur de fait au regard des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est illégale compte tenu de l'illégalité des précédentes décisions ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité des précédentes décisions ;
- la décision lui interdisant le retour est illégale compte tenu de l'illégalité des précédentes décisions ; elle est entachée d'une erreur de droit en ce que la préfète du Rhône s'est fondée sur les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il dispose d'un délai de départ volontaire ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 18 décembre 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations-Unies relatives aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 2 janvier 1983 et de nationalité mongole, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 13 novembre 2011 avec son épouse et deux de leurs trois enfants. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 juillet 2012 et la Cour nationale du droit d'asile le 26 février 2013, il a fait l'objet, par arrêté du préfet du Rhône du 13 septembre 2012, d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, à l'encontre desquelles le recours formé par M. B... a été rejeté par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Lyon, et la mesure d'éloignement n'a pas été exécutée. Il s'est ensuite vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé par le préfet du Rhône, valable du 18 septembre 2015 au 17 septembre 2016. Le renouvellement de ce titre de séjour a été refusé par une décision du 16 décembre 2016 du préfet du Rhône dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon et la cour administrative d'appel de Lyon. M. B... a alors sollicité, le 11 mai 2018, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 17 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré sur le territoire français en novembre 2011, et que son épouse et ses trois enfants, dont le dernier est né sur le territoire français le 24 septembre 2013, résident également en France, il ne justifie d'une présence régulière en France que durant une année, hormis la période nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, de septembre 2015 à septembre 2016, sous couvert d'un titre de séjour délivré en raison de son état de santé. Il s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement opposée le 13 septembre 2012 puis d'une décision de refus de séjour opposée le 16 décembre 2016, décisions dont la légalité a été confirmée par les juridictions administratives. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, les six années pendant lesquelles il a bénéficié de récépissés de demande de titre de séjour ne constituent pas une période de résidence régulière, M. B... n'ayant d'ailleurs pas mis à profit cette période pour s'intégrer socialement ou professionnellement. M. B... ne dispose en outre d'aucun moyen d'existence et réside, avec sa famille, dans un foyer d'hébergement financé par l'Etat. Par ailleurs, la commission du titre de séjour a estimé, dans son avis du 8 février 2024, que M. B... nonobstant sa présence sur le territoire français depuis novembre 2011 " maîtrise imparfaitement la langue française. Il ne justifie d'aucune qualification professionnelle. (...) ses perspectives d'insertion dans la société française paraissent limitées ". Enfin, M. B... n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où est née sa fille en 2011 et où résident encore ses parents et ses quatre frères et trois sœurs. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et alors que son épouse de même nationalité a également fait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le même jour, nonobstant la circonstance, à la supposer avérée selon laquelle l'un de ses enfants pourrait obtenir la nationalité française, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige méconnaît les dispositions et stipulations précitées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. B..., la préfète du Rhône s'est également fondée sur la circonstance que le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a relevé que M. B... est défavorablement connu des services de police. Le 20 février 2012, il a fait l'objet d'un rappel à la loi pour recel de bien provenant d'un vol et le 9 février 2018 d'un rappel à la loi pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS. Il a été condamné, le 14 septembre 2018, à 300 euros d'amende pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, le 31 janvier 2019, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et conduite d'un véhicule sans permis et enfin, le 25 novembre 2019, à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance. Toutefois, ce comportement réitéré, notamment concernant les infractions au code de la route et au droit des assurances, s'il est susceptible de causer un trouble à l'ordre public ne constitue pas une telle menace. La préfète du Rhône ne pouvait donc pas se fonder sur cette circonstance pour refuser le titre de séjour solliciter.
5. Cependant, il est constant que la préfète du Rhône aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur l'absence d'une vie privée et familiale intense, ancienne et stable sur le territoire français et d'insertion dans la société française. Par suite, compte tenu de la situation personnelle et familiale de M. B... précédemment décrite, la préfète du Rhône pouvait, pour se seul motif, lui refuser le titre de séjour sollicité.
6. En troisième lieu, le refus de séjour en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. B... de ses trois enfants mineurs, ou de l'empêcher de continuer de pourvoir à leurs intérêts matériels et moraux, tandis qu'aucune stipulation de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'impose leur scolarisation en France, exclusivement. Il suit de là que l'article 3-1 de ladite convention n'a pas été méconnu.
7. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
8. En dernier lieu, compte tenu des éléments de la situation personnelle et familiale de M. B... précédemment décrits, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant doivent, en l'absence d'autres éléments, être écartés pour les mêmes motifs.
Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination :
10. A l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination, le requérant soulève le moyen tiré de ce que ces décisions sont illégales en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et des obligations de quitter le territoire français. Il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-avant que ces moyens ne sont pas fondés.
Sur l'interdiction de retour d'une durée de vingt-quatre mois :
11. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision lui interdisant le retour est illégale compte tenu de l'illégalité des précédentes décisions doit être écarté pour les motifs précédemment exposés.
12. En second lieu, les moyens tiré de ce que l'interdiction de retour d'une durée de vingt-quatre mois est entachée d'une erreur de droit en ce que la préfète du Rhône s'est fondée sur les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies relatives aux droits de l'enfant, doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être écartés par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
Mme Claire Burnichon, première conseillère,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N°24LY02929 2